Le Matériel, c’est l’univers de la main prévalente, celui de la technique.
C’est l’empreinte de la double articulation qui spécifie le langage de l’homme et qui lui permet à la fois, au terme d’un processus analytique de mise à distance du réel, de signifier et de transformer le monde.
Le Rituel, c’est l’univers de la participation, de l’appartenance, de l’émotion, celui de l’analogie.
Comprendre ce que signifie cette dualité d’“outils”, qui révèle l’ordinateur cérébral, ce “maître cerveau sur son homme perché”, comme un produit de l’évolution, constitue le premier dessein de la recherche.
La mise en perspective ici proposée rappelle que les conceptions du droit se séparent, précisément, selon la représentation qu’elles se font de la place de l’homme dans le cosmos, du rituel et du matériel.
La modernité occidentale se spécifie comme l’aboutissement d’une conception de la divinité qui fonde une séparation radicale de l’homme et de l’animal et rompt avec les religions traditionnelles qui codifient cette participation de l’homme à la nature. La conséquence, lointaine et paradoxale, de cette conception, avec l’assomption du matérialisme (la désacralisation du cosmos ouvrant la nature à la technique), c’est que la forme humaine y devient le seul sanctuaire du droit.
Pour fonder l’éthique et codifier l’urbanité adaptée à la réunification de la famille humaine - le défi et la chance de la cité d’aujourd’hui étant de mettre en communauté des hommes dont la dispersion historique et géographique semble avoir solidifié les différences, mais qui apparaissent, à la faveur de cette contraction de l’espace et du temps, fondamentalement identiques - il faut reconnaître le patrimoine originel, cette double allégeance au Rituel et au Matériel, à l’appartenance et à la communication.
L’opposition de la “tradition” et de la “modernité”, du rituel et du matériel, n’est pas seulement historique, un fossé creusé par l’avènement du progrès, elle définit une ligne de partage qui passe en réalité en nous-mêmes, une double obédience. Les sociétés traditionnelles sont évidemment des sociétés d’un savoir technique - dont nous avons hérité, par exemple, les espèces cultivées. Les sociétés modernes, dont les sujets sont pourtant idéalement murés dans leur égotisme, sont évidemment des sociétés de participation… Réfléchir aux conditions de possibilité d’un droit qui permettrait de gérer l’opposition de l’appartenance et de la communication, de penser l’unité de l’homme et la diversité des cultures, c’est l’autre dessein de la recherche.
mots clés :
royauté sacrée – cosmologie – ethnoastronomie – ethnobotanique – indépendances – colonisations – démocratie – Aristophane – innovation – individu – éducation – Tristan et Iseut – Gombrowicz – rire – inceste – handicap – territoire – antisémitisme – génocide – identité – communication.
L'auteur est professeur des universités. Il enseigne l’ethnologie et l’anthropologie à l’université de la Réunion.
Il a effectué plusieurs séjours en Afrique centrale, des recherches ethnographiques sur la côte sud-est de Madagascar et dans le sud de l'Inde.
Illustration : Karl Bodmer, Matò-Tòpe, chef mandan. Aquarelle sur papier, 349 x 286 mm, 1833-1834.
Éléments d'Anthropologie du Droit
