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Chapitre 3
Dessin du dessein :
esquisse dune représentation spatiale
de la royauté sacrée
I - 3.1 Introduction
Harpe Mangbetu (Zaïre) (Coll. Gallini)
(Repris et développé de : LÉtranger intime, Mélanges offerts à Paul Ottino, Océan Éditions/Université de la Réunion, 1995, Saint-Denis et de "Notes sur la signification..." : Thèse pour le doctorat d'État, Paris I-Sorbonne, 1989.)
Les références sont reportées en fin de page 3.42.
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Le rapprochement des données juridiques et rituelles ayant trait aux procédures de gouvernement et aux constitutions des royautés sacrées africaines met en évidence une dualité institutionnelle entre un lignage souverain étranger à la terre (ou donné pour tel) et des clans territoriaux étrangers à la souveraineté, mais qui en assurent le contrôle par la médiation des mariages souverains et larbitrage de la dévolution dynastique. Dans la charte originelle, en effet, rois et faiseurs de rois font contrat dun échange aux termes duquel les clans abandonnent leur souveraineté dans les mains dun étranger qui apporte la prospérité au pays : le roi, intermédiaire rituel par excellence, exerçant, pour le bénéfice commun, des prérogatives sans partage sous la censure de non-royaux. Les valeurs rituelles et les valeurs constitutionnelles sarticulent dans les expressions du mariage souverain : - un mariage rituel, incestueux et stérile, réputé commander la fécondité du royaume ; - des mariages diplomatiques, qui rapprochent les clans de la souveraineté et les autorisent éventuellement à présenter un successeur au trône. Léquilibre du système est dit dans une adresse constitutionnelle, déjà citée précédemment, des hommes de la terre au roi : Nous ne sommes rien sans toi, tu nes rien sans nous et ses deux limites extrêmes dans les cas de figures dun roi sans prérogatives et dun roi sans assujettissement.
Il se révèle une caractéristique de létranger qui le dispose au pouvoir :
- phénoménologiquement, cette disposition se présente dans sa capacité à assurer, au bénéfice de la société qui le met en charge, une fonction dordre, forme du travail rituel : ou bien létranger est dorigine divine ; ou bien il appartient à une lignée dynastique ; ou bien il est détenteur dune magie supérieure ou de manières supérieures ; ou bien, enfin, soit du fait de sa nature dexception classificatoire qui vaut élection ou du rôle quon lui assigne dans la transgression des interdits, il acquiert une qualification divine en vertu dun mécanisme de réjection significative (Littré), (plusieurs de ces traits pouvant être confondus) ;
- politiquement, cette disposition ou qualification de létranger fait de lui un moyen du pouvoir - elle lui donne un pouvoir qui fait de lui un instrument du pouvoir sur la nature.
Cest la géométrie et la mécanique de cette fonction médiatrice du roi, mediare : sinterposer et sentremettre, horizontalité et verticalité, diplomatie et invocation, politique et religion qui seront ici examinées. Quil y ait là un trait récurrent de la souveraineté dans le monde traditionnel, on peut sen convaincre par la multiplicité dexemples où le souverain se trouve investi, selon les contraintes de cette physique de la communication, dans une position orthogonale (voir supra, chapitre 1 : lintronisation du chef chez les Samo). On pourrait prendre comme repère, à ce titre, la glose classique du caractère chinois qui représente le monarque, wang : le roi est le trait vertical qui relie trois traits horizontaux, la terre, les hommes et le ciel. Il est la liaison entre lUn céleste et la dualité yin et yang. Les données ethnographiques ici présentées ne visent quà lillustration de valeurs qui auraient pu être autrement développées et à la présentation de la discussion.
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Plan du chapitre :
I - 3.1 Introduction
I - 3.2 Léquilibre des pouvoirs
I - 3.3 La machinerie constitutionnelle
I - 3.4 Le rituel et le politique (1)
I - 3.41 Le rituel et le politique (2)
I - 3.42 Le rituel et le politique (3)
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