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I - 2.12 Pourquoi le sang de la circoncision emporte la vie des rois
Ces valeurs communes rappelées, il serait possible dénoncer en vertu de quelle nécessité le sang de la circoncision emporte la vie des rois.
Alors que le double annuel du roi, qui meurt à la place du roi, est identifié à lannée (au cycle végétatif), la personne du roi serait donc associée à lachèvement propre à la génération humaine qui se marque dans lacquisition de la compétence matrimoniale. Un caractère de lautorité ici examinée serait de survivre à lannée pour mener à terme les maturations de lespèce. Une royauté annuelle signerait lincapacité de linstitution à assurer le renouvellement des générations. Précisément, la durée du règne dans la royauté sacrée correspond, soit à un mariage astronomique coïncidence du calendrier solaire et du calendrier lunaire, soit au temps compris entre deux sessions initiatiques, ces deux cycles pouvant être synchrones, soit à laptitude physique du roi à assurer la conjonction des principes (ce sont ses femmes qui sont chargées dobserver les premiers signes de sa décrépitude - et, parfois, de létouffer : Au Dahomey, selon Dalzel (l793 : 12), le roi donne des instructions à ses femmes pour létrangler, ce qui est immédiatement fait). Le mariage est la forme et la mesure de cette souveraineté.
Dans lhistoire de Thésée, lintronisation se présente comme un retour dexpédition initiatique qui provoque la mort dÉgée. Chez les Daka du Nigéria, daprès Frobenius (1925 : 51), lintronisation est liée aux rites de sortie dinitiation. À propos des Moundang, voisins des Daka, Frobenius écrit que la circoncision ne peut avoir lieu quà la mort du roi et que celui-ci doit mourir au terme de la septième ou huitième année de son règne (Ibid. : 76). De manière peut-être plus explicite, il écrivait en 1913 (III : 138) que la tradition limitait le règne du roi a sept ans et que lannonce de la mort du roi donnait le signal des cérémonies de la circoncision des jeunes garçons (les italiques sont nôtres). Linitiation est à la naissance biologique ce que la régénération rituelle de lannée est à la végétation naturelle qui sachève dans la flétrissure et la mort. Réapproprier les catégories en purifiant la société des flétrissures physiques et morales et des dérèglements, cest conjurer la mort de lannée et redonner vie aux germinations. La purification en quoi consiste linitiation - séparer le masculin du féminin - permettrait de comprendre le roi, par leffet dune économie sommaire, comme celui qui prend sur lui et expulse limpureté de la génération humaine.
Mais il faut rappeler ici une donnée fondamentale touchant au sacerdoce du roi et qui constitue un trait diacritique de la royauté sacrée en Afrique : la féminité rituelle du roi, associée à sa fonction de matrice du royaume et de garant de la fécondité, et qui peut être diversement signifiée (puisquon trouve des cas despèce où le roi est une femme qui assume une fonction masculine - e. g. Krige : 1943). Les Moundang expliquent, par exemple, que le roi a subi une initiation partielle qui a laissé subsister en lui une manière de féminité : sans lintervention des grands masques, ceux qui avalent le novice, le font passer par [la] mort initiatique quexige larrachement à toute féminité (Adler, 1982 : 375). Cest au cours de ses funérailles que le roi est présenté aux masques qui symbolisent les clans du royaume. Ainsi, ce dont le roi a été exclu comme prince [...] lui est en quelque sorte rendu au titre dhonneurs funéraires [...] Le roi nest pleinement homme, cest-à-dire glorifié par les masques quà sa mort (Ibid. : 387). Il faut préciser aussi que les pratiques dont la dépouille royale fait lobjet ont pour propre un traitement différencié de la tête et du corps, ainsi que lavait relevé Frobenius : le crâne, opérateur de la succession (on présente au fils le crâne de son père quand son tour est venu) et garant de la continuité dynastique devient relique tandis que le corps, soumis à une putréfaction accélérée (selon Adler), est jeté dans le fleuve et ainsi expulsé du royaume (Atlantis, V : 77).
Il suffirait alors deffectuer, au sens arithmétique du terme, les données rapprochées pour apercevoir pourquoi le sang de la circoncision emporte la vie des rois, selon la formule que Frobenius rapporte des Daka. On dit chez les Daka (Frobenius, 1925 : 55) que si la proclamation du règne avait lieu avant la sortie de linitiation, il arriverait vraisemblablement que le roi mourrait pendant la fête de la circoncision. Ce qui indique à coup sûr une concomitance entre la circoncision et la mort du roi, mais peut-être aussi une homologie entre les deux opérations - cest assurément faire là une hypothèse et fonder sur des équivalences symboliques la nécessité dun événement dont la réalité est discutée - homologie que la nature double du roi permet de préciser : quand le temps est venu de séparer le masculin du féminin (quand les produits de la génération humaine doivent être socialement définis dans leur sexe, initiés, circoncis), le temps est venu de séparer le masculin et le féminin dans la personne du roi, de le diviser tête et corps, de le mettre à mort.
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