Avant-propos |
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Si lanthropologue veut constituer la science de lhomme, on conçoit quau principe rien dhumain ne doive, ou ne puisse, lui rester étranger. Mobilisant sous cette cause limpressionnante polyvalence de ses intérêts et léclat de sa vaste culture, tant littéraire que scientifique, au risque dune sorte divresse ou de vertige, lauteur cherche, en cette approche du Rituel et du Matériel, lunité de la morale et du droit dans la diversité des usages et des lois.
Tout en suivant la progression de louvrage, je me suis laissé prendre à chacun de ses motifs quanime le questionnement de la véritable anthropologie, celle qui centre sa méditation sur la mise en balance de la tradition ou de lhistoire avec la pression des savoirs et des usages modernes. Comment comprendre la culture des autres sans avoir identifié la sienne propre ? Comment se saisir sans autrui ? Pour servir ce propos et si lon veut comprendre lhomme, en effet, la connaissance du pouvoir et du droit que mettent en uvre les sociétés non européennes (le régicide rituel, lâme du mil ) nous est en soi aussi nécessaire que la sociologie politique ; la science des Anciens, la Bible, Héraclite et les Pères de lEglise, que le savoir spécialisé d'aujourd'hui (la botanique et la génétique, la neuropsychologie ou léthologie humaine : Le territoire de la langue, Habiter, cohabiter) ; les outils de la critique littéraire et de l'esthétique (le roman de Tristan, Gombrowicz ) que la linguistique et la philologie Si lanthropologie sans ethnologie est vide, lethnologie sans anthropologie est aveugle. Science de lhomme, et non simplement dhumanités particulières, de champs spécialisés et de notions séparées. De cet appétit de savoir communicatif, dune information méticuleuse et actualisée, dune pensée libre des modes et des idées reçues, jaillit alors létincelle qui embrase la réflexion et révèle lharmonie organique, celle de l'unité de l'homme, sous lapparente diversité des faits de culture et des outils requis pour en rendre compte. Sans borner la pensée, d'ailleurs. Rire et démocratie sont sans doute liés. Mais des monarchies ont permis Rabelais, Cervantès, Molière, Sheridan. La spécificité démocratique est aussi à chercher - conclusion que suggère lauteur - dans lesprit satirique, lirrévérence envers tous les pouvoirs Son propos reste en effet souvent aporétique, engageant librement la délibération du lecteur sur les fondements de la culture, de lidentité ou du droit. Comme en ce chapitre 9 sur la sagesse millénaire (Sur la culture des analgésiques), si contraire à notre sensiblerie, qui mettait au cur de linitiation virile la douleur (inscrite en la balafre des étudiants prussiens que Max Weber cachait sous sa barbe) ; ou le chapitre 8 sur lacculturation révolutionnaire, politique et technique (Sur l'innovation), qui a permis aux peuples daccéder à lindépendance nationale, selon une dialectique certes subjectivement dirigée contre le colonisateur, flétri de tous les vices, mais objectivement contre la tradition, parée de toutes les vertus Sous sa rigueur critique et sa prudence à conclure, cette recherche en marche me semble inspirée par la ferveur éthique, la quête de nouveaux universaux, qui amèneraient lanthropologie à fonder des règles rationnelles permettant à tous les membres de plus en plus étroitement rassemblés de notre humanité de co-exister en pacifique harmonie. On ne peut que souhaiter le plein aboutissement dun tel dessein. |
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Doyen honoraire de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de la Sorbonne, Université de Paris V, René-Descartes
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