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4 Éléments d'Ethnographie Indienne (en cours)



Mots clés : Inde védique Sacrifice Ethnomathématiques

Champs : Anthropologie religieuse Ethnographie villageoise Route des Indes



1- Note sur l'acte sacrificiel dans l'Inde ancienne

2- L'aigle et le serpent

3- Rues de Pondichéry

4 - Nobili et la "querelle des rites Malabares"

5 - L'expansion européenne et les Cies des Indes


anthropologieenligne.com : unité de l’homme et diversité des cultures



Rues de Pondichéry

Quelques URL sur Pondichéry :
http://www.ifpindia.org/
http://www.actupondy.com/fr/services/institutions-pondichery/452-ecole-francaise-dextreme-orient
http://www.pondichery.com/french/institut/
http://www.pondichery.com
http://www.puduchery.org

Fragments d'histoire...


PONDICHERY ou PONTICHERY, (Géog. mod.) Ville détruite des Indes orientales, sur la côte de Coromandel, à la bande de l'est de la presqu'île des Indes, en - deçà du Gange.
Cette ville étoit grande, fortifiée régulierement, & avoit ses rues tirées au cordeau.
Les maisons des Européens y étoient bâties de brique, & celle des Indiens de terre enduite de chaux.
Pondichery étoit le plus bel établissement qu'ait eu aux Indes orientales la compagnie françoise; cet établissement ne contenoit pas seulement les marchandises que fournit la côte de Coromandel, il servoit aussi d'entrepôt pour toutes celles qui s'enlevent de Bengale, de Surate, & de toute la côte de Malabar.
Les marchandises qui se fabriquoient à Pondichery même, étoient des toiles de coton blanches :
les toiles peintes qui s'y vendoient, se tiroient de Masulipatan, & en portent le nom; celles qu'on y tiroit d'ailleurs, étoient des étoffes de soie, des mouchoirs de coton.
(Notice de l'Encyclopédie, ou
Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers,
par une société de gens de Lettres
(1751-1772)


Antiquité et Temps modernes

Depuis l'antiquité, la côte de Coromandel est le théâtre d'échanges entre l'Orient et l'Occident. À environ six kilomètres de la ville de Pondichéry d'aujourd'hui, des vestiges d'occupations successives, liées aux fluctuations de l'embouchure de la rivière Ariancoupam, allant de l'époque néolithique (urnes funéraires visibles au Musée de Pondichéry) jusqu'à une occupation romaine qui fut prospère jusqu'au IIIe siècle, ont été mis à jour. La ville antique, Virapatnam (en sanscrit patnam signifie port et comptoir), était un emporium romain. Des amphores, des pièces d'or et d'argent attestent d'échanges commerciaux continus sur cette côte qui était aussi une destination du commerce chinois. Le Périple de la mer Érythrée, guide à l'usage des marins et des commerçants, rédigé vers 40-50 après J. C. par un Égyptien hellénophone, et la Géographie de Ptolémée font état d'un port nommé Poduké qui désignerait Putucceri. (Voir sur ce sujet voir l'article de David Annoussamy, sur le site du CIDIF, intitulé : "Les origines de Pondichéry" - septembre 2011). D'après Strabon, la flotte commerciale de Rome vers l'Inde pouvait engager plus de cent vingt vaisseaux (Montesquieu fait référence à ce commerce "considérable" dans son Esprit des lois, livre XXI, chapitre XVI). "Du temps que Gallus était préfet d'Égypte, écrit Strabon, je vins le rejoindre, et, ayant remonté le fleuve avec lui jusqu'à Syène [Assouan] et aux frontières de l'Éthiopie, je recueillis ce renseignement positif qu'il partait actuellement 120 vaisseaux de Myos Hormos [Quseir al-Qadim] pour l'Inde, quand autrefois, sous les Ptolémée, on ne comptait qu'un très petit nombre de marchands osant entreprendre une pareille traversée et faire le commerce avec cette contrée" (Géographie II, 5, 12). De fait, d'après Rémusat, le commerce de Rome dépassa l'Inde : les annales chinoises rapportent qu'une ambassade romaine, envoyée par Marc-Aurèle (ou se présentant comme telle) fut reçue en Chine pour inaugurer des échanges directs ayant principalement la soie pour objet, dont les Parthes étaient les intermédiaires obligés ("Remarques sur l'extension de l'empire chinois du côté de l'occident", mémoire d'Abel de Rémusat de 1818, p. 124, dans : Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 1827, t. VIII, p. 60-130). Les échanges indo-romains du 1er siècle sont confirmés par plusieurs ambassades indiennes venues par voie maritime ou terrestre.

Puducherri, "ville nouvelle" en Tamoul est un port florissant sous la dynastie de Cholas (IXe-XIIIe siècle). Au XVIIe siècle, une importante production textile met en relation princes locaux et marchands étrangers. Dès le milieu du XVIe siècle, les Portugais ont une loge à Puducheira qu'ils garderont jusqu'en 1614. Les Hollandais, puis les Danois s'y installent. "Impatient de voir l'industrie des toiles peintes reprendre son essor, Sher Khan Lodi, alors gouverneur de la région, entra en contact avec François Martin qui accepta le principe d'un établissement français […] En décembre 1672, Bellanger de Lespinay rendit visite au chef musulman à Valkondapuram et obtint la cession d'une loge ; en février 1673, il débarquait à Pondichéry ; il en repartit le 6 septembre de l'année suivante, laissant la responsabilité de l'établissement à François Martin qui allait en faire le principal comptoir français en Inde." (Jean Deloche, Le vieux Pondichéry, 1673-1824, revisité d'après les plans anciens, IFP, EFEO, 2005, p.12, citant Jouveau-Dubreuil, G., Revue historique de l'Inde française, vol. VIII, 1952, pp. 143-237).


La richesse de l'Inde dans le Journal d'Ananda Ranga Pillai :

"M Duquesne écrit qu'il y a beaucoup de temples à Tanjore et que les rues, les routes, les bois et la fertilité générale dépassent celle de l'Europe. Est-ce une si belle région ?"
Je répondis :
– C'est vrai. Nous disons qu'il n'y a pas de pays comme le Chôlamandalam [le Coromandel] à 1000 ou 2000 lieues à la ronde, et même dans le reste du monde [...] Cette contrée n'a pas son pareil. Dans tout le pays les routes carrossables sont bordées d'avenues de cocotiers. C'est une succession de belles maisons, avec des temples, des mantapams, des gîtes d'étape et des pandals superbement édifiés, en sorte qu'il faut le voir pour le croire. Avec cela, chaque village possède un ou deux canaux de la profondeur d'un homme toujours pleins de l'eau de la Cauveri. Il n'y a pas cent pieds de sol inculte. Le pays est mis en valeur sur toute son étendue. Tout est au même niveau et les canaux sont comme les lignes de la main" (VI, p. 314-315).

[Ananda Ranga Pillai, courtier de Dupleix, a tenu un journal de 1736 à 1761. Ce document unique touchant la présence des européens en Inde n’a jamais été publié en intégralité dans sa langue originale (il existe plusieurs éditions abrégées en tamoul "based on the diary").  La version complète, en 12 volumes, est disponible dans une traduction anglaise publiée de 1904 à 1928. Des extraits en langue française ont été publiés en 1894 sous le titre : Les Français dans l'Inde : Dupleix et Labourdonnais. Extraits du journal d'Anandarangappoullé (1736-1748) (Réédité en 2010 par Surya éditions, Saint-Denis de la Réunion).


La rencontre avec les Européens

voir, sur les compagnies de commerce :
Les Compagnies de commerce et la première colonisation de Madagascar
La Compagnie Française des Indes Orientales de 1664
Madagascar : l'“Originaire”, l'“Engagé” et l'“Habitant”

La fortune a, dit-on, des temples à Surate.
Jean de La Fontaine,
L'Homme qui court après la fortune, et l'Homme qui l'attend dans son lit
(1678)

Il n' y a point eu d' événement aussi intéressant pour l' espece humaine en général et pour les peuples de l'Europe en particulier, que la découverte du nouveau monde et le passage aux Indes par le cap de Bonne Espérance. Alors a commencé une révolution dans le commerce, dans la puissance des nations, dans les moeurs, l' industrie et le gouvernement de tous les peuples. C' est à ce moment que les hommes des contrées les plus éloignées se sont devenus nécessaires : les productions des climats placés sous l' équateur se consomment dans les climats voisins du pole ; l' industrie du nord est transportée au sud ; les étoffes de
l' orient habillent l' occident, et partout les hommes se sont communiqué leurs opinions, leurs
loix, leurs usages, leurs remedes, leurs maladies, leurs vertus et leurs vices.
Guillaume-Thomas Raynal,
Histoire philosophique et politique
des Établissements et du Commerce des Européens dans les deux Indes

(1776, Livre I, p. 1-2, Gosse fils, La Haye)

L'histoire des compagnies des Indes est représentative des transformations structurelles de l'Occident des Temps modernes quand les Découvertes et le développement des échanges font éclater les coutures de l'ordre féodal (la trifonctionnalité européenne : oratores, bellatores, laboratores). Cette mutation est économique, religieuse, culturelle et scientifique. A l'origine des Bourses de valeurs d'aujourd'hui, les compagnies des Indes sont le prototype des sociétés par actions. Elles expriment la montée en puissance du Tiers ordre. Cette mutation économique modifie aussi la configuration de la foi. La religion réformée n’est pas seulement la religion des marchands, c’est celle dans laquelle le clergé cesse, non seulement d’être le premier des trois ordres, mais cesse d’être un ordre ("Tout baptisé peut se vanter d'être consacré prêtre, evêque et pape...”, prononce Luther). Clé de voûte et légitimité de la trifonctionnalité, l’Eglise est attaquée dans son dogme et dans son rôle social. La péremption de l'opposition entre "spirituels" et "temporels", désacralisation du métier de prêtre, vaut aussi infirmation de la valeur opératoire des symboles et déplacement du champ du religieux vers la sphère de l'activité mondaine. De fait, les lignes deviennent perméables : le commerce maritime ne déroge pas, les bourgeois prennent terre et certains ordres religieux se mettent au commerce et à la banque. L'aventure économique des compagnies à charte se soutient d'avancées scientifiques et techniques. Cette histoire est aussi l'histoire d'une mutation liée à la représentation et à la mesure du monde dans laquelle les considérations mercantiles (au sens que ce mot reçoit aujourd'hui) et le développement de la connaissance scientifique vont de conserve.

Le modèle de la compagnie de commerce est hollandais, puis anglais ; le Danemark, la France, le Saint empire germanique, la Suède suivent. Son caractère propre tient dans l'investissement des princes ou des États dans leur création et dans leur fonctionnement. "Il semble qu'il n'y ait pas deux caractères plus incompatibles que celui du marchand et celui de souverain", écrit Adam Smith. C'est pourtant cet acteur paradoxal qui est à l'origine du capitalisme des Temps modernes. Préfiguration de l'État-nation d'aujourd'hui dont la fin est de garantir "l'exercice de la marchandise" – selon la formule de Descartes à Guez de Balzac, à propos d'Amsterdam : où il n'y a "aucun homme, excepté moi, qui n’exerce la marchandise" - 5 mai 1631.

"Il ne faut pas être surpris si tant de Nations ont voulu participer au Commerce des Indes Orientales, puisqu'il n'en est point dans l'Univers de plus riche ni de plus considérable que celui qui s'y fait. C'est de ces Pays féconds, que le Soleil regarde de plus près que les nôtres, qu'on rapporte ce qu'il y a de plus précieux parmi les hommes, et ce qui contribuë le plus soit à la douceur de la vie, soit à l'éclat et à la magnificence. C'est de là qu'on tire les Pierreries ; et que viennent ces marchandises si recherchées, la Soye, la Canelle, le Poivre, le Gérofle, la Muscade, les Toiles de Coton, la Porcelaine, les plus beaux Bois, soit pour les parfums ou les teintures, soit pour la marqueterie et les ouvrages de rapport ; l'Yvoire, l'Indigo, l'Encens ; quelques autres plus récemment en usage, comme le Thé, le Caffé ; en un mot une infnité de choses non seulement nécessaires, mais encore que l'habitude rend telles, dès qu'on y est une fois accoûtumé." (du Fresne de Francheville, Histoire générale et particuliere des Finances, 1738, p. 13, dans : l'"Histoire de la Compagnie des Indes avec les titres de ses Concessions et Priviléges")




Comptoir de la Compagnie des Indes à Londres, 1846.

Charles II et Catherine de Braganza, 1670
la devise proclame :
DIFFVSVS IN ORBE BRITANNVS

Canon aux armes de la Vereenidge Oost Indische Compagnie, chambre d’Amsterdam



Le fort danois Dansborg, construit en 1620,
et Tranquebar. Plan de 1730

Privilège de la Compagnie de Suède, 1731


L'aventure maritime a pour objet le contrôle du commerce des produits d'Asie. Après la chute de Constantinople (1453), les produits de l’Orient arrivent en Occident par la mer Rouge et l’Egypte. L’océan Indien est alors le cadre d'échanges entre la Chine, la Malaisie, l'Inde, la péninsule arabique et l'Afrique de l'Est. Malacca et Ormuz sont les deux principaux pôles de cette activité rythmée par le régime des moussons. Si le doublement du Cap de Bonne Espérance a pour conséquence, au plan européen, la prise de contrôle de ce commerce par le Portugal au détriment de Venise, ses conséquences sont aussi régionales et mondiales. L'arrivée des Portugais dans l'océan Indien va infléchir les échanges régionaux et mettre en relation les "deux Indes", l'argent du Nouveau monde servant à l'acquisition des productions de l'Orient. Les compagnies des Indes orientales, en effet, achètent, à Cadix, Amsterdam ou Bayonne, le métal provenant des Amériques pour acquérir les biens qu'elles importent en Europe. "L'Inde, a pu dire un contemporain, est le tombeau de l'argent" (voir infra).




Ce tableau (2,50 m x 1,80 m), visible au musée Charcas, à Sucre, est l'œuvre de Gaspar Miguel Berrio.
Achevé en 1758, il représente la ville minère, avec les lacs artificiels qui alimentaient les moulins,
les vingt-sept églises...

Découvert en 1545, le site minier de Potosí, avec sa Casa de la Moneda où était frappé l'argent, fut le plus vaste complexe industriel du XVIe siècle. En 1610, la ville, aujourd'hui inscrite au patrimoine mondial de l'humanité, comptait 160 000 habitants. D'après Alexander von Humboldt (Essai politique sur le royaume de la Nouvelle Espagne, tome quatrième, 1811, p. 172-173), "la montagne du Potosi a fourni à elle seule, en ne comptant que l'argent dont on a payé les droits royaux, depuis sa découverte en 1545 jusqu'à nos jours, une masse d'argent qui équivaut à 5 750 millions de livres tournois". On estime aujourd'hui que 45 000 tonnes d’argent ont été extraites du Cerro Rico durant la colonisation espagnole. A la fin du XVIe siècle la production du Pérou représentait la moitié de la production mondiale (la technique de l'amalgame utilisée, du mercure ayant été découvert dans les Andes, permettait une exploitation plus complète du minerai – l'argent est dissous dans le mercure, éliminé par distillation). Chaque année une flotte rentrait en Espagne chargée des métaux précieux (et des marchandises apportées par le "galion de Manille"). « L’argent ruisselait de Potosi dans toutes les directions : il s’échangeait à Buenos Aires contre des nègres d’Angola, en Nouvelle Espagne contre des tissus de Castille, et surtout contre des marchandises de Chine apportées par le galion d’Acapulco […] Parfois il partait sur la flotte aux côtés de l’argent officiel, mais sans être porté sur les registres ; à Cadix, il passait sur les bateaux des négociants étrangers et on le retrouvait à Gênes, à Venise, à Anvers et Amsterdam. Potosí donna vie à l’économie européenne du XVIIe siècle, au Portugal, à la France, à la Hollande, à l’Angleterre, plus encore qu’à l’Espagne » (Marie Helmer, « Potosí, un chapitre inédit de l'histoire d'Amérique (A propos d'une publication récente) », Bulletin Hispanique,1956, vol. 58, n° 3, pp. 344-352, p. 350-351). L’argent va vers l’est, vers l’Europe (puis l’Asie), mais principalement vers l'ouest, traversant le Pacifique jusqu’à Manille où il est négocié contre des marchandises de Chine venues de Macao et de Canton (voir : Schurz, William Lytle, The Manila Galleon, New York : E. P. Dutton, 1939)



La technique de l'amalgamación à Potosi



L’aventure maritime par le Cap de Bonne Espérance est d’abord portugaise. Elle associe l'exploration et la recherche de biens précieux. La progression des navigateurs portugais vers le sud est marquée par des installations permanentes à visée commerciale, l'or, l'ivoire et les esclaves constituant les biens traités. En 1488, le doublement du Cap des Tempêtes, devenu le Cap de Bonne Espérance, ouvre la route des épices. Les "trésors" du Portugal, dont le "Royaume n'est qu'une des plus petites et plus stériles parties de l'Europe", "c'est à ses heureux Navigateurs" qu'elle les doit ((du Fresne de Francheville, 1738, op. cit., p. 9). La supériorité navale des portugais leur permet de contrôler rapidement les routes maritimes de l'océan Indien. Ils prennent possession de Goa (où Albuquerque est acclamé par la population hindoue), s'installent à Ormuz, puis à Malacca (1511). D'après Haudrère (Philippe Haudrère, Les Compagnies des Indes orientales, trois siècles de rencontre entre Orientaux et Occidentaux, Paris, Desjonquères, 2006, p. 93) "depuis l'ouverture de la route du Cap [...] durant trois siècles, 10 000 à 11 000 vaisseaux européens furent envoyés dans l'océan Indien et en mer de Chine". (Pour une présentation exhaustive du commerce hollandais avec l'Asie voir Bruijn, J.R. , F.S. Gaastra, I. Schoffer, 1979-1987, Dutch-Asiatic Shipping in the 17th and 18th Centuries, Den Haag : Martinus Nijhoff.) C'est en effet une thalassocratie qui se met en place. Si l'on excepte la puissance omanaise qui s'émancipe de la tutelle portugaise et qui s'engage dans la reconquête de la côte swahilie à partir des années 1650, cette prééminence des marines européennes est un trait constant de l'expansion coloniale en Orient. "Quiconque est maître de la mer a ung grand pouvoyr sur la terre" (Isaac de Razilly). L'armement des navires de commerce arabes, goudjeratis ou chinois est limité par leur mode de construction et l'empire de la mer ne paraît pas constituer un objet politique pour les puissances en cause. Comme l'exprime justement Bahadur Shah : "Les batailles navales sont des affaires de marchands, elles n'ajoutent rien à la gloire des rois" (cité par Haudrère, op. cit., p. 24). Le "seigneur Cercam" écrit Bellanger de Lespinay dans ses Mémoires, apprécie peu les Hollandais comparés aux "François [...] peuples fort belliqueux et gouvernez par un puissant monarque [...] au contraire des Hollandois [qui] n'estoient que des marchands" (Mémoires de L. A. de Lespinay, vendômois, sur son voyage aux Indes Orientales, 1670-1675, p. 240). Évolution caractéristique des Temps modernes : c'est par la maîtrise de la mer que la gloire des marchands va supplanter celle des rois – la concurrence des nations européennes s'exprimant d'ailleurs dans la confrontation de leur marine.

La philosophie des compagnies de commerce, c'est évidemment celle du profit. "Il n'y a rien au monde de plus efficace, dira le gouverneur hollandais Jan Pieterszoon Coen, gouverneur général des Indes néerlandaises, que la puissance et la force ajoutées au droit", démontrant la détermination des marchands avec les massacres et les destructions hollandaises en Indonésie. (Saint François-Xavier avait fustigé « ceux qui inventent quantité de modes de temps et de participes à ce malheureux verbe rapio, rapis » – lettre écrite de Cochin le 27 janvier 1545.) Le métier des affaires se subordonne les autres : la compagnie anglaise déclare toujours préférer "un marchand peu expérimenté en navigation à un navigateur peu habitué au commerce" (cité par Haudrère, op. cit., p. 61) et La Bourdonnais rappelle "la nécessité pour la Compagnie d'avoir des employéz aussi intelligents que fidèles [...] [et] mal pour mal [dans la difficulté de ces deux qualités réunies] estime que "mieux vaut être exposé à l'intelligence de son employé qu'à la merci d'une fidélité ignorante" (Les Français dans l'océan Indien au XVIIIe siècle, La Bourdonnais et Rostaing, 2004, p. 24). Le mémoire de Georges Roques, employé de la Compagnie des Indes et familier des métiers du textile, La manière de négocier aux Indes, 1676-1691, témoigne des particularités du négoce en Orient. L'art de faire du profit n'est pas seulement une industrie à part entière, c'est, déplacement des valeurs significatif du temps, un état qui le dispute en dignité à tous les autres et en particulier à la noblesse : "Permettez-moi de vous dire, argumente la revue le Spectator (qui paraît de 1711-1714) que nous autres marchands, nous sommes une espèce de noblesse qui a poussé dans le monde au siècle dernier [...] Car vos affaires [à vous, les nobles], en vérité, ne s'étendent pas plus loin qu'une charretée de foin ou qu'un bœuf gras [...] Il est parfaitement exact qu'un marchand accompli est ce qu'il y a de mieux comme gentilhomme dans la nation" (Spectator n° 174, cité par Paul Hazard, La crise de la conscience européenne, 1961, p. 308). Le sens de l'honneur a changé de camp : "Les duels, philosophera Emmanuel Kant dans ses Observations sur le sentiment du beau et du sublime, misérables restes des fausses idées que [la chevalerie] se faisait de l'honneur, sont des sottises"...

Le doublement du Cap de Bonne-Espérance et la découverte de l'Amérique ouvrent ainsi une ère nouvelle pour le “Vieux Monde”. Deux mouvements, opposés et complémentaires, ayant l'acquisition de métaux précieux et la circulation (et la production) des marchandises pour objet, l'un vers le “Nouveau Monde” l'autre vers le “Haut Orient” assurent la circumnavigation du globe et les échanges d'une première “mondialisation”. L'Inde mystérieuse constitue alors l'autre pôle de cette circumnavigation permise par les progrès de la navigation et de la construction navale au XVIIe et XVIIIe siècle, ce “Haut Orient” qui fait pendant à l'Eldorado du “Nouveau monde”. Mais c'est moins le “fabuleux métal” ("que Cipango [était supposé mûrir] dans ses mines lointaines") qu'une activité économique ancienne et diversifiée qui attire les marchands. Les travaux de Denys Lombard (Le carrefour javanais. Essai d'histoire globale, Paris : EHESS, 1990) et d’Anthony Reid (Southeast Asia in the Age of Commerce, 1450-1680, New Haven : Yale University Press, 1988-1993) ont montré que dès avant l’arrivée des européens, cette partie du monde avait connu de profondes transformations (notamment une importante croissance démographique), liées au développement du commerce qui a déplacé le centre de gravité politique et économique des hinterlandes aux villes côtières, évoluant d’une féodalité tirant sa ressource des terres à des systèmes politiques prospérant sur l’activité maritime et trouvant fréquemment dans l’islam, dont l’expansion a suivi les grandes routes commerciales, ses institutions politiques.

"Tel est donc le Commerce de la Compagnie des Indes, qu'il influë à la fois sur celui qui se fait dans les quatre parties du Monde." "C'est de ses concessions en Asie que viennent les Coris, les Toiles peintes, et diverses autres Marchandises, propres pour les Côtes d'Afrique. C'est aux Côtes d'Afrique que se fait le commerce des Négres, si nécessaires pour la culture des terres dans les Isles de l'Amérique. C'est des Isles de l'Amérique que l'on rapporte le Cacao, l'Indigo, le Rocou, des Cotons, dont l'emploi ou le filage occupe et fait subsister beaucoup de gens en France ; les Sucres, qui s'y rafinent en si grande abondance et avec tant de succès : et tout cela ne se consomme pas seulement dans le Royaume, mais il s'en transporte encore des quantitez prodigieuses aux Pays Etrangers" (
du Fresne de Francheville, op. cit. 1738, p. 2).

Espagne et Portugal :

Le 21 mai 1498, la flotte de Vasco de Gama arrive à Calicut, quarante navires appartenant à des commerçants musulmans sont au mouillage dans la rade et les Portugais sont éblouis par les richesses de la ville.


Voyage de Vasco de Gama, la relation du premier voyage aux Indes (1497-1499)
(Chandeigne, 1998, p. 103-104)

"De cette région de Calicut, appelée l'Inde Supérieure, viennent les épices qu'on consomme en Occident et dans le Levant, ainsi qu'au Portugal et même dans tous les pays du monde. De la ville de Calicut viennent aussi beaucoup de pierres précieuses de toutes sortes. Cette même ville produit, de sa propre récolte, les épices suivantes : beaucoup de gingembre, poivre, cannelle, bien que celle-ci ne soit pas aussi fine que celle d'une île appelée Ceylan (Cillam) qui est à huit journées de Calicut. Toute cette cannelle aboutit à cette ville de Calicut. Il y a aussi une île appelée Malacca (Mellequa) de laquelle cette ville reçoit le clou de girofle. Les nefs de la Mecque y chargent les épices qu'elles transportent à une ville de la Mecque appelée Djedda (Judea). Partant de cette île [Malacca], ils mettent cinquante jours vent en poupe, car les nefs de ce pays ne naviguent pas à la bouline. Là ils déchargent et ils paient ses droits au Grand Sultan [du Caire]. Puis ils embarquent leur cargaison sur des navires plus petits, et la transportent par la mer Rouge jusqu'à un endroit situé près de Sainte-Catherine du mont Sinaï appelé Tur [At-Tur], et ils y paient encore un autre droit. Là ces marchands chargent les épices sur des chameaux qu'ils louent pour quatre cruzados par chameau, et ils les transportent au Caire en dix jours. Ils y paient un autre droit. Ils sont souvent, sur la route du Caire, attaqués par les voleurs qu'il y a dans ce pays [...]
Là ils les chargent de nouveau sur des bâtiments qui naviguent sur un fleuve appelé le Nil, qui vient du pays du Prêtre Jean, dans l'Inde inférieure. Ils descendent ce fleuve pendant deux jours, jusqu'à un endroit appelé Rosette (Roxete). Là ils paient un autre droit. Ils les chargent de nouveau sur des chameaux et ils les amènent en un jour à une ville appelée Alexandrie, qui est un port de mer. C'est dans cette ville d'Alexandrie que les galères de Venise et de Gênes viennent chercher ces épices qui, à ce qu'on estime, rapportent au Grand Sultan 6000 000 cruzados de droits ; il en donne chaque année 100 000 à un roi appelé Cidadim [le sultan de Harrar] pour faire la guerre au Prêtre Jean."

La Suma oriental de Tomé Pires (1512-1515)

Les marchands, explique Tomé Pires sont divisés en différents groupes : « Banians, Brahamanes et Pattars » mais désignés sous le vocable commun de « Gujaratees ». Ils maîtrisent la science du commerce et sont « partout ». Ils envoient des bateaux vers Aden, Ormuz, le royaume du Deccan, Goa, Bhaktal, la côte Malabar, Ceylan, Bengale, Pegu, Siam, Pedir, Pase et Malacca ». « La ville de Cambay étend ses deux bras, avec le bras droit elle touche Aden, avec l’autre elle touche Malacca » (The Suma Oriental of Tomé Pires (1512-1515), vol. 1, Londres : Hakluyt Society [1944], 2005, New Delhi-Chennai : Asian Educational Service, p. 41-42). Les marchands du Caire apportent à Aden des marchandises « d’Italie, de Grèce » telles que de l’or, de l’argent, du mercure, des tissus de laine, des armes… Les marchands d’Aden ajoutent à ces marchandises or, argent, chevaux… et viennent faire affaire à Cambay. Ils repartent avec les produits de Malacca : épices, musc, porcelaines, tissus… pour les marchés de « Zeila, Berbera, Sokotra, Kilwa, Malindi, Mogadishu » (p. 43). Tomé Pires estime à un millier les marchands de Cambay et quatre à cinq mille ses marins.

Le sultanat du Gujerat, fondé en 1403, contrôle en effet le commerce de la côte avec le port de Cambay qui met en relation le Moyen-Orient (Ormuz, Djeddah, Aden), la côte occidentale de l’Inde et Malacca, relais dans le commerce asiatique, entre la Chine, l’Insulinde, l’Inde et le Moyen Orient. Chaque année une flotte gujrati chargeait à Aden or, ivoire, esclaves d’Afrique, métaux en provenance d’Europe pour Cambay. A destination, elle chargeait pour Malacca les tissus, produits au Gujarat, qui permettaient d’acquérir les épices des îles de la Sonde. Les vaisseaux regagnaient Cambay, chargés de soieries et porcelaines de Chine, d’épices des Moluques et autres produits échangés dans la mer de Java et la mer de Chine méridionale. Dans une lettre de Cochin, datée du 22 janvier 1586, Filippo Sassetti, marchand et érudit italien établi en Inde du sud, donne une description circonstanciée de cette activité commerciale qui amène les richesses de l’Orient jusqu’au Portugal (Lettere edite e inedite di Filippo Sassetti, raccolte e annotate da Ettore Marcucci, Firenze : Le Monnier, 1855, p. 345-350). Si le poivre est indien, le girofle vient des Moluques, la noix de muscade et le macis de Banda, les pierres de Pegu, les soieries et la porcelaine de Chine, les cauris (Caurim) des Maldives… Le chargement des vaisseaux qui partent pour le Portugal est conditionné par des échanges et une circulation de marchandises qui préexistent à l’arrivée des portugais. Magalhães-Godinho rapporte que les marchands malais « racontaient que Dieu avaient créé l’île de Timor pour le santal, Banda pour le macis, les Moluques pour le clou de girofle » (Vitorino Magalhães-Godinho, L’économie de l’empire portugais aux XVe et XVIe siècles, Paris : S.E.V.P.E.N., 1969, p. 587). La cannelle est produite à Ceylan, Calicut étant, comme le constate Vasco de Gama lors de son premier voyage, le port de réexportation. Les épices de Malacca sont réexpédiés vers la mer Rouge à partir du Gujrat. (Pour une présentation exhaustive des épices et des drogues « dans le monde oriental » : bétel, opium, rhubarbe, borate, galenga, camphre, benjoin, santal, aloes, cardamone… , voir : Magalhães-Godinho, p. 577-616.)

Tout ce commerce est rythmé par le régime des moussons (che si chiama qua Monzao ; une lettre de Sassetti, datée de Cochin le 1er janvier 1586, décrit les « trois saisons » de l’Inde du sud). Les navires portugais arrivent entre la fin août et le début d’octobre. Dans la seconde quinzaine de décembre et la première de janvier, on charge de poivre à Cochin les navires qui doivent repartir. En mars, partent les bateaux des marchands maures pour La Mecque. En avril, les bateaux pour Malacca et Malucco, pour la Chine et pour Ormuz. Le retour de tous ces navires commence en septembre, les premiers étant ceux de La Mecque, puis ceux du Portugal ainsi que le galion du Mozambique, puis le bateau de Cambay, fin décembre, ceux du Bengale chargés des toiles et du riz, ensuite, les navires de Malacca avec des épices. Les navires faisant commerce des produits de Chine arrivent plus tard, portant tutte le cose che si possono immaginare. Sont présents, au moment où Sassetti rédige sa lettre, les navires d’Ormuz portant des chevaux, beaucoup d'argent, des fruits, amandes, noix, prunes séchées, câpres et raisins secs. Quels sont les moyens de ce négoce ? La colonne vertébrale (Il nerbo delli effetti) de ce commerce, selon l’expression de Sassetti, c’est, pour les européens, l’argent qui arrive chaque année du Portugal, qu’il évalue à huit cent mille livres. Il relève aussi que le galion du Mozambique revient avec 2 500 marcs de poudre d’or. Sassetti précise que le galion qui va à Malucco pour acheter le girofle apporte des toiles et autres marchandises et qu’il n’y a aucune utilisation de l’argent, sauf pour les Portugais qui s’y trouvent ; qu’à Malacca, on commerce avec des toiles de Cambay, mais que les négociants chinois veulent des pièces d’argent et rien d’autre (reali, e non altro).


C'est, en effet, une thalassocratie qui se met en place. Si l’on excepte la puissance omanaise qui s’émancipe de la tutelle portugaise et qui s’engage dans la reconquête de la côte swahilie à partir des années 1650, cette prééminence des marines européennes est un trait constant de l'expansion coloniale en Orient. « Quiconque est maître de la mer a ung grand pouvoyr sur la terre » (Isaac de Razilly). L'armement des navires de commerce arabes, gudjeratis ou chinois est limité par leur mode de construction et l'empire de la mer ne paraît pas constituer un objet politique pour les puissances en cause. Comme l'exprime justement Bahadur Shah : « Les batailles navales sont des affaires de marchands, elles n'ajoutent rien à la gloire des rois » (cité par Haudrère, op. cit., p. 24). Le « seigneur Cercam » écrit Bellanger de Lespinay dans ses Mémoires, apprécie peu les Hollandais comparés aux « François […] peuples fort belliqueux et gouvernez par un puissant monarque […] au contraire des Hollandois [qui] n'estoient que des marchands » (Mémoires de L. A. de Lespinay, vendômois, sur son voyage aux Indes Orientales, 1670-1675, p. 240). Évolution caractéristique des Temps modernes : c'est par la maîtrise de la mer que la gloire des marchands va supplanter celle des rois – la concurrence des nations européennes s'exprimant d'ailleurs dans la confrontation de leur marine.

La philosophie des compagnies de commerce, c'est évidemment celle du profit. « Il n'y a rien au monde de plus efficace, dira le gouverneur Jan Pieterszoon Coen, gouverneur général des Indes néerlandaises, que la puissance et la force ajoutées au droit », démontrant, avec les massacres et les destructions hollandaises en Indonésie, la détermination des marchands (saint François-Xavier avait fustigé « ceux qui inventent quantité de modes de temps et de participes à ce malheureux verbe rapio, rapis » – lettre écrite de Cochin le 27 janvier 1545). Le métier des affaires se subordonne les autres : la compagnie anglaise déclare toujours préférer « un marchand peu expérimenté en navigation à un navigateur peu habitué au commerce » (cité par Haudrère, 2006, op. cit., p. 61) et La Bourdonnais rappelle « la nécessité pour la Compagnie d'avoir des employéz aussi intelligents que fidèles […] [et] mal pour mal [dans la difficulté de ces deux qualités réunies] estime que "mieux vaut être exposé à l'intelligence de son employé qu'à la merci d'une fidélité ignorante" » (Les Français dans l'océan Indien au XVIIIe siècle, La Bourdonnais et Rostaing, 2004, p. 24). Le mémoire de Georges Roques, employé de la Compagnie des Indes et familier des métiers du textile, La manière de négocier aux Indes, 1676-1691, témoigne des particularités du négoce en Orient. L'art de faire du profit n'est pas seulement une industrie à part entière, c'est, déplacement des valeurs significatif du temps, un état qui le dispute en dignité à tous les autres et en particulier à la noblesse :
Permettez-moi de vous dire, argumente la revue le Spectator (qui paraît de 1711-1714) que nous autres marchands, nous sommes une espèce de noblesse qui a poussé dans le monde au siècle dernier […] Car vos affaires [à vous, les nobles], en vérité, ne s'étendent pas plus loin qu'une charretée de foin ou qu'un bœuf gras […] Il est parfaitement exact qu'un marchand accompli est ce qu'il y a de mieux comme gentilhomme dans la nation (Spectator n° 174, cité par Paul Hazard, La crise de la conscience européenne, 1961, p. 308).
Le sens de l'honneur a changé de camp : « les duels, philosophera Emmanuel Kant dans ses Observations sur le sentiment du beau et du sublime, misérables restes des fausses idées que [la chevalerie] se faisait de l'honneur, sont des sottises »… (Critique du Jugement, traduction J. Barni, 1846, II, p. 250).

Le doublement du Cap de Bonne-Espérance et la découverte de l'Amérique ouvrent ainsi une ère nouvelle pour le « Vieux Monde ». Deux mouvements, opposés et complémentaires, ayant l'acquisition de métaux précieux et la circulation (et la production) des marchandises pour objet, l'un vers le « Nouveau Monde » l'autre vers le « Haut Orient » assurent la circumnavigation du globe et les échanges d'une première « mondialisation ». L'Inde mystérieuse constitue alors l'autre pôle de cette circumnavigation permise par les progrès de la navigation et de la construction navale au XVIIe et XVIIIe siècle, ce « Haut Orient » qui fait pendant à l'Eldorado du « Nouveau monde ». Mais c'est moins le « fabuleux métal » (« que Cipango [était supposé mûrir] dans ses mines lointaines ») qu'une activité économique ancienne et diversifiée qui attire les marchands. Les portugais et les espagnols, les premiers, s’insèreront dans des circuits commerciaux leur préexistant. L’énumération des passagers du bateau qui porte le Père Adriano de las Cortes, parti de Manille et qui fera naufrage sur la côte chinoise, donne une illustration indirecte de cet affairement et de ce « cosmopolitisme » :
 
"Nous prîmes la mer le 25 janvier 1625, à partir de la plage de Manille, sur une galiote [galeota] [embarquant] quatre-vingt-dix-sept personnes en comptant le capitaine, le pilote et nous, les six Castillans qui quittâmes Manille, à savoir : deux prêtres séculiers […] trois marchands et moi. Des autres passagers, soixante-neuf étaient des Japonais, parmi lesquels le père Miguel Matsuda de notre Compagnie, qui, appelé par le père provincial du Japon (d'où il avait été exilé quelques années auparavant à cause de sa foi), y retournait en passant par Macao. Il y avait aussi trente-quatre lascars ou marins musulmans originaires de la région voisine de la ville de Goa, dont deux qui emmenaient leurs femmes. Les autres étaient des juifs et des esclaves domestiques des alentours de Manille, dont deux femmes" (Le voyage en Chine d'Adriano de las Cortes s. j. (1625), traduction, présentation et notes de Pascale Girard, Paris : Chandeigne, 2001, p. 37-38).
 
Les travaux de Denys Lombard (Le carrefour javanais. Essai d'histoire globale, Paris : EHESS, 1990) et d’Anthony Reid (Southeast Asia in the Age of Commerce, 1450-1680, New Haven : Yale University Press, 1988-1993) ont montré que dès avant l’arrivée des européens, cette partie du monde avait connu de profondes transformations (notamment une importante croissance démographique), liées au développement du commerce qui a déplacé le centre de gravité politique et économique des inlands aux villes côtières, évoluant d’une féodalité tirant sa ressource des terres à des systèmes politiques prospérant sur l’activité maritime et trouvant fréquemment dans l’islam, dont l’expansion a suivi les grandes routes commerciales, ses institutions politiques.

La maîtrise de la mer confère pour un siècle au Portugal le monopole sur le commerce asiatique. Mais ce monopole allait être contourné, puis supplanté, par les marins et les marchands hollandais et anglais, qui s'étaient ouvert une route vers l'Asie. En 1602, deux marchands néerlandais sont pendus par les autorités portugaises de Goa pour avoir tenté d'acheter du poivre. Les Britanniques fondent une East India Company en 1600, les Pays-Bas la Vereenigde Oostindische Compagnie (Compagnie unifiée pour le commerce des Indes orientales), en 1602, le Danemark en 1616, la France en 1664… L'Europe est en concurrence pour le commerce aux Indes. « C'est la fiancée autour de laquelle nous dansons », selon la formule d’un directeur de la Compagnie hollandaise (cité par Philippe Haudrère, 1991, p. 20, « Jalons pour une histoire des compagnies des Indes », dans : Compagnie et comptoirs, l’Inde des Français, Jacques Weber (dir.), citant Bruijn et Gaastra, Dutch-Asiatic shipping…, 1979, p. 245). Avant l'arrivée des Européens, le Coromandel connaît, grâce notamment à une maîtrise des techniques d'irrigation, une riziculture et une agriculture prospères ainsi qu'un artisanat florissant (filage, tissage, impression de cotonnades, arts de la construction, orfèvrerie).


La richesse de l'Inde dans le Journal d'Ananda Ranga Pillai :
« – M Duquesne écrit qu'il y a beaucoup de temples à Tanjore et que les rues, les routes, les bois et la fertilité générale dépassent celle de l'Europe. Est-ce une si belle région ? Je répondis : – C'est vrai. Nous disons qu'il n'y a pas de pays comme le Chôlamandalam [le Coromandel] à 1000 ou 2000 lieues à la ronde, et même dans le reste du monde […] Cette contrée n'a pas son pareil. Dans tout le pays les routes carrossables sont bordées d'avenues de cocotiers. C'est une succession de belles maisons, avec des temples, des mantapams, des gîtes d'étape et des pandals superbement édifiés, en sorte qu'il faut le voir pour le croire. Avec cela, chaque village possède un ou deux canaux de la profondeur d'un homme, toujours pleins de l'eau de la Cauveri. Il n'y a pas cent pieds de sol inculte. Le pays est mis en valeur sur toute son étendue. Tout est au même niveau et les canaux sont comme les lignes de la main » (VI, p. 314-315).

[Ananda Ranga Pillai, courtier de Dupleix, a tenu un journal de 1736 à 1761. Ce document unique touchant la présence des européens en Inde n’a jamais été publié en intégralité dans sa langue originale (il existe plusieurs éditions abrégées en tamoul « based on the diary»). La version complète, en 12 volumes, est disponible dans une traduction anglaise publiée de 1894 à 1928. Les trois premiers tomes ont été édités par J. F. Price, des archives de Madras, et les neuf autres par M. H. Dodwell. Des extraits en langue française ont été publiés en 1894 sous le titre : Les Français dans l'Inde : Dupleix et Labourdonnais. Extraits du journal d'Anandarangappoullé (1736-1748) (réédité en 2010 par Surya éditions, Saint-Denis de La Réunion).]


Le port de Masulipatam, l’un des points de rencontre du commerce d'Asie, d'Afrique et d'Indonésie verra la première installation des Hollandais, puis des Anglais qui feront de Madras le centre d'un trafic qui se développera vers le Nord, jusqu'au Bengale, et vers le Sud. Au début du XVIIe siècle, les Danois s'installent à Tranquebar puis à Pondichéry pour le commerce des toiles. Pondichéry, point de rassemblement pour le commerce vers l'Europe, est imaginée et planifiée par les Compagnies maritimes à la fois comme un entrepôt tourné vers la mer et un lieu de production (comme l'était probablement la factorerie romaine). Sur tous les vieux plans, note M. V. Labernadie (Le vieux Pondichéry, 1674-1815, Histoire d'une Ville Coloniale Française, Thèse pour le Doctorat d'Université, Pondichéry, 1936), Pondichéry est orientée est-ouest.


Les Français fondent donc en 1664 la Compagnie royale des Indes. Après diverses tribulations, une tentative d'établissement à Surate et l'expédition désastreuse de l'« escadre de Perse » commandée par Blanquet de la Haye, un chef local, Sher Khân Lodi, offre aux Français la disposition d'un terrain à Pondichéry. C'est François Martin qui, après avoir séjourné trois années à Madagascar (voir le chapitre : « La Case, les Sorabe, l'Histoire »), se consacrera, à partir de 1674, à la fortification de la place pour assurer la sécurité des artisans travaillant pour la Compagnie, l'arrière-pays étant troublé par les luttes entre les princes locaux et les mouve?ments des troupes Marathes. À sa mort, en 1706, la place de Pondichéry, rendue à la Compagnie par le traité de Ryswick après l'occupation hollandaise en 1693, ayant acquis le droit de battre monnaie, peut devenir la base des intérêts de la Compagnie dans le commerce asiatique.

La mesure du monde et la navigation

Les desseins maritimes de Colbert, qui s'expriment dans la création de compagnies commerciales et dans une politique coloniale réglée, concernent aussi l'hydrographie. Colbert commande à l'Académie des sciences (créée en 1666) une réflexion sur les méthodes de la cartographie, préalable à la réalisation du Neptune françois, premier atlas français entièrement dédié à la marine qui sera publié en 1693. Après la création de l'Observatoire de Paris en 1667, dirigé par Jean-Dominique Cassini, cet atlas bénéficiera de relevés par triangulation et du progrès des instruments de mesure. Le 21 avril 1670, le ministre écrit à Colbert de Terron : "Il faut penser à faire des cartes marines de tous nos voyages, afin de nous tirer une fois de la nécessité de passer par les mains des Hollandois, et de rendre plus correct ce qu'ils ont fait jusqu'à présent" (Jean-Baptiste Colbert, Lettres, instructions et mémoires III, 2ième partie, Pierre Clément (éd.), Paris 1865, p. 482). Et, le 18 août 1670 : "Il faut bien prendre garde de tirer de toutes nos navigations et des journaux qui sont tenus, des connoissances exactes et fidèles, pour tous ceux qui auront à faire les mêmes voyages, et mesme il faudra s'en servir pour composer des cartes marines" (op. cit. 1ère partie, 1864, p. 264). Cassini rédige en 1693 une Instruction générale pour les observations géographiques et astronomiques à faire dans les voyages. L'Académie des sciences envoie des expéditions pour déterminer les positions géographiques par la méthode astronomique. Voyageurs et missionnaires sont formés à l'Observatoire pour être en mesure d'effectuer de tels relevés. Les informations ainsi collectées sont reportées sur le "Parterre géographique" de l'Observatoire, présenté au roi en 1682 (voir illustration). L'intention de ce planisphère de vingt-quatre pieds de diamètre est de réunir l'ensemble des mesures scientifiques aussitôt qu'elles sont disponibles. Lorsqu'en août 1690 le roi Jacques II d'Angleterre, en exil au château de Saint-Germain, visite l'Observatoire, le parterre a enregistré les observations faites à Gorée, aux Antilles, au Cap de Bonne Espérance et au Siam. Le dessin de ce planisphère, gravé par Cassini en 1694, a été reproduit par plusieurs auteurs.

Le "Parterre géographique" de Cassini (détail : Afrique et mer des Indes)
 Giovanni Domenico Cassini (1625-1712) et Giovanni Cassini (1677-1756).  
Planisphere terrestre ou sont marquees les Longitudes de divers Lieux de la Terre.
 Paris : Jean Baptiste Nolin, 1696.
"Dans le Pavé de la Tour Occidentale de l’Observatoire, on a désigné une figure de la Terre qui facilite l’intelligence de la géographie. Le Centre de cette figure est au milieu de la Tour où il représente le Pole septentrional de la Terre.
Autour de ce centre on a décrit une Circonférence d’un cercle de la grandeur dont la Tour est capable.
On a tiré de ce centre, à l'angle qui est entre les deux fenestres du côté du midy, une ligne droite qui représente le premier méridien géographique, et on a pris le point où elle coupe la circonférence du cercle pour le commencement des Longitudes [...]"

(C. Wolf, Histoire de l'Observatoire de Paris, p. 63-64)
Archiv. de l’Obs. de Paris, D.1.13.

La carte scientifique adapte, avec les outils de l'astronomie moderne, le précepte de Ptolémée : "La géographie partage la Terre selon les cercles du Ciel". A la différence de la carte à dimension humaine, du type de la carte du monde connue sous le nom de table de Peutinger (version actualisée vers 350 de la carte de Marcus Vipsanius Agrippa), ou du portulan – ou des plans de métro d'aujourd'hui où la lisibilité se subordonne l'échelle – dont la finalité est d'arriver au but quelle que soit l'objectivité de la représentation, la carte moderne rompt non seulement avec l'orographie mais avec l'esthétisme de la représentation.


La comparaison avec le globe terrestre de Coronelli, daté de 1683, aboutissement d'un art baroque où la représentation des espaces lointains mêle à l'information géographique allégories, animaux fabuleux et mœurs exotiques montre une évidente rupture épistémologique. Bien que Coronelli ait porté sur son globe les résultats des dernières explorations (concernant le cours du Mississipi ou le détroit de Magellan, par exemple), sa carte qui, dans les six cents inscriptions et cartouches qu'elle porte fait preuve d'un souci encyclopédique, se caractérise par son esthétisme et son apparat. Les richesses des Indes, orientales et occidentales, sont illustrées dans des cartouches : la pêche aux perles, la cannelle de Ceylan, les mines du Nouveau-Mexique ; la pêche à la baleine et la fabrication du sucre. Si certaines régions sont inhospitalières et si les scènes d'anthropophagie du Brésil sont de rigueur, la représentation dominante est celle d'un monde d'échanges matérialisé par l'illustration des productions des différentes contrées et de la navigation océanique.

Détail du globe terrestre de Coronelli
Le texte de la dédicace de César d’Estrées à Louis XIV est accompagné de dix allégories représentant la Géographie, la Navigation, l’Astronomie, l’Histoire, le Temps, l’Éloquence et la Poésie, la Géométrie, la Sculpture et la Musique.
BnF, Département des Cartes et plans, GE A 500 RES

Les textes sont rédigés par François Charpentier, auteur du Discours d'un fidèle sujet du roi touchant l'établissement d'une compagnie française pour le commerce des Indes orientales (1664) (voir : La Compagnie Française des Indes Orientales de 1664). Charpentier est aussi l'auteur du Traité de la peinture parlante, Explication des tableaux de la Galerie de Versailles (1684) et l'œuvre de Coronelli, qui a recours aux peintres les plus talentueux (Jean-Baptiste Corneille et peut-être Charles Le Brun), est précisément une mise en argument des richesses d'un monde ouvert à l'expansion coloniale. C'est la version idéologique de la Découverte et de la colonisation, mettant en scène les communs de la culture européenne.

Détail du globe terrestre de Coronelli :
Les quatre parties du monde : l'Europe dévoile l'Amérique.
BnF, Département des Cartes et plans, GE A 500 RES

Détail du globe terrestre de Coronelli
"De la ligne de démarcation"
BnF, Département des Cartes et plans, GE A 500 RES

"Ferdinand, roi d'Espagne, obtint du pape Alexandre VI, la donation des terres que Christophe Colomb avait découvert par ses ordres, et qu'il pourrait encore découvrir. La bulle est du 12 mai 1493, elle porte que toutes les terres qui seront de 100 lieues plus occidentales que le méridien qui passe par les îles du cap Vert, appartiendraient à perpétuité aux rois de Castille. Don Juan II, roi de Portugal en fit ses plaintes au roi Ferdinand qui se trouva à Tordesilas en Castille, fondé sur la concession que les papes Nicolas VI en 1454, Calixte III en 1456 et Sixte IV en 1481, avaient fait aux Portugais des îles, ports, terres et mers qu'ils avaient découverts et qu'ils pourraient découvrir au-delà des caps de Non et Bayador. Les commissaires nommés de la part de ces 2 rois, firent le 7 juin 1494 le fameux traité de Tordesillas qui porte que la ligne de séparation qu'ils appellent ligne de démarcation serait 370 lieues plus occidentale que le méridien du cap Vert. Le différend survenu depuis pour les îles des Moluques fut terminé par la cession que le roi Charles V en fit pour une somme d'argent au roi de Portugal Juan III en janvier 1680 [...]."
[Voir la communication d'Amélie Adde sur la question des Moluques]

Ce point d'histoire et de géopolitique est d'importance. Dans le partage du monde, Louis XIV, parfois représenté tenant un globe, donne corps, à plus d'un siècle de distance, à la réplique de François 1er à l'émissaire de Charles Quint à propos des ambitions françaises en Amérique : "Le soleil luit pour moi comme pour les autres ; je voudrais bien voir la clause du testament d'Adam qui m'exclut du partage du monde (le cardinal de Tolède à Charles-Quint, 27 janvier 1541, archiv. de Simancas, Estado Portugal, legajo 372, fol. 333). Les données les plus récentes portées sur le globe terrestre de Coronelli soutiennent un projet de colonisation du Mississipi et de la Floride (Pelletier, 1982, p. 83)


Une récompense royale était offerte à qui percerait le "secret de la longitude". Parmi d'autres inventeurs, en mai 1668, un certain "Sr André Reusner de Neystett allemand de nation cy devant Colonnel d'un Regiment Suedois", qui prétend avoir fait cette découverte, se voit ainsi proposer une dotation de cent mille livres, sous réserve qu'il fasse la démonstration de sa découverte aux commissaires nommés par le roi – qui ne seront pas convaincus par la prestation de l'inventeur (Huygens Christiaan, Œuvres complètes, Tome XXII. Supplément à la correspondance, p. 219 et s. Martinus Nijhoff, Den Haag, 1950). Le problème est de savoir l'heure à un instant T en deux points du globe dont on veut déterminer la différence en longitude. L'écart en longitude entre ces deux points, à raison de quatre minutes par degré (vitesse angulaire de la rotation terrestre) est exprimé par leur différence temporelle (temps vrai/temps local). L'observation des satellites de Jupiter, pris comme référence universelle, a pu servir de base à un tel calcul (qui suppose l'élaboration de tables), de principe simple mais d'application difficile. Le problème ne sera résolu qu'avec l'invention des montres marines, au milieu du XVIIIe siècle.

Un autre débat scientifique du temps concerne la forme du globe terrestre. En 1672, au cours d'une expédition au cours de laquelle il avait pris la longitude de Cayenne lors d'une éclipse de soleil, l'astronome Jean Richer avait constaté qu'une horloge réglée à Paris retardait de plus de deux minutes par jour à Cayenne ("Observations astronomiques et physique faites en l'Isle de Caïenne" par M Richer, Mémoires de l'Académie, VII, p. 231-326). La période d'un pendule étant liée au champ de la pesanteur, l'observation signifiait que le champ de la pesanteur n'était pas uniforme. Le deuil d'un élément de mesure universel (la longueur du pendule battant la seconde) ouvrait aussi un débat sur la forme du globe terrestre, opposant les partisans de l'"allongement" et ceux de l'"aplatissement". L'observation de Richer confortait l'explication de Huygens selon laquelle la force centrifuge créée par la rotation de la terre modifiait la surface du globe, aplati aux pôles, ainsi que la théorie de la gravitation universelle de Newton. Pour trancher la discussion, l'Académie royale décide d'envoyer deux expéditions pour mesurer l'arc du méridien, l'une au Pérou et l'autre en Laponie. Bouguet, La Condamine et Godin partent en 1735 pour le Pérou ; Maupertuis, Clairaut, Camus, Le Monnier et l'abbé Outhier en 1736 pour la Laponie. En novembre 1737, Maupertuis rendait compte des travaux effectués en Laponie (l'expédition du Pérou se prolongea jusqu'en 1744). Les mesures confirmaient le "tassement" du globe aux pôles. [La distance du centre de la Terre au Pôle est de 6 357 km tandis que le rayon de l'équateur est de 6 378 km.]

C'est donc d'une entreprise collective qu'il s'agit, où scientifiques et navigateurs, scientifiques explorateurs et navigateurs éclairés collaborent. "C'est aux navigateurs à suppléer les astronomes, écrit l'officier de marine et hydrographe Fleurieu, c'est à eux seuls, c'est à ceux qui se sont voués au métier de la mer, qu'il appartient de fixer les limites de l'Océan, de déterminer l'étendue et le gisement des continents, de placer les îles, de dessiner le Globe" (cité par Pastoureau, p. 34 (cité par Pastoureau, 1992, p. 34, dans : Fleurieu et la marine de son temps, Marine Acerra, Paris : Economica) ) A la différence du globe de Coronelli qui déploie un savoir encyclopédique arrêté à la gloire d'un seul, c'est une œuvre en progrès "pour laquelle, explique Jacques-Nicolas Bellin, premier ingénieur hydrographe de la marine, il faut des secours extraordinaires qu'un particulier n'est pas en état de se procurer ; le Ministre seul peut les donner. Et ce n'est que dans un dépôt tel que celui des cartes, plans et journaux de la Marine qu'on peut rassembler tous les matériaux nécessaires à une pareille entreprise" (Jacques-Nicolas Bellin, 1737-1767, p. 1-2). Ministres et monarques, en effet, vont s'engager dans cette cartographie du globe. On connaît la peinture de Nicolas-André Monsiau représentant Louis XVI devant une carte avec La Pérouse, Louis XVI qui aurait demandé, avant de monter sur l'échafaud : "A-t-on des nouvelles de monsieur de la Pérouse ?" Mais "dessiner le Globe" est une entreprise collective au service d'un projet commun, idéalement indifférent aux appartenances nationales - où l'émulation scientifique met à profit les rivalités impériales.

La Pérouse et Louis XVI
Nicolas-André Monsiau, 1817.

Jean-Baptiste d'Après de Mannevillette, auteur du Neptune oriental, est précisément de ces marins éclairés alliant la connaissance des mers à la science hydrographique. L’abbé Dicquemare, de l’Académie royale des sciences écrira de lui : "Si le savant et laborieux auteur du routier des Indes, du Neptune Oriental [...] eût négligé l’astronomie, combien l’hydrographie française n’y aurait-elle pas perdu ? C’est ainsi qu’un navigateur éclairé, qu’un capitaine zélé peut, sans que cela influe sur son commerce, devenir l’honneur de sa patrie et l’admiration des étrangers" (Idée générale de l’Astronomie, 1764). D'Après entre au service de la Compagnie des Indes en 1724. Né en 1707, il a suivi son père en 1720, capitaine de la Compagnie à Pondichéry. De passage à Saint-Denis, il rectifie la position de l'île Bourbon grâce à l'observation des satellites de Jupiter. Il réunit cartes et journaux concernant la navigation dans l'océan Indien et publie ses travaux en 1745, offerts à la Compagnie des Indes qui, en 1762, lui confiera son dépôt de cartes, de plans et de journaux de bord. C'est un ouvrage sans cesse repris et perfectionné. L'Histoire de l'Académie royale des sciences (1764, p. 161-163) rend compte du second supplément de Neptune dont un des principaux articles est "l'histoire des vents alizés ou réguliers" et qui contient "un routier très-détaillé de la navigation aux îles de France et de Bourbon" dont l'Académie annonce la publication "dans le cinquième volume des Mémoires qui lui ont été présentés". La seconde édition du Neptune oriental, en 1775, prend en compte toutes les nouvelles mesures disponibles. Exercice à la fois "savant et laborieux" dont d'Après témoigne, par exemple, quand il rapporte, dans son Mémoire sur la navigation de France aux Indes (édition de 1768) : "Après avoir examiné avec soin plus de deux cent cinquante Journaux de Navigation [...] il m'a paru..." (p. 4-5) ou encore : "Les Navigateurs ne devroient pas ignorer que les Cartes ont cela de commun avec les Dictionnaires, que les dernières éditions sont réputées êtres les plus correctes" (p. 11). C'est une étude systématique, exhaustive et mise à jour que livre la seconde édition du Neptune. Avec ses "Instructions nautiques" touchant les vents, les courants, les saisons et les rafraîchissements... cet ouvrage, fruit de la science et de l'intérêt, a permis une navigation plus rapide et plus assurée.

1ère édition du Neptune oriental
L'ouvrage est en ligne à l'URL :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr

Mahé de La Bourdonnais rapporte ainsi la navigation de son escadre en route pour commander les forces navales en Inde : "Je quittai la France le 5 avril. Les vents favorables nous poussèrent d'abord rapidement [...] Je choisis la relâche de l'Ile-Grande, située à la côte du Brésil, parce que je trouvais qu'elle faisait à peu près la moitié du chemin (depuis, les vaisseaux de la Compagnie ont suivi mon exemple) ; nous arrivâmes le 28 mai [...] Après cinquante jours de traversée, je mouillai dans le port de l'île de France le 14 août 1741." (Mémoires..., p. 52-53) Il explique qu'"on navigue dans les mers de l'Inde par moussons et par vents alisés, explique Mahé de La Bourdonnais. On appelle vents alisés ou réglés, des vents fixes qui, pendant toute l'année, sont toujours les mêmes dans certains cantons. On appelle moussons, des vents qui soufflent six mois d'un côté et six mois de l'autre. Le changement des moussons se fait un mois avant ou après l'équinoxe" (id. p. 72-73). Les départs se font de préférence à la fin de l'hiver pour profiter de la bonne saison en Atlantique et de la mousson d'été dans l'Océan indien. De Lorient, port d'armement de la Compagnie, la route descend plein sud vers les Canaries et les Açores. La première difficulté réside dans les conditions de navigation dans le Golfe de Gascogne. On passe la ligne un mois à quarante jours plus tard. On traverse ainsi l'Atlantique jusqu'à la latitude de Tristan de Cunha ; on progresse en droiture par vent d'ouest jusqu'au 80° de longitude est. On passe au large du Cap fin juin. La route d'Inde directe double la Nouvelle Amsterdam et remonte les alizés jusqu'à la côte de Coromandel. La route des îles permet d'atteindre les Mascareignes en juillet-août. On y fait escale plusieurs semaines pour obvier au scorbut. Après s'être dirigé vers le cap d'Ambre, la route reprend vers les Maldives jusqu'à Mahé, puis Pondichéry. La connaissance de l'alternance saisonnière des moussons qui rythme la navigation dans l'océan Indien fut acquise après des navigations hasardeuses. Le Saint-Paul, qui quitte Fort-Dauphin en octobre 1665, naviguant contre la mousson pour gagner la mer Rouge, revient à son point de départ en avril 1666. En 1667 et en 1668, les vaisseaux qui portent les directeurs de la Compagnie pour Surate mettent respectivement quatre et cinq mois pour atteindre leur destination. Les rescapés du massacre de Fort-Dauphin, le 27 août 1674, mirent sept mois pour gagner le Mozambique... (Guët, op. cit., p. 118-120)....

Voici l'arrivée à Pondichéry, décrite par Robert Challe :


Robert Challe, Journal d'un voyage fait aux Indes orientales, II, Août 1690 - août 1691
(Mercure de France, 1983)

Du samedi 12 août 1690
J'écris, sur les dix heures du matin, pour dire qu'après avoir bien chanté Noël, Noël est enfin venu ; c'est dire que nous sommes à l'ancre devant Pondichéry. L'endroit me paraît beau, mais je n'y vois point de fort. On dit pourtant qu'il y en a un.
[...] On nous a salué de neuf coups de canons, & M. du Quesne a rendu coup pour coup.
[...] La mer est couverte de nègres, qui pêchent sur des radeaux. Ce ne sont que trois bûches jointes ensemble avec des cordes.
Du jeudi 24 août 1690
[...] Premièrement, cette terre-ci est fort basse : les vaisseaux mouillent à près d'une demi-lieue & les chaloupes ni les canots ne peuvent approcher de terre qu'à une grande portée de fusil, parce que la mer brise tellement que ce serait vouloir absolument se perdre que d'en approcher davantage. Les Noirs du pays viennent prendre ceux qui y vont, les marchandises & autres choses dans de grands bateaux plats, qu'on appelle chelingues, dont les bords sont fort élevés. Ces bateaux sont faits de planches fort minces, non clouées, mais simplement cousues avec de la corde, sans bitume, goudron, rousine, poix ni étoupe. Ainsi, l'eau y entre de toutes parts en si grand quantité qu'on est toujours en risque d'être noyé, & que les marchandises sont toujours mouillées.
[...] Le fort est bâti à deux pas de la mer. Ce n'est qu'un carré barlong, très irrégulier n'y ayant que trois mauvaises tours rondes. [...] Ce fort paraît neuf et l'est aussi : il est bâti de brique couverte d'une espèce de chaux, inifiniment plus belle que celle que nous avons en France, & qui en vieillissant contracte une couleur & un éclat uniforme qui la ferait prendre pour du marbre blanc. [...] Le directeur et autres officiers logent dans ce fort, dont tous les bâtiments ne sont pas achevés, particulièrement l'église des capucins, qui y sont établis, & y font leurs cures parochiales. Il y a quelques maisons de Français en dehors du fort, assez proprement et commodément bâties, d'un seul étage, toutes ensuites de la chaux dont j'ai parlé ; ce qui forme une vue assez agréable.
Les maisons ou cabanes des Noirs sont éparses çà et là sans ordre ni alignement, & ne sont faites que de terre détrempée, & soutenue en elle-même par des morceaux de branches d'arbres qui y sont mêlés.
[...] Il y a plusieurs français mariés à des filles portugaises, qui ne sont pas noires, mais métisses ou mulâtres, & dont les enfants sont blonds & d'une peau aussi blanche que les Européens les plus délicats.

Le vieux Pondichéry
(quelques points d'histoire : extraits de M. V. Labernadie,1936)

"Au début du XVIIe siècle, les Danois s'étaient, pour y faire le commerce des toiles, établis dans l'Inde d'abord à Tranquebar (vers 1618), puis à Pondichéry. Bien que nous n'ayons aucune certitude sur la date de leur arrivée dans ce dernier lieu, ni sur celle de leur départ, l'existence de l'un de leurs comptoirs nous y est formellement certifiée par les Mémoires de François Martin. "Les Danois y ont pourtant été établis, on y voit encore les restes d'une maison qu'ils y ont fait bâtir. Je n'ai pas su les raisons qui les ont portés à s'en retirer." [...] En 1654, Samson d'Abbeville, géographe ordinaire du roi, mentionne dans son ouvrage "Puducheira". En 1658, le Hollandais Gautier Schouten parle de "Poule-Céré". Toutes ces appellations désignent chaque fois nettement ce même coin de la côte de Coromandel, où les indigènes travaillaient à la fabrication de toiles. Nul doute qu'après le départ des Danois ils n'aient souhaité la venue d'un nouvel agent européen, qui pût leur servir d'intermédiaire pour le commerce avec l'Occident. Leurs maîtres successifs, Hindous d'abord, Musulmans ensuite, firent en 1661 et en 1664 diverses tentatives pour attirer les Hollandais.
En 1670, les Français, jusque-là cantonnés à Surate, arrivèrent à la Côte Orientale et s'établirent à Masulipatam. Chirkam Loudy, maître de la province de Goudelour depuis 1663, leur écrivit alors pour leur demander de "s'établir dans son grouvernement où il y a de bonnes manufactures de toile." (7-8)

4 février 1673 : installation officielle des Français à Pondichéry. (11)

"L'endroit n'était pas non plus, sans avantages commerciaux appréciables [...] 'Réels amphibies, moitié êtres, moitié poissons', les 'maquois' dont les paillottes bordaient le rivage étaient aussi habiles à débarquer et à embarquer des marchandises qu'à ramener à terre d'abondantes pêches. À l'ombre de beaux margousiers, on voyait au travail [...] toute une population de tisserands. Leur industrie était favorisée par le fait que la culture du cotonnier, comme celle de l'indigotier réussissait à merveille aux alentours." (12)

François Martin, âgé de 34 ans, arrive en Inde en 1669. Il s'installe à Pondichéry avec 80 hommes et occupe vraisemblablement la maison des Danois. Il fait reconstruire des « lieux dans la loge pour y faire travailler à couvert les employés d'une manufacture de peinture [sur toile]. » Il fait relever les murailles de la ville.
"Fidèle pourtant à son devoir de marchand, et soucieux d'être prêt, la guerre de Hollande terminée, à la reprise du commerce, François Martin fit reconstruire tout d'abord 'des lieux dans la loge pour y faire travailler à couvert les employés d'une manufacture de peinture'." (21)

Prise de Valdaour (1676).

Boureau-Deslandes qui passe à Pondichéry en 1680 décrit "un grand enclos à portée de mousquet de la mer dans lequel on n'a pas fait jusqu'à présent grand bâtiment à cause du peu de négoce qu'on y fait. Il y a deux bastions, qu'on y a fait bâtir seulement pour se défendre d'un coup de main, sur lesquels il y a huit pièces de canon". Les peintres, attirés par François Martin, travaillaient "dans un endroit fort grand à faire des chites". À un quart de lieue de la loge se trouvait le village des tisserands, espoir de la Compagnie. (27)

En 1683, chargement à Pondi du premier navire arrivant directement de France, le Saint François d'Assise : assortiment de guinées, bétilles et salempoures, toiles de consommation courante en France. (27)

François Martin revient en mai 1686, cinq ans et demi après avoir quitté Pondichéry. Il est maintenant "Directeur de la Côte de Coromandel, Bangale et autres lieux du Sud où la Compagnie porterait son commerce". (27)

François Martin installe près de la loge 50 familles de polisseurs de corail, matière venue d'Afrique. Les gros morceaux servent à faire des bracelets ; les petits, pulvérisés, étaient utilisés dans la médecine indigène. Un firman, ayant coûté 500 chacaras donne aux Français "la liberté de se fermer de murailles à leur choix et de quatre tours aux quatre angles". Les travaux durent 9 mois et sont terminés en octobre 1689.

"Les maisons des noirs, éparses, sans ordre ni alignement, étaient faites de terre détrempée et soutenues en elles-mêmes par des morceaux de branches qui y étaient mêlés." (41) Elles formaient, d'est en ouest "une espèce de rue allant au bazar (lieu où se tient le marché), laquelle est bordée de méchantes boutiques où les nègres vendent du tabac, des pipes, du sucre, des oignons et autres bagatelles." Le mardi, il y venait, dit-on plus de dix mille personnes. (42)

Vers 1690, la population européenne de ce petit comptoir compte deux cents personnes, soldats et officiers compris. Se développe le village de maquois, de tisserands, de peintres sur toile, de polisseurs de corails, réfugiés fuyant les armées mores ou marattes. (45-47)

Les Hollandais voulaient « extirper la racine des Français ». (47) Ils achètent Pondichéry à Ram Rajah avec le droit d'y battre monnaie pour 25000 pagodes.

1693 : prise de Pondichéry par les Hollandais (les soldats refusèrent de tenter une sortie pour tenter de dégager le fort : ce n'étaient, à l'exception de 20 ou 30 "que des misérables qu'on avait pris gueusant aux ports de France et qu'on avait embarqués par force") et restitution aux termes du traité de Ryswick en 1697. (53)


Références

Annoussamy, David, site du CIDIF : "Les origines de Pondichéry", mis en ligne en septembre 2011.
Après de Mannevillette, Jean-Baptiste (d'), 1745, Le Neptune oriental ou Routier général des côtes des Indes orientales et de la Chine, Paris : Jean-François Robustel.
Bellanger de Lespinay, 1895, Mémoires de L. A. Bellanger de Lespinay, Vendomois, sur son voyage aux Indes Orientales (1670-1675), publiés sur le manuscrit original et annotés par Henri Froidevaux. Vendôme : Huet.
Bruijn, J.R. , F.S. Gaastra, I. Schoffer, 1979-1987, Dutch-Asiatic Shipping in the 17th and 18th Centuries, Den Haag : Martinus Nijhoff.
Bellin, Jacques-Nicolas, 1737-1767, Recueil des mémoires qui ont été publiés avec les cartes hydrographiques que l'on a dressées au Dépôt des cartes & plans de la marine, pour le service des vaisseaux du roi par ordre du ministère, depuis l'année 1737 jusqu'en 1751. Paris.
Challe, Robert, [1721] 1983, Journal d'un voyage fait aux Indes orientales, II, Août 1690 - août 1691, Paris : Mercure de France.
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Compagnie et comptoirs, l'Inde des Français, XVIIe-XXe siècle, 1991, Jacques Weber, dir., Paris : Société Française d'Histoire d'Outre-mer.
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Dicquemare, (abbé), 1769, Idée générale de l'Astronomie, Paris : Herissant.
Les Français dans l'Inde : Dupleix et Labourdonnais (voir : Ranga Pillai, Diary...).
Français dans l'Océan indien au XVIIIe siècle, Labourdonnais et Rostaing (Les ), 2004, introduction et notes par Phiippe Haudrère, 2004, Paris : les Indes savantes
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-- Les Français dans l'Inde : Dupleix et Labourdonnais. Extraits du journal d'Anandarangappoullé (1736-1748) par Julien Vinson, Paris : Ernest Leroux (réédité en 2010 par Surya éditions, Saint-Denis de La Réunion).
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