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Copyleft : Bernard CHAMPION
1 Éléments d'Anthropologie du Droit
Avant-propos : Philippe LABURTHE-TOLRA Doyen honoraire à la Sorbonne
Préface :
Norbert ROULAND Membre de l'Institut Universitaire de France

présentation avant-propos préface introduction plan
index analytique références table illustrations
1- Le souverain juge
2- “Pourquoi le sang de la circoncision...”
3- Dessin du dessein
4- “Authentique ! sans papier !”
5- L“Âme du Mil”
6- “Il faut se battre pour la constitution...”
7- Rire et démocratie : 1
8- Sur l’innovation
9- La “culture des analgésiques” et l’individualisme
10- Du “mariage arrangé” à l’“amour-passion”
11- Du mythe au roman, de la Patrie à la Filisterie
12- La chimie du rire
13- Quelques données sur la prohibition de l’inceste
14- Morale et handicap
15- Le juge, de quel droit ?
16- Droit au sol et mythes d'autochtonie
17- Habiter, cohabiter : sur l’exemplarité
18- Le territoire de la langue : les deux natures
19- Enquête sur la forme humaine : 1
20- Enquête sur la forme humaine : 2
21- Enquête sur la forme humaine : 3
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SOMMAIRE

anthropologieenligne.com : unité de l’homme et diversité des cultures


Chapitre 7

Rire et démocratie :
la comédie d'Aristophane

suivi de : Aristophane et le Carnaval (7.7)

II - 7.1


Je vais donc tenter d’exposer les relations qui existent entre rire et démocratie. Je caractériserai rapidement la démocratie par deux traits. Le premier est que la démocratie est un système politique où il n’y a – idéalement – que des égaux. Ce qui implique que les gouvernants ne sont pas d’une autre nature que les citoyens et que la fonction n’engendre de privilèges que ceux qui sont nécessaires à l’administration du bien commun. Le second est que la démocratie est un système où la gestion de la cité relève essentiellement de dispositifs profanes, séculiers. Il en résulte que les dirigeants, comme tels, ne sont coiffés d’aucune onction religieuse et que l’encens des suffrages qui les glorifie ne leur confère ni droit ni passe-droit. Il n'y a aucune différence ontologique entre gouvernants et gouvernés.

On peut manifester ceci par un contre-exemple et, comme un bon dessin vaut mieux qu’un long discours, par un pictogramme. L’étymologie populaire du pictogramme chinois qui signifie roi (wang) explique [nous l’avons déjà noté et nous gardons à l’esprit la matière des précédents chapitres] que le roi est ce personnage qui met en relation – un trait vertical – le monde céleste, la société des hommes et le monde terrestre – trois traits horizontaux. Le roi est un médium. Il est le canal privilégié du contact des hommes et des puissances supranaturelles.

Et j’illustrerai la modernité par cette insolence – qui tombe précisément dans mon sujet – due à un surréaliste belge constatant : “La question de l’existence de Dieu est un problème qui ne regarde que lui”. En démocratie, les hommes sont seuls pour régler leur existence et n’ont que des moyens temporels en partage.

Mais nous sommes ainsi faits qu’une disposition presque irrésistible nous porte à sacraliser ceux qui nous gouvernent – ce qui nous justifie à tout leur demander et à tout attendre d’eux (non sans obligation, d’ailleurs : “Car les peuples presument volontiers des Roys, comme nous faisons de nos valets, qu’ils doivent prendre soing de nous aprester en abondance tout ce qu’il nous faut, mais qu’ils n’y doyvent aucunement toucher leur part.” Montaigne, Des coches, p. 880). Ceux-ci se défendent assez mollement de cette dévotion qui les fonde, en contrepartie et quoi qu’il en soit à s’en adjuger les privilèges. “Il fut mis au rang des dieux, dit Suétone de César, non point seulement par une décision toute formelle des sénateurs, mais par la conviction intime du peuple” (I, LXXXVIII). En démocratie, il n’y a pas d’homme providentiel et “le consentement du peuple, pour paraphraser Saint-Just, ne suffit pas à absoudre le despote”. Le politique est supposé être un spécialiste de l’administration des choses et c’est sans état d’âme que l’Ecole Nationale d’Administration - où l’on n’enseigne guère ce qu’il faut croire - prépare, chez nous, à la carrière.

En tant que vahiny, je vais donc parler d’un exemple lointain qui peut néanmoins donner matière à la réflexion d’aujourd’hui. Je vais parler de la démocratie grecque et, à travers une présentation du théâtre d’Aristophane, de la fonction qu’y jouait la comédie.

Nota Bene : Une approche du mécanisme et de la fonction du rire (le “comment” et le “pourquoi”) est proposée infra : chapitre 12 La chimie du rire.

*

Plan du chapitre :

II - 7.1 Introduction
II - 7.2 La cité des “égaux”
II - 7.3 La crise de la démocratie
II - 7.4 Altération et altérité de la norme anthropologique : le recours de la dérision
II - 7.5 Le modèle politique : l’“antique Athènes” et sa caricature
II - 7.6 Le “parti d’en rire”
II - 7.7 Aristophane et le Carnaval

... /...

(Le propos est de souligner la fonction institutionnelle de l’irrévérence en démocratie – à la différence des situations d’inversion rituelle qui ont une finalité religieuse (thèse citée, chapitre IV). Si le carnaval peut “dégénérer”, son sens n’est pas politique, au sens propre du terme. C'est l’Ancienne comédie – elle accompagne l’histoire de la démocratie athénienne – qui introduira la satire politique dans la pulsation cosmique du carnaval.
Une version de ce texte a été présentée le 9 avril 1997 sous la forme d’une conférence donnée à l’université d’Antananarivo.)





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