I - 2.08 Lénigme du monstre Diverses histoires racontent en effet quà la suite dun crime (le meurtre dAndrogée dans la geste de Thésée, de Cylon dans lapologie de Cratinos) ou dune faute (dabord inconnue dans lhistoire ddipe), un fléau sabat sur la cité. Ce fléau consiste essentiellement en stérilités, dans le tarissement de la fécondité et des sources - des flux. Une même situation de loimós résulte encore de la présence, à proximité de la ville, dun monstre, tapi dans la montagne voisine, qui dévore hommes et bêtes (ainsi le monstre de Delphes) ou qui a une appétence particulière pour les jeunes hommes (telle la Sphinge). Lexistence dun tel monstre est parfois la conséquence directe dun meurtre originel : la Sphinge serait une résurgence du dragon dArès, ou liée au meurtre qui a provoqué le loimós : le Minotaure est le châtiment du meurtre dAndrogée. Le monstre apparaît alors comme lopérateur du loimós. Ces histoires racontent aussi que, pour faire cesser la stérilité ou délivrer la ville, on prélève un tribut sur la jeunesse, tribut quon livre au monstre ou quon sacrifie et quun héros, au péril de sa vie, affronte et vainc la bête, délivre les jeunes gens après sêtre offert en sacrifice à leur place. Le scénario de ce combat se présente souvent comme suit : le héros, rarement seul comme dipe face à la Sphinge, est, tel Thésée, à la tête du tribut livré au monstre, ou bien il accompagne un jeune homme offert en sacrifice. Qui sont ces sacrifiés et qui est ce sauveur ? Si les êtres offerts en sacrifice sont des jeunes gens, cest, en réalité, quils font problème et tel problème quen pâtissent la régularité de la nature et la fécondité des êtres. Le retour victorieux des adolescents correspond parfois explicitement, et ce nest probablement pas une corrélation due au hasard, nous lavons noté, au temps de la récolte des premiers fruits (Vie de Thésée, 23, 4), à la fin de la stérilité (22, 6). La cause de la stérilité, la désorganisation des cycles productifs (humains, animaux, végétaux), cétait donc bien quelque chose des adolescents. Près des contreforts du Parnasse, raconte Nicandre (Antoninus Liberalis, VIII), il est une montagne voisine de Crisa que lon appelle Cirphis. Sur cette montagne il y a encore de nos jours une grotte immense dans laquelle gîtait un monstre dune taille prodigieuse. On lappelait Lamia ou Sybaris. Ce monstre faisait des incursions quotidiennes dans les champs où il enlevait hommes et bêtes. Les Delphiens délibéraient déjà pour savoir sils allaient sexpatrier et demandaient à loracle de leur dire dans quel pays ils devaient émigrer quand le dieu leur signifia quils seraient délivrés du fléau si, au lieu de sen aller, ils acceptaient dexposer auprès de la grotte un jeune homme choisi dans une famille de la cité. Les Delphiens firent comme le dieu leur avait dit. Le tirage au sort désigna Alcyoneus, fils de Diomos et de Méganeiré. Son père navait pas dautre enfant que lui et il était beau autant par son caractère que par son physique. Les prêtres le couronnèrent et lemmenèrent en procession à la grotte de Sybaris. Eurybatos, fils dEuphemos, de la race du fleuve Axios, un jeune homme vaillant était parti, à linstigation divine, du pays de Courètes et croisa la troupe qui emmenait lenfant. Saisi damour pour Alcyoneus, il demanda aux Delphiens le motif de cette procession et se révolta à lidée de ne pouvoir défendre le jeune homme dans la mesure de ses forces, mais de le laisser périr dune mort lamentable. Il arracha donc à Alcyoneus ses couronnes, les mit sur sa propre tête et il invita les prêtres à lemmener à la place de lenfant. Quand les prêtres leurent conduit auprès de la grotte, il y courut, arracha Sybaris de son gîte, la traîna au grand jour et la précipita du haut des rochers. En tombant, Sybaris se cogna la tête près des contreforts de Crisa. Elle mourut de sa blessure et disparut. De la roche où elle sécrasa jaillit une source que les gens du pays appellent Sybaris. Cest du nom de cette source que les Locriens appelèrent la ville quils fondèrent en Italie. ... /... Plan du chapitre :
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