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Copyleft : Bernard CHAMPION
1 Éléments d'Anthropologie du Droit
Avant-propos : Philippe LABURTHE-TOLRA Doyen honoraire à la Sorbonne
Préface :
Norbert ROULAND Membre de l'Institut Universitaire de France

présentation avant-propos préface introduction plan
index analytique références table illustrations
1- Le souverain juge
2- “Pourquoi le sang de la circoncision...”
3- Dessin du dessein
4- “Authentique ! sans papier !”
5- L“Âme du Mil”
6- “Il faut se battre pour la constitution...”
7- Rire et démocratie
8- Sur l’innovation
9- La “culture des analgésiques”...
10- Du “mariage arrangé” à l’“amour-passion”
11- Du mythe au roman, de la Patrie à la Filisterie
12- La chimie du rire
13- Quelques données sur la prohibition de l’inceste
14- Morale et handicap
15- Le juge, de quel droit ?
16- Droit au sol et mythes d'autochtonie
17- Habiter, cohabiter : sur l’exemplarité
18- Le territoire de la langue : les deux natures
19- Enquête sur la forme humaine : 1
20- Enquête sur la forme humaine : 2
21- Enquête sur la forme humaine : 3
22- Quelques exercices de Travaux Pratiques

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SOMMAIRE

anthropologieenligne.com : unité de l’homme et diversité des cultures


Chapitre 9

Présentation du chapitre :

L’objet du chapitre est de produire quelques données représentatives de l’individualisme contemporain (9.1). On présente, par contraste et succinctement, les valeurs initiatiques (9.2) , puis éducatrices (9.3), idéalement développées dans ce que Georges Devereux a proposé d’appeler la “pseudo-homosexualité” grecque. Le propos étant la recherche d'invariants éducatifs et la mise en vedette des attendus de l'éducation libérale, ces valeurs sont de nouveau caractérisées par des données ethnographiques et archéologiques concernant des procédures initiatiques et des mythes de souveraineté associées à l'établissement de la différence des sexes (9.4 et 9.5).
Première partie 9.1 : “La culture des analgésiques et l’individualisme : quelques données pour une approche anthropologique et culturelle de la douleur” ;
Deuxième partie : 9.2 : “L’homosexualité en Grèce ancienne : une préparation au mariage” ;
Troisième partie : 9.3 : L’homosexualité pédagogique : pour disposer au platonisme ? La transmission de l'humeur virile et la naissance de la philosophie”;
Quatrième partie : 9.4 (cette partie comporte trois pages : 9.4, 9.41 et 9.42) : “Quelques données ethnographiques sur l'homosexualité initiatique” (Grèce, Soudan et Nouvelle-Guinée) ;
Cinquième partie : 9.5 : “Un Œdipe sans complexes : souveraineté, pédagogie et différence des sexes”.
Sixième partie : 9.6 : “L'Unique et sa propriété”.

N. B. Les principales références sont reportées en fin de chapitre 9, soit page 9.5.

1ère partie :

La “culture des analgésiques” et l’individualisme :

quelques données
pour une approche anthropologique et culturelle
de la douleur

III - 9.1

(Communication présentée au colloque “La douleur et le droit ”, Faculté de Médecine et Faculté de Droit de Montpellier, Montpellier, octobre 1995.)

*

"Vouloir écarter de sa route toute souffrance
signifie se soustraire à une part essentielle de la vie humaine."
Konrad Lorenz
Les huit péchés capitaux de notre civilisation
(1973)


Dans ce colloque accueilli par la Faculté de médecine et organisé par la Faculté de droit, j’aimerais donner la parole, pour résumer le propos de ma communication, à un écrivain médecin qui exerça sur le Front : “Celui qui parvient à se représenter la souffrance des autres, écrit Georges Duhamel, a déjà parcouru la première étape sur le difficile chemin de son devoir”. Si l’expression de la souffrance est un moyen de communication et le partage de la souffrance une consolation, et si notre individualisme a aussi les moyens pharmacologiques d’annuler ou de tempérer la douleur, alors ces moyens doivent nous rendre le même service - et davantage - que l’encombrant secours de l’importun prochain. Telle est l’idée que j’aimerais soumettre à votre critique.

La “ culture des analgésiques ” : j’emprunte donc ce titre à une parole d’évêque qui détonne dans les évidences d’aujourd’hui et dont voici la substance : “On ne peut effacer complètement la douleur sans enlever à la vie l’inquiétude nécessaire. La culture des analgésiques [...] nous rend incapables de supporter nos douleurs, incapables de comprendre et partager la douleur des autres”.

Ce sermon jure d’autant plus – prononcé devant une assemblée de cardinaux et d’évêques (le 13 octobre 1989 à Rome), il a d’ailleurs causé une certaine surprise – qu’il visait d’abord l’accouchement sans douleur et que, nous autres, croyons et tenons au progrès précisément parce qu’il nous affranchit des servitudes de l’espèce et qu’il fait notamment échec à la malédiction divine : “ Tu accoucheras dans la douleur ”.

Pour approcher le scandale de la douleur, et de la douleur infligée, il faut cerner, me semble-t-il, l’utilité – car il y en a une – l’utilité de la douleur. Utilité qui peut expliquer, comme le pose la citation que je viens de faire, le scandale de l’absence de douleur.

En réalité, tout jugement de valeur suspendu, je pense que l’expression “culture des analgésiques” qualifie une donnée fondamentale de la société occidentale moderne : l’individualisme et le droit de l’individu. Et que les deux verbes qui commentent cette expression : “supporter (nos douleurs)”, “partager (la douleur des autres)” définissent le champ anthropologique d’une réflexion sur la douleur.

Si la douleur ne se partage pas, si l’on ne peut se mettre à la place de celui qui souffre, c’est que la douleur exprime l’individuel par excellence. Et, de fait, la douleur banale est une affaire de peau : elle émane de cette enveloppe qui circonscrit l’unité individuelle et procède de ce sens tactile qui lui permet de se guider dans le milieu extérieur. Quand la douleur interne est diffuse, imprécise, la douleur-peau porte une information immédiate et explicite. Pour prendre une image très primitive, imaginons une amibe qui émet ses pseudopodes pour “ tâter le terrain ”. La douleur, message au système nerveux central, signale un contact et une voie impraticables. Elle renseigne, par conséquent, sur la conduite à tenir et la direction à prendre.

Pour changer de registre, mais selon des enjeux identiques : il existe un sens social du toucher qu’on appelle le tact. Le milieu n’est plus le milieu physique, c’est le milieu humain. Mais le tact, on le remarque immédiatement, est l’art, non pas de ne pas se faire mal en société, c’est ce savoir qui consiste à ne pas faire mal, au psychique et au moral s’entend, à son prochain. L’individu qui manque de tact est un être affligé de ce défaut de sensibilité particulière qui permet à l’homme d’évoluer parmi ses semblables. Cet être insensible se déplace dans le milieu humain comme s’il s’agissait d’un milieu matériel. Un milieu insensible. On voit par cet exemple que la douleur n’est pas seulement un message interne dirigé vers le poste de pilotage de l’unité qui se déplace dans un milieu extérieur. C’est aussi un message externe à l’intention du semblable.

Absolument individuel en cela qu’il est irrépressible, le cri de douleur se lance, même dans le plus total isolement, et lancer suppose une direction et un destinataire. La douleur tire à l’homme les plus forts signaux qu’il soit capable d’émettre. Pas seulement en décibels. La douleur fait donc partie des moyens de communication de l’espèce, selon une utilité qui n’est d’ailleurs pas l’apanage du monde animal, dit “sensitif”.

En septembre 1990 se tenait ici même, à Montpellier, un congrès international sur l’arbre. Un zoologiste sud-africain y exposa une étonnante - et fortuite - découverte : que les arbres communiquent entre eux et précisément quand ils sont soumis à une agression. Cet observateur du monde animal avait à comprendre pourquoi les antilopes en captivité des réserves du Transvaal mouraient sans cause apparente. Il s’est révélé que cette mortalité, pouvant atteindre 39 % de la population pendant la période hivernale, avait pour origine le tanin contenu dans les feuilles d’acacia dont se nourrissent les antilopes. Et que c’était là un moyen de défense des arbres qui, agressés par l’animal, augmentent le taux de tanin de leurs feuilles et qui, de surcroît, libèrent une substance volatile, l’éthylène, qui propage l’alerte et “prévient” du danger les arbres voisins. Ceux-ci, à leur tour, développent une toxicité mortelle aux animaux confinés derrière des clôtures et dont les pousses d’acacias constituent, l’hiver, la principale nourriture. Il suffirait de quinze minutes à un congénère situé dans un rayon de cinquante mètres pour multiplier par trois la concentration de tanin de ses feuilles...

La douleur est une alerte pour celui qui se fait mal et un moyen d’alerte à l’adresse du semblable. Pour prévenir, mais aussi pour partager, et bien que la douleur soit l’individuel par excellence. Car l’émotion, moyen de mettre la sensation individuelle en commun (l’émotion est par nature “touchante”), est aussi un moyen de partage de la douleur. On peut constater expérimentalement que, lorsqu’on projette un film d’horreur à un spectateur isolé, puis le même film au même spectateur en compagnie, il se révèle généralement aussi émotif et expansif en société qu’il pouvait être réservé et contenu en solitaire. Les signes de la douleur sont les plus communicatifs qui soient. Dans le visage de l’enfant défait par les larmes, quand se brouillent tous les traits de la contenance, il y a une imploration irrésistible, une communication qui s’opère par subversion des moyens de communication. Et l’imploration peut parfois dépasser son objet : s’épuiser en contagion. Comme le note avec quelque emphase l’obscur et immortel auteur d’une formule attribuée à Boileau (“Chassez le naturel, il revient au galop”), j’ai nommé Destouches, qui écrit :
“Car qu’une femme pleure une autre pleurera
Et toutes pleureront tant qu’il en surviendra.”


Douleur, Richard Aeschliman, 1976.

Le caractère vital de cette communication peut être marqué par le fait que certains des signes de la douleur et notamment ceux de la douleur morale, sont soustraits au contrôle volontaire. Par exemple, cet appel émis par ce que Darwin (1874 : 194-197) a proposé d’appeler les “muscles de la douleur” qui rident le front d’une manière tout à fait spécifique, qui sont mis en jeu, chez l’adulte, par l’angoisse morale, et que, sauf apprentissage, on ne peut mobiliser dans une intention de simulation.



Beethowen par Dufour (carte postale, coll. particulière)
“Je te rends grâce, ô Très Haut, car je meurs dans la douleur et non dans le péché.” (extr. d’une lettre de Beethowen)



Matthias GRUNEWALD, Crucifixion , Rétable d'Isenheim, 2.692 x 3.073, Colmar, Musée d'Unterlinden (détail)

(source http://college-de-vevey.vd.ch)

*

Mais la douleur, à l’inverse du cri de détresse et de cet appel à partage – qui nous remémore que l’individu est aussi une rétraction d’un nous collectif et que le retour au giron de la communauté constitue une sécurité – précisément parce qu’elle exprime l’absolument individuel, est aussi un moyen de formation de l’individualité.

Dans la société traditionnelle, alors que nous élevons nos enfants, nous, “dans du coton” et cherchons à leur épargner toute douleur physique, l’éducation de la douleur constitue un passage obligé de l’éducation des jeunes gens. Et spécifiquement de l’éducation des garçons, selon des valeurs dont témoigne encore le langage commun. Le courage, identifié à la résistance à la douleur, est représentatif de la différenciation sexuelle : en avoir, c’est appartenir à la classe des hommes.

J’illustrerai cette éducation par cet extrait qu’Elisabeth Badinter donne, dans son Identité masculine (1992 : 115-117), des rites d’initiation chez les Bimin-Kuskumin de Nouvelle-Guinée (in Herdt, 1982).

Burschenschaften

“Les Bimin-Kuskumin consacrent un temps et une énergie extraordinaires aux activités rituelles masculines. Elles ne comportent pas moins de dix étapes qui durent dix à quinze ans. Une fois enlevés à leur mère, les garçons (de sept à dix ans) écoutent les chants des initiateurs qui les désignent comme des êtres souillés, pollués par les substances féminines. Les garçons, terrorisés, sont déshabillés, leurs vêtements brûlés et ils sont lavés par des initiateurs femelles qui enduisent leur corps d’une boue jaune funéraire, tout en faisant des remarques désobligeantes sur leur sexe. Cette expérience humiliante est suivie d’un discours des initiateurs qui leur annoncent qu’on va les tuer parce qu’ils sont affaiblis et pollués par leur mère. Les enfants, extrêmement nerveux, commencent à pleurer et leurs cris redoublent lorsqu’on fait couler le sang de leur tête. On les montre une dernière fois à leurs mères qui pleurent, elles aussi, et prennent le deuil.

Les garçons sont emmenés plus loin dans la forêt et battus par surprise avec des baguettes jusqu’à ce que leur corps soit couvert de zébrures. Pendant les quatre jours suivants, ils sont humiliés et maltraités de façon presque ininterrompue. Les traitant constamment de “pollués” et d’avortons, les initiateurs alternent la flagellation aux orties brûlantes qui fait saigner le corps et les nourritures vomitives afin de les purger de tout le féminin accumulé depuis la naissance. Pour les [obliger] à vomir on leur ingurgite de force du sang et de l’urine de porc. Le traumatisme de la douleur et la puanteur des vomissements incessants, la saleté, les cris et la terreur ressentie, mettent les enfants dans un état physique et psychique d’extrême misère. À peine cette première épreuve terminée, on les force à manger des nourritures “femelles” interdites qui accentuent leur panique et provoquent de nouveaux vomissements. Après un répit de quelques heures, les initiateurs les incisent au nombril (pour détruire les résidus menstruels), au lobe de l’oreille et brûlent leur avant-bras. Le sang récupéré est ensuite appliqué sur leur pénis. On leur dit que ce sang (féminin) va dissoudre leur pénis et on les humilie quand celui-ci se rétracte au contact du sang.

Aux yeux de l’anthropologue qui a observé ces événements, les enfants sont alors dans un état de choc indescriptible. Beaucoup, le corps en sang, s’évanouissent ou deviennent totalement hystériques. C’est le moment choisi par les initiateurs pour leur annoncer qu’ils sont en train de mourir... Puis on les soigne, on leur donne un nom masculin, tout en continuant à leur faire régulièrement des incisions sur les tempes. En dépit des premiers soins des aînés, les novices restent prostrés en état de détresse et de peur.
Porter Pode a interrogé novices et initiateurs sur leurs sentiments personnels durant ces épreuves [...] Il a demandé aux anciens si tant de tortures ne les touchaient pas. Beaucoup lui ont dit leurs regrets de ces souffrances. Mais ils les jugeaient nécessaires pour les garçons [...] Tel est le prix à payer pour passer d’un état de vulnérabilité femelle à celui de mâle puissant [...] Les novices lui ont confié leur profond désespoir, fait de rage, du ressentiment d’avoir été trahis par leur mère qui ne les a pas protégés, et d’hostilité pour leur père complice de leurs tortionnaires. Mais la plupart des novices ont également dit leur orgueil d’être passés par là et d’avoir survécu [...] Ils disent que quelque chose s’est cassé en eux. Ils ont coupé le cordon ombilical et ressentent une nouvelle solidarité masculine. Celle-ci est constituée par un pouvoir non contesté et par la séparation du danger féminin.“

J’aimerais faire écho à cette description “exotique” par un cas beaucoup plus proche, celui du passage de l’étudiant Max Weber dans ces Burschenschaften, corporations d’étudiants où l’affiliation constituait un ticket d’entrée aux carrières futures et où se trouvaient mêlés des rites d’inspiration maçonnique et des rites beaucoup plus archaïques. Max Weber reçut de la sienne, à Heidelberg, les Schmisse, ces balafres qu’il dissimulait sous une barbe et il pourra dire qu’il avait acquis là des “automatismes comportementaux dont il a eu des difficultés à se libérer”.


Au plan évolutif, la capacité à endurer la douleur vaut, dans les rites de passage en cause, probation. Les scarifications des femmes Tiv (Bohannan, 1988 : 82), par exemple, ont un objet à la fois esthétique et démonstratif. Elles affichent la capacité des jeunes filles à supporter la douleur. Celles qui en refuseraient l'épreuve seraient vues comme timorées, égoïstes et... inaptes au mariage. Cette valeur de test et de qualification, on l'a vu, est commune aux rites d'initiation. La subincision pratiquée en Australie et dans certaines parties de la Nouvelle-Guinée consiste ouvrir la verge de la base du scrotum jusqu'au gland. Elle a pour effet d'augmenter le volume de l'organe viril qui "semble doubler en largeur" (Roheim, 1974 : 235). Les femmes aborigènes du désert de Gibson considèrent que cette opération rend les rapports sexuels plus agréables. Les implants péniens en usage Indonésie auraient aussi cet objet. Le plus connu de ces implants est le palang, ou kalang, des Dayaks de Bornéo. Le mot "palang" signifie "traverse" en malais et désigne une tige en os ou en métal, aux extrémités arrondies, qui traverse le gland et parfois l'urèthre. Les Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, rendant compte de sa séance du 2 mars 1893 en donnent la description suivante, sous la plume de M. Zaborowski.

"Le Kalang est en effet un petit instrument en cuivre ou en argent de la grosseur d'une pointe de fourchette et d'une longueur moyenne d'environ 6 centimètres (quelques fois plus), qu'ils insèrent à travers le gland au-dessus de l'urèthre intact. À chacun des bouts, qui restent constamment apparents, on passe en guise d'ornements des rondelles ou des petites boules en bois, en métal, en pierre, en corne, des petites touffes de plumes ou de corail fin. Pour empêcher ces objets de glisser, on attache extérieurement des petits bouts de fil.

On a vu un Batttak Longwai porter ainsi aux deux bouts de son kalang une pièce de monnaie percée par le milieu. Chose plus extraordinaire ! les Modangs, les Bahans en portent deux ; les Longwais jsuqu'à trois. [...]

Je n'aurais pas parlé de cet usage, s'il ne s'agissait que d'une pratique fantaisiste individuelle. Mais il constituait, lui aussi un trait de mœurs très important du peuple Dayak. Chez quelques tribus, on se fait cadeau de Kalangs pour entretenir des relations et entretenir de bons rapports. [...] Et pour un jeune homme qui veut se marier, il est presque aussi indispensable de s'en pourvoir que de couper des têtes. Des femmes Dayak ont été interrogées sur les motifs qui les faisaient ainsi entretenir cette coutume. Elles montrent pour elle une véritable passion. Car elles mettent les hommes en demeure de se pourvoir de Kalangs ou de rompre avec elles [...] 'C'est pour le coït ce que le sel est pour la viande'". (Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, 1893 /sér. 4/ T. 4/ Fasc. 1-4, pp. 168-169).

Le palang de Bornéo et la subincision pratiquée par les Australiens ont peut-être l'observation animale pour support (Harrisson, 1956 ; Cawte 1966). Le pénis du rhinocéros (infra) est, en effet, doté d'une sorte de traverse située quelques centimètres en arrière de l'extrémité de la verge et le pénis bifide du kangourou (infra) – dont la copulation peut durer deux heures – peut avoir inspiré la subincision. Ces artefacts sont, en tant que tels, utilisés comme des signes de puissance. (Rowanchilde, 1996)

Pénis de rhinocéros (d'après Harrisson, 1956) et pénis de kangourou (d'après Cawte, 1966)
(pénis bifide, la femelle kangourou possède deux utérus et trois vagins.)

La pratique moderne du piercing, qui offre sous le nom d'ampallang un implant génital similaire, donne une information indirecte sur l'intérêt de ces pratiques. (Gladsjo, L. A. 1991. Stigmata, vidéo citée par Rowanchilde, 1996) Les porteurs d'ampallang font état d'une vigilance sexuelle multipliée (Rowanchilde, 1996 : 198) et mettent en avant la fierté d'un tel arroi. Dans le Kama Sutra, le perçage du gland et de l'urèthre est donné comme remède à l'impuissance. L'actualité de ces usages "ethniques" donne matière à la "sociologie des tribus" et aux magazines "branchés".


Ampallang

Logo d'un site de piercing

Opérations proposées par une entreprise de piercing
(la variante indienne de l'ampallang, apadravya, implant vertical, n'y figure pas)

La chirurgie moderne est aussi mise à contribution pour améliorer la signalétique sexuelle. Elle propose, par exemple, de couper le ligament suspenseur du pénis, ce qui a pour effet de libérer un ou plusieurs centimètres du corps de la verge. Des poids sont ensuite fixés sur l'organe pour en prévenir la rétraction. Ce traitement peut durer jusqu'à six mois. Il faut ajouter au coût de cette opération (environ quatre mille dollars en 1995), la douleur, la redirection de l'érection vers le bas (le ligament sectionné assurant l'office élévateur), les risques d'infection ou d'impuissance. Le pionner de cette opération au Canada, le docteur Robert Stubbs explique qu'un fort pourcentage de ses patients souffrent du "complexe des vestiaires" et sont gênés de s'y montrer nus. Le port du "matériel" visé plus haut renverse aussi cette angoisse, comme le montrent les deux confessions suivantes (dans Rowanchilde, 1996 : 202) :

I was peeing in a public washroom one day when this very athletic Mr. Jock walked in and stood at the urinal next to me. He dropped his jeans to his ankles and stood two feet back from the urinal to take a whiz, just because he had a huge schlong [une queue énorme]. Mr. Jock stood there whistling and looking back over his shoulder to see if I noticed and tried starting up this idiotic conversation, "How y'all doing?" and shit like that. What he really wanted to say was, "What do y' all think of this ?" When I finished, I turned toward Mr. Jock and gave mine three or four good shakes. When Mr. Jock heard the jingle, jingle, jingle and saw the gleaming metal, he turned so white, he damn near fainted. He did a complete double take, pulled up his jeans and ran fast [sans demander son reste] (Interview: Don).

This whole thing about men and penis size is quite hilarious, but it's real. It's out there. Size [length] matters to men. 1 don't think it matters so much to women. 1 think the big size thing develops in the school locker room when you're a kid. The big dicked guys send out signaIs that say, "We're better," "We're more masculine than you," or "We deserve to be here, look at the size of our dicks." When the guys with the big schlongs see my pierced dick they don't strut
[frimer] like before. Before they saw only a little dick. Now they see a little click with a lot of fucking attitude (Interview: Paul, 23 November 1994)

Sur les forum de discussion du web, on trouve des jugements de la même veine émanant de porteurs d'ampallang, e. g. :

[...] Sexuellement c'est un PLUS, c'est ta marque de fabrique, ton côté super original, tu sais que dans une pièce t'es certainement le seul a avoir le gland piercé, c'est sympa.

La pénoplastie offre aujourd'hui des voies moins radicales aux demandes de ravalement ou d'optimisation, cosmétique ou fonctionnelle, des patients. Demande quasi universelle de toute-puissance. Le héros d'un roman chinois, publié anonymement à la fin du XVIIe siècle, intitulé La chair comme tapis de prière, Rouputuan, attribué à Li Yu (qui est à la fois une parodie des rites macrobiotiques taoïstes et une critique du puritanisme confucéen), se fait greffer sur la verge quatre quartiers de pénis de chien, prélevés chirurgicalement en phase copulatoire quand les partenaires restent publiquement et « stupidement » accouplés : le gonflement naturel des bulbes péniens de l'animal provoque ce nouage indiscret qui fait du chien (le héros de Li Yu ne met pas à profit le baculum) une victime des pratiques de bestialité (ASA).

La "Mika-operation" des Australiens (la subincision), décrite dans le Bullletin de la Société d'Anthropologie cité, est dite provoquer la la "jalousie" des autres hommes dans la compétition pour les femmes (Montagu, 1974 : 107). Au-delà de la signalétique (infra : 9.41), le porteur de ces stigmates affiche abnégation et courage physique, démontrés par la volonté de s'engager dans ce type d'épreuve et par le fait d'en avoir triomphé. Dans un environnement traditionnel, à Bornéo, ces artefacts sont identifiés à la dominance mâle. Les femmes Iban disent de l'homme qui ne se conforme pas à cette étiquette qu'il est "désarmé" ou doté d'une "lance émoussée". Avec la volonté de puissance et la preuve de la capacité à supporter la douleur en vue d'acquérir la compétence requise, s'affiche, chez le porteur de palang, une force de caractère qui augure de sa valeur sociale – cet indice peut se révéler déterminant dans le choix de la femme. (C'est en ce sens que l'orgasme féminin a pu être interprété comme un mécanisme adaptatif : un signe prédictif de la coopération – économique, domestique, émotionnelle – entre les partenaires et un moyen de maintien du lien de couple – déterminant, de fait, dans la production d'ocytocine...) L'homme qui s'est sacrifié dans un tel propos annoncerait ainsi, de surcroît à ses compétences sexuelles, sa capacité d'engagement et, par conséquent, sa valeur matrimoniale.

Un sujet intrigant de la zoologie est celui de l'étonnante ("tremendous" dit un auteur, "bewildering" dit un autre...) diversité de forme des structures copulatoires chez les mâles. La transmission d'un coulis de gamètes ne nécessitant nullement le recours à un matériel aussi élaboré, la question se pose de son utilité (Dixson, 1987 ; Eberhard, 1985 et 1990). On retiendra pour cet excursus une première réponse qui tient à la fonction de l'organe dans la copulation. L'exemple bien connu du chat (mais aussi de certains rongeurs), dont le pénis est pourvu d'épines kératineuses dirigées vers l'arrière et dont l'effraction déclenche l'ovulation, montre une fonction spécialisée de l'organe, en sus de sa fonction de transfert des gamètes dans le tractus génital de la femelle, puisque sa forme et son action induisent le devenir de la semence. L'exception de l'hippocampe (dont la femelle est dotée d'un organe ovipositeur et dont le mâle est particulièrement impliqué dans l'élève des petits) suggère une fonction d'inféodation de ce type de structure, quand il s'agit pour son détenteur d'optimiser ses chances de reproduction dans un milieu favorable. Une seconde réponse est donnée par l'observation que, chez les primates, la morphologie génitale paraît être en relation avec la structure sociale : plus complexe et plus développée quand une femelle peut s'accoupler avec plusieurs mâles ("choix cryptique" - Thornhill, 1983 - de la femelle). Le "choix de la femelle" – le second facteur de la sélection sexuelle selon Darwin – peut être à l'origine de cette concurrence signalétique et fonctionnelle observable chez les mâles de ces espèces : pars libera et baculum plus développés, spécialisations péniennes..., les mâles mettant en œuvre des stratégies monogamiques ou polygyniques présentant une morphologie plus simple. (Dixson, 1987)

Rangée supérieure :
Pénis (flaccides) d'espèces de primates dont la femelle réceptive peut s'accoupler avec plusieurs mâles :
Nycticebus coucang, Euoticus elegantulus, Arctocebus calabarensis, Galago garnettii, Galago crassicaudatus.

Rangée inférieure :
Pénis (flaccides) d'espèces dont la femelle s'accouple avec un seul mâle :
Saguinus œdipus, Erythrocebus patas, Mandrillus sphinx, Callithrix jacchus, Colobus guereza.

(D'après Dixson 1987 et Eberhard 1990)


Si l’éducation par la douleur nous apparaît comme un concept et un outil pédagogique dépassé, un archaïsme barbare, faut-il voir une relation entre la “culture des analgésiques” et la culture de l’égalité des sexes qui caractérise la société libérale ?

L’idéologie de la différence des sexes a d’abord pour objet de former le courage physique et la bravoure, la fonction sexuelle du mâle étant primitivement associée à la défense du territoire et sa pertinence génitale à sa capacité, au terme d’un processus de différenciation ritualisé, à faire face à la sexualité féminine pour jouer sa part dans la reproduction. À l’opposé de cette sexualité “naturelle” commandée par un éthotype territorial et familial, la société libérale développe des valeurs idéalement affranchies des contraintes locales et des nécessités reproductives. Y a-t-il plus démodé, aujourd’hui, que la religion de la patrie (terre des pères) ? Et plus insupportable que le “machisme”, qui représente pourtant une forme, surannée sans doute mais achevée, de la différence des sexes ? Y a-t-il plus “dépassé” que la morale qui entendait faire honte à la déviance sexuelle et à l’homosexualité ?... Cette obsolescence se signalant structurellement par la substitution du culte de la “Filisterie” (Gombrowicz) au culte de la Patrie (infra : chapitre 11 : Du mythe au roman, de la Patrie à la Filisterie : l’éducation selon Witold Gombrowicz).

Ce renversement disqualifie, bien entendu, la violence pédagogique caractéristique des sociétés initiatiques et des sociétés à classes d’âge en même temps que l’éducation de l’insensibilité qui forme à la défense du territoire. La construction de la notion de “sexe psychique” est l’aboutissement, après la dépénalisation de l’homosexualité, d’un ordre juridique et social où :
- la maîtrise des signes monétaires concurrence ou se superpose à la maîtrise territoriale ;
- la défense du territoire devient une spécialisation professionnelle (l’homosexuel n’étant pas déplacé dans l’armée de métier ) ;
- la neutralisation des fonctions engage la neutralisation des genres et la réforme de la grammaire ;
- la procréatique supplée ou supplante les stéréotypes qui induisent au rapprochement sexuel : est-il toujours aussi nécessaire, pourrait-on dire en simplifiant le trait, maintenant qu’on sait faire les enfants in vitro, de tout miser sur l’enseignement des poncifs culturels de procréation in vivo ?
- le comportement sexuel est supposé résulter d’un libre choix au même titre que la liberté de conscience, tel qu’on pourrait répondre du sexe d’un enfant à la question : “C’est un garçon ou c’est une fille ?” en disant, comme ces parents qui répugnent à donner une éducation religieuse : “ Il fera bien comme il voudra ! Il décidera lui-même quand il sera en âge de choisir ”. (Un procureur ayant requis dans une affaire de pédophilie, dite Toro Bravo, en 1997, explique : Il faut “laisser aux adolescents le temps de choisir, d’hésiter […]”) La psychologie habilite la singularité sexuelle sous le sceau moral de l’absolument individuel : authenticité acquise dans l’isolement de la jouissance, quand la douleur intègre par anéantissement de l’identité ;
- où l’intérêt individuel est le “seul surintendant de l’industrie des particuliers” (Adam Smith). Ce qui est marqué du signe de la dette et du devoir : l’appartenance à une terre, à un corps d’égaux, à une lignée étant moralement dévalué, au profit du crédit et de la jouissance.

La néo-modernité : de l’environnement naturel à l’arraisonnement technique, l’homme maître et possesseur de sa propre nature : de sa niche écologique à sa niche égologique, a pour corollaire la scotomisation du mal et pour vocation la capacité à anesthésier la douleur. La fiction d’une terre sans mal s’entretient du mirage d’un corps sans affliction.

Ainsi la médialangue, qui trouve à la télévision sa terre de mission d’élection, censure-t-elle le mal comme la novlangue censurait naturellement la critique. On ne dit plus “un aveugle” mais “non-voyant”, “un nain” mais “une petite personne”, “un sourd” mais “un mal-entendant”. Et la pédagogie moderne a définitivement renvoyé à la préhistoire de l’éducation les “cancres”, “crétins” et autres incorrigibles “imbéciles” qu’elle a changés en de perfectibles et auspicieux “hétéro-comprenants”. L’effet est un peu facile, je le reconnais… Mais il signale le caractère systématique d’une euphémisation qui n’a plus pour but d’accommoder la douleur, mais de lui dénier toute réalité et toute signification.

*

Ce refus de voir le mal, joint à la capacité d’anesthésier la douleur, entretient-il une insensibilité à la souffrance d’autrui comme il est dit dans le sermon que j’ai cité ?

Si la douleur induit une mise en communication, un partage et une consolation, le pouvoir de supprimer la douleur par des moyens internes fait peut-être d’autrui un gêneur inopérant : pourquoi me remettre entre les mains du prochain quand le Tranxène (chlorazépate dipotassique, appartenant à la famille nombreuse et prospère des benzodiazépines), le Prozac (fluoxétine), les analgésiques périphériques (de type paracétamol : Doliprane, Efferalgan, Dafalgan…) (ou la péridurale, précisément) – pour ne pas parler des antidépresseurs : inhibiteurs de la mono-amine-oxydase, de la recapture de sérotonine ou de la recapture de sérotonine et de noradrénaline, IMAO, ISRS ou IRSNA –, me rendent le même service, sans s’immiscer dans ma vie privée – et me rappeler du même coup une dette à la nature et à la communauté ? La dépendance aux analgésiques serait moins contraignante que l’addiction à la société. La pharmacologie répond peut-être à l’éthos moderne comme l’humanité répondait à l’éthos traditionnel – quand c'est la compagnie, comme l'indique l'étymologie, qui est parégorique, qui console…

J’ai commencé par une parole d’évêque, je voudrais finir, pour relier ces considérations générales à ce qui sera examiné ici : “obtenir par la douleur”, par la parole proverbiale d’un imam :

“Quand Allah le veut, dit cette parole, le prisonnier enchaîne son gardien.”

Ceci ne signifie évidemment pas que le prisonnier, profitant d’un moment d’inattention de son gardien - et avec la bénédiction d’Allah -, passe à son tour les chaînes à celui qui le tenait prisonnier. Mais, précisément, qu’il s’instaure, dès que deux humains sont mis en présence, une communication silencieuse qui témoigne d’une identité de nature et telle que, malgré la dualité et la séparation des corps, une même sensibilité est en jeu. De sorte que, la souffrance de l’un engage la compassion, la commisération de l’autre en affectant son humanité. Et que la faiblesse du faible, la situation de dépendance absolue du prisonnier peut - quand Allah le veut - dicter un devoir de protection au fort et faire de l’assujetti un maître...

Comprendre par quel processus l’homme peut se soustraire à cette humanité, tel est l’enjeu auquel ces remarques préliminaires souhaitaient introduire.

Annexe : le politiquement correct :

A Politically Correct Lexicon
Your 'how-to' guide to avoid offending anyone
By Joel Bleifuss
February 21, 2007

In the late '70s, "politically correct," "PC" for short, entered the public lexicon. Folks on the left used the term to dismiss views that were seen as too rigid and, also, to poke fun at themselves for the immense care they took to neither say nor do anything that might offend the political sensibilities of others. "You are so PC," one would say with a smile. In the '80s, the right, taking the words at face value, latched on to the term and used it to deride leftish voices. Beleaguered progressives, ever earnest, then defended political correctness as a worthy concept, thus validating conservatives' derision. Today, on both the left and the right, being PC is no laughing matter; three decades of culture wars have generated a bewildering thicket of terminology.
To help me parse what's PC and what's not, I had help from people attuned to the nuances of words, particularly those that describe race, ethnicity and sexual identity. Rinku Sen is a 40-year-old South Asian woman. She is the publisher of Colorlines, a national magazine of race and politics, for which she has developed a PC style manual. Tracy Baim is a 44-year-old white lesbian. She grapples with the ever-evolving nomenclature of sexual identity and politics as the executive editor of Windy City Times, a Chicago-based gay weekly. Lott Hill is a 36-year-old white gay male who works at Center for Teaching Excellence at Columbia College in Chicago. He interacts with lots of young people--the font from which much new language usage flows.

African American: In 1988 Jesse Jackson encouraged people to adopt this term over the then-used "black." As he saw it, the words acknowledged black America's ties to Africa. "African American," says Hill, is now "used more by non-African-American people, who cling to it because they are unsure what word to use." Sen says, "African American" is favored by "highly educated people who are not black. Whether one uses 'black' or 'African American' indicates how strong your social relations are with those communities." And Chris Raab, founder of Afro-Netizen, says, "People who are politically correct chose to use African American, but I don't recall any mass of black folks demanding the use of African American."

Asian: The correct term to use for anyone of Asian ancestry. When accuracy is desired, nationality of origin is appended to "American," as in "Korean American." Sen, who describes herself as South Asian or Indian American, says that there is "some push around not conflating everybody into Asian. This is mostly an issue among new immigrants. If there hasn't been time for a generation, it seems to be hard to move those folks to the Asian category."

Bitch: A word, says Baim, which is "absolutely being reclaimed by a younger generation of women who are asserting their sexuality and control of their sexuality." Successfully repurposed by Bitch magazine over the past decade, 'Bitch' is now becoming passé as less edgy writers like Cathi Hanauer, author of The Bitch in the House, adopt it. Similarly, though more slowly, "slut," "whore" and "cunt" are being reappropriated. "The young people use those terms all the time teasingly and sometimes to even refer to themselves," says Hill. "It is more common to hear someone say 'I am a slut' than 'I am a whore.' " "Cunt" is gaining currency among some young lesbians, though Baim says it is a word that gets stuck in her throat. "While it is a reclaimed word, it is one I can hardly say, the same way some older blacks have trouble saying the n-word."

Black: At Colorlines "black" is used with a capital B, while The Associate Press Stylebook advises use of the lower case.

Boi: A word, says Hill, that is "used by young queer people to refer to either young gay males or young females who are presenting as males."

Brown: A general term for people who are not white. Colorlines uses "brown" in a casual or playful way. "We might have a headline 'Brown People to the Back' in a story about restaurant hierarchy," Sen says. Sometimes used to refer to Latinos, as in the "black-brown" coalition that helped elect Harold Washington mayor of Chicago in 1983.

Chicano: Correct term for people of Mexican ancestry, popularized during the civil rights movement. "We use it to refer to U.S.-born people of Mexican descent," says Sen. "Mexican American is the more distant, politer thing to say."

Dyke: A word lesbians have reclaimed. Hill, however, says that among the young it is "on its way out."
Fag (faggot): The new "queer." "Like the n-word, it's a word that can be said by gay people," says Hill. "I hear 'fag' a great deal, especially among queer-identified young people, like 'don't be such a fag' or 'you are such a fag.' "
Feminist: "A word that the younger generation doesn't always embrace," is how Baim, 44, describes it. A lot of young women, she says, are "feminists but they don't want to be pigeonholed." "Feminist somehow became a tainted word along the way," says Hill. "I have heard a lot of people say, 'this sounds feminist' or 'I used to be a feminist.' "

Gay: The word used to refer to males and, inclusively, to the whole gender-bent community. "College-age people are more likely to refer to themselves as queer," say Hill. "People out of college are more likely to refer to themselves as gay."

Girl: "'Girl' is used by older women," says Baim. "It is kind of nice because it used to be used derogatorily and now it is used in a fun way."

GLBT: Shorthand for GLBTQ2IA.

GLBTQ2IA: The acronym for Gay, Lesbian, Bi, Transgendered, Queer, Questioning, Intersex, Allies. "This is coming from the youth movement, the college campuses, it has not seeped into the whole community at this point," says Baim, who at the Windy City Times uses GLBT, an acronym the New York Times has not yet seen fit to print.

Guys: Very controversial. Used, especially in the Midwest, when referring to a group of people. "In Chicago that word gets used a lot," says Hill. And Baim says, "I use it all of the time." Some feminists, like Andi Zeisler, the editor of Bitch, find "guys" problematic. "We assume the descriptor 'guys' denotes a quality of universality," she says. "It would be hard to imagine a group of men being addressed by their server as 'hey you gals' and not taking offense, but the reverse happens all the time."

Hir (hirs): Gender neutral for him and her. At Wesleyan University, incoming freshmen are instructed to use gender-neutral pronouns in campus correspondence. As one person wrote on the university's online Anonymous Confession Board, "I am usually attracted only to people of hir original gender, rather than hir intended gender. As such, I'm afraid that I'm, like, viewing hir wrong, or not respecting hir wishes or something."

Hispanic: "We never use Hispanic," says Sen. "It privileges the European roots of the identity of Mexicans born in the United States." Hispanic, however, is the preferred term of people in the Southwest whose families are descendents of Spanish colonists.

Indian: The preferred term for Native Americans. "Indians either use their specific tribal name or use Indian," says Sen. "You use the qualifier American when you need to distinguish from Indian Indians."

Latino: (Capital "L," with "a" or "o" at the end used to connote gender.) Politically correct term for those from Spanish or Portuguese speaking cultures. "We use it instead of Hispanic when we want to refer to many different national groups where there has been an indigenous-European mix," says Sen.

Lesbian: "The younger generations are less connected with the terms 'gay' and 'lesbian'," says Baim. "Lesbian is out of favor as a self-identifying label, it means something political, something more rigid than the younger generation is comfortable with."

Macaca: The latinization of the Bantu "ma-kako," meaning monkey. According to the Global Language Monitor, former Sen. George Allen (R-Va.) helped make this the most politically incorrect word of 2006 by using it to refer to an Indian American.

Native American: Some Indians object to the term, seeing it as a way to linguistically eradicate "Indian" and thus the history of their oppression by whites. "I almost always hear Native American, and in the more enlightened conversations there is usually 'indigenous' thrown in there somewhere," says Lott. Sen says, "Native American seems to be a more distant construction, developed by academics."

Nigger: "It is a word that white students struggle with and black students use pretty freely," says Hill. "Young people are much more open to using it, especially young people who are black or who have been exposed to more diverse groups of people." While Sen says, "I can't imagine a political or a social multiracial situation where it would be appropriate, but I know that is because I am too old. The word is so prevalent in the popular youth culture, grounded in hip-hop, that I wouldn't like to predict where that debate is going to end up. But if the popular culture ends up agreeing that it is okay to use, then I think there are a lot of pretty scary implications."

Queer: Anyone who falls outside the lines of straight. "It has been reclaimed far ahead of faggot or dyke," says Baim. "It is our buzz word," says Columbia College's Hill. "It is how we avoid saying all of those letters [GLBTQ2IA]." REM lead singer Michael Stipe, for example, is queer, not gay. "For me, queer describes something that's more inclusive of the gray areas," he told Butt, a pocket-sized Dutch "fagazine." "It's really about identity I think. The identity I'm comfortable with is queer because I just think it's more inclusive."

Transgendered: (trans) A person who is not presenting as their biological gender. "It is fascinating how transgendered is becoming like an octopus with all the tentacles of identity and personal design. The transgendered movement is burgeoning and fluid, they are creating all of these new ways to define who they are," says Baim.

Ze: Gender neutral for he or she. As Mary Boenke writes on the PFLAG (Parents, Families and Friends of Lesbians and Gays) Web site: "When talking with Leslie Feinberg, noted transgender author, I asked Leslie which pronouns to use. Ze shrugged hir shoulders and said ze didn't care."


Joel Bleifuss is the editor and publisher of In These Times, where he has worked as an investigative reporter, columnist and editor since 1986. He is on the board of the Institute for Public Affairs, which publishes In These Times.




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