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Vingt ans après
Communication au colloque "Vingt ans d'anthropologie à la Réunion" (11-12 mai 1995, Saint-Denis de la Réunion).
Le texte proposé est un développement de la communication effectivement prononcée.
Plan du chapitre :
1° partie
1° - Le proche et le lointain
2° - Lethnologie réunionnaise manque de bras
3° - Le regard dun non spécialiste
4° - Le sucre
2° partie
5° - La réparation
6° - Léconomie de la départementalisation et léconomie de lidentité
7° - La Réunion pied de riz
8° - La Réunion qui gagne
9° - Une approche réunionnaise de lethnicité
10° - Un cas décole : le développement de luniversité
11° - Lhomme réunionnais
12° - La réparation orthographique
13° - Les prémisses de la départementalisation
14° - Une situation de majorité politique et de dépendance économique
Il me revient donc de faire état dun regard puisque cest lintitulé de lexposé annoncé , et de prononcer des paroles cuméniques pour que ce regard sur le passé soit aussi un regard sur lavenir de lethnologie et de lanthropologie à la Réunion... Cest très agréable de prononcer des paroles cuméniques. Il ne faut pas en abuser, mais cela fait du bien. Je vais commencer en citant notre collègue, ici présente, Sophie Blanchy qui, dans larticle quelle a écrit pour le livre dhommage à notre ami Paul Ottino, livre dont la publication nous donne un motif de nous réunir, cite un proverbe malgache je fais plaisir en même temps à nos amis malgaches ici présents , ce proverbe dit : Le bien quon a fait est un trésor enterré ; le mal quon a fait est un malheur suspendu. Par bonheur, il se trouve que Sophie cite aussi dans le même article un proverbe comorien qui développe une idée proche ce qui me permet de mettre à lhonneur nos amis comoriens ici présents , ce proverbe dit que la fosse de la méchanceté est pour deux, autrement dit que celui qui creuse la fosse pour enterrer son semblable se trouve entraîné dans son propre piège... Bon. Je nai pas encore dit quatre phrases et je vais pourtant déjà tirer trois conclusions : la première, cest que les ethnologues aiment les proverbes, la deuxième, cest que les ethnologues aiment les proverbes des autres et la troisième, cest quil arrive assez souvent que les proverbes des autres disent à peu près la même chose que les siens. Pour faire une seule conclusion de ces trois remarques, je dirais, pour présenter rapidement la maison, que lethnologue est ce singulier je reviendrai sur ce mot qui sintéresse aux autres, que cette recherche de laltérité le ramène parfois à ses propres évidences et quil trouve là matière, retournement de la singularité en universalité (permettez-moi dentretenir quelques illusions) à penser la communauté humaine, malgré la diversité des cultures, et la signification, aujourdhui, de la diversité des cultures.
1° - Le proche et le lointain
Jai dit que lethnologue était un singulier. Jai évidemment utilisé ce mot avec toutes ses connotations. Vous connaissez Hérodote, ce voyageur grec qui a parcouru, à pied, le monde de son temps. Les Grecs le surnommaient malicieusement, dit-on, lamateur de barbares (philobarbaros, Plutarque, Oeuvres morales, 37). Quel intérêt peut-il y avoir, en effet, à quitter la civilisation pour tenter daller comprendre des coutumes étrangères ? Il faut ajouter à cet étonnement cette contrainte anthropologique qui voudrait quon ne puisse entrer dans la logique dune autre culture quen abandonnant la sienne propre. Ce que Cl. Lévi-Strauss formule en ces termes : Pour se donner à toutes les cultures, il faut se refuser au moins à une : la sienne. En disant singulier, jai donc signifié en même temps que lethnologue ne sexceptait pas de sa culture par un acte souverain, mais plus vraisemblablement que sa singularité trouvait - ou cherchait - ailleurs un équilibre qui lui était refusé. Nous faisons par exemple souffrir nos étudiants en leur apprenant à distinguer des systèmes de parenté dont les évidences sont souvent à linverse des leurs. Cest même le B-A BA des études dethnologie. (On reconnaît dailleurs un livre dethnologie à ces schémas cabalistiques, en réalité assez simples pour peu quon veuille bien se plier à quelques règles classificatoires élémentaires et à la compréhension de problèmes bien concrets quelles visent à résoudre, qui visualisent les appellations et les règles). Cest aussi une occasion dapprendre que cette démarche nest pas gratuite. Jai eu un professeur qui disait que les ethnologues étaient des malades de la parenté, pas seulement comme il y a des fêlés du Macintosh comme jen vois un au premier rang (cest une politesse, bien sûr)..., mais aussi parce que leur propre système de parenté, voire leur propre parentèle ne leur a pas offert la bonne place.
Avec ce portrait mitigé de lethnologue ni missionnaire ni apôtre du progrès , je crois définir sa place objective dans la communauté pas seulement dans la communauté scientifique : une sorte de passeur entre les cultures. A laise ni dans sa propre culture ni dans la culture de lautre à laquelle il se convertit pourtant quelquefois, je crois que la fonction de lethnologue aujourdhui est dêtre, malgré lui souvent, sinon toujours ce passeur car ses buts propres peuvent être à lopposé de ce programme du moins ce témoin de la possibilité dun passage entre les cultures. Prenant à rebours toutes les règles de la communication, je dirais que ce défaut dassise, ou dassiette, ou de sécurité, fait de ce voyageur ou de cet inquiet perpétuel un expert en communication (au sens anthropologique et non mercatique ou marchand , du mot, bien entendu).
Si lethnologue est entre deux, il faut rappeler aussi que la discipline elle-même est débitrice des autres disciplines. Lethnologie est une science modeste et exigeante à la fois, car elle nécessite le recours à une multiplicité de savoirs et de techniques. Ceci sexplique très simplement. Dans les sociétés traditionnelles, les distinctions que nous faisons entre les champs du savoir nexistent généralement pas. On réalise rapidement, quand on est sur le terrain et cela se vérifie à la Réunion , que les connaissances botaniques de vos informateurs, par exemple, sont généralement bien supérieures aux vôtres. C'est ainsi que, pour prendre un exemple de ces apprentissages, sur des données africaines et ayant à comprendre un rite de récolte, jai dû me mettre à lagronomie et à la génétique de la domestication des céréales pour en saisir la portée. Mais ce nest pas tout. On réalise aussi, dans la foulée, si je puis dire, que le calendrier religieux et agricole dépend dobservations astronomiques, sans doute élémentaires, mais quil faut bien évidemment faire leffort dapprendre et de comprendre. Les mythes et les cosmologies des sociétés traditionnelles renferment tous ces savoirs en faisant léconomie des partages disciplinaires auxquels nous sommes formés et habitués. Pour paraphraser un mot de Vico, qui faisait, lui, de lethnologie dans la Bible et dans Homère, et qui expliquait que la métaphore était une légende en petit, je dirais que les mythes et les cosmologies sur lesquels nous travaillons sont des encyclopédies portables et que nous devrions être, nous aussi, des encyclopédistes pour les comprendre.
2° - Lethnologie réunionnaise manque de bras
Après avoir rappelé et réaffirmé la position de quémandeur permanent quest lethnologue et vous verrez que ce rappel est très intéressé , je vais dire comment, nétant pas préparé à venir à la Réunion, jai essayé dappréhender les travaux danthropologie sur la zone. Quand donc jai appris que jétais nommé à la Réunion, je me suis rendu à la bibliothèque de la Sorbonne où jai ouvert les fichiers et consulté les ouvrages disponibles. Ma première surprise a été de constater que, comparativement a ce qui a été produit sur les Caraïbes, pour prendre une élément de comparaison significatif, on avait assez vite fait le tour, pour parler familièrement, des travaux traitant de la Réunion. Je suis ici depuis octobre 1991 et je ne peux que confirmer ce constat : à la Réunion, lethnologie manque de bras. Cest si vrai que nous ne répondons pas à certains appels doffre et il nous arrive même de refuser des crédits , tout simplement parce nous ne sommes pas assez nombreux, que nous manquons détudiants et de chercheurs pour mener à bien les études que la richesse la Réunion justifie. Ceci est un appel à collaboration. Je profite de la présence de nos collègues ici pour dire que nous sommes aussi demandeurs daide confraternelle et quon peut trouver à luniversité de la Réunion, Christian Barat va en dire un mot, non seulement lenseignement théorique, non seulement le terrain à portée de main, mais aussi la possibilité dapprendre les langues parlées dans la zone. La conjonction en un même lieu de ces trois éléments nous donne évidemment des atouts que nous devons faire prospérer.
Pour revenir aux lectures que jai pu faire avant darriver à la Réunion, je voudrais rappeler encore quon trouve de lethnologie là où ne sattendrait peut-être pas à en trouver. Le Lexique du parler créole de la Réunion de Robert Chaudenson, par exemple, me paraît être aussi un manuel fondamental dethnographie matérielle. Les travaux de Michel Carayol et de Christian Barat sur la langue, dans cette inspiration, montrent quici, cest la collaboration qui doit être systématique et le cloisonnement lexception. Car il est bien évident que la langue constitue la voie daccès naturelle aux représentations qui intéressent lethnologie. On pourrait faire la même remarque des travaux dhistoire et de géographie. La thèse de géographie humaine de Defos Du Rau serait du nombre. Si lon regarde maintenant les recherches proprement ethnologiques, on note évidemment une ligne de partage entre les travaux de professionnels ou de futurs professionnels et des travaux inspirés par une expérience professionnelle qui trouvent une expression dans un mémoire dethnologie. On pourrait dire quon verra cette différence dans toutes les universités. Je crois toutefois quà la Réunion il existe une configuration particulière qui tient au fait que des gens formés en métropole se trouvent faire de lethnologie malgré eux lorsquils exercent ici. Dans cette remarque rapide il y en a une autre : savoir que relativement peu détudiants et de chercheurs réunionnais sintéressent à lethnologie. Je le déplore et je ne demande quà être démenti. Cest aussi une question que nous pourrons examiner.
Je dois dire aussi, quayant été nommé à la Réunion alors que, philosophe de formation et plutôt généraliste et africaniste dintérêt et continuant à entretenir, dans la mesure du possible, ces antécédents , faisant donc mon apprentissage à la Réunion, il marrive parfois de répondre à des collègues qui me demandent charitablement à quoi je moccupe : - Je travaille pour lexportation ! Je fais cette réponse non pas en référence hélas ! à la loi Perben ni même au caractère extra-réunionnais de mes intérêts scientifiques, mais davantage par allusion à une fable dAlphonse Daudet. Jimagine que vous connaissez lhistoire de Maître Cornille, ce meunier provençal condamné par le développement des minoteries à vapeur installées par des Français de Paris (en français dans le texte) et qui donnait le change en continuant à transporter sur son âne vers de mystérieuses destinations pour lexportation explique-t-il à qui linterroge , des sacs de farine qui se révèlent être des sacs... remplis de gravats et de terre blanche... Cest dire quil y a de la mauvaise conscience pour celui qui nest pas en mesure de sinvestir demblée et totalement. Mais cette relative distance et ce temps dapprentissage il faut plusieurs années de familiarité avant dêtre capable de produire quelque chose qui vaille , peuvent peut-être être mis à profit pour administrer cette distance engagée qui, me semble-t-il, définit la pratique de lanthropologue.
Sans doute existe-t-il une ethnologie ou une anthropologie appliquée, mais je crois que lethnologie doit relever dabord de la recherche fondamentale pour être appliquée. Quelle ne peut avoir une utilité que si elle est dabord fondamentale. Autrement dit que lethnologue répond souvent à côté quand linstitution lui pose une question. Ce qui est, à mon avis, plutôt bon signe. Cela indique quil est sorti des idées reçues dans lesquelles on lui demande, parfois de bonne foi, dentrer. Nous verrons demain un exemple typique de ce malentendu à propos dune culture de leau qui aurait expliqué à bon compte (tout le profit restant aux marchands de tuyaux, aux banques et aux professionnels du mal développement), léchec dune opération dirrigation dans les hauts de Saint-Leu. Il y a donc une sorte de nécessité à ce quà la Réunion, où largent coule à flots et où les institutions sont à la recherche de légitimation, prospèrent ces fameux bureaux détudes (certains habillés en association loi 1901), portant parfois une casquette universitaire, dont le principal objet est de délivrer les bailleurs de fonds institutionnels de crédits dont il ne savent pas trop comment justifier lemploi. Et quon retrouve dans les rapports de ces bureaux détudes les travaux des chercheurs réunionnais et les mémoires de nos étudiants. Le plus souvent sans guillemets. Vous avez remarqué que la formule de lcuménisme peut être aussi : Paix aux hommes de bonne volonté et guerre aux fripons. Je citerai ici un collègue géographe, disant que la première activité des bureaux études à la Réunion était de piller la recherche universitaire, et un intervenant dans un débat télévisé sur les séquelles de lesclavage affirmant quun chercheur venu de Paris le lundi repartait expert des questions réunionnaises le mercredi. Tout cela peut paraître banal. Mais on peut penser, et je le crois, quil y a là un révélateur de la sociologie réunionnaise. Jy reviendrai. Lanthropologie appliquée na évidemment rien en commun avec ces safaris quon vient faire à la Réunion parce quy prospèrent des éléphants institutionnels particulièrement florissants comme le Conseil Général et le Conseil Régional par exemple. Pourquoi le théorème dit de Pythagore est-il compréhensible par tous les hommes, sous toutes les latitudes et quelle que soit leur religion ou la couleur de leur peau ? Précisément parce quil ne répond à aucun intérêt matériel. Et je crois que, toutes choses égales dailleurs, cest ce même idéal, ce que Platon appelait le plus long détour, qui rend possible une anthropologie exercée dans la bonne distance : ni trop près ni trop loin du sujet.
Comme on parle beaucoup didentité à la Réunion, je vais, à titre dillustration préliminaire de cette bonne distance je me risquerai plus loin, nétant spécialiste ni de lidentité ni de la Réunion, à des remarques plus circonstanciées , essayer daccommoder sur cet objet mental flou quest lidentité. Commentant la commémoration du 20 décembre, un historien nous a expliqué à la télévision, sur R.F.O. le 19 décembre 1994, que faire le kabar, cétait comme faire un buf quand des musiciens de jazz se rencontrent et improvisent ensemble. Ce glissement du sens religieux, propre au culte des ancêtres dans une communauté réunionnaise particulière, à lidée de rencontre autour dune musique profane (du service kabaré au kabar ; on trouve bien entendu à la Réunion nombre de cambuses à qui cette affinité sonore a donné de lesprit et une enseigne) montre que le processus de reconnaissance identitaire na que faire de la stricte vérité historique et ethnologique. Une de nos étudiantes réunionnaises est allée faire une maîtrise en Ecosse. Son sujet ? lidentité écossaise bien entendu. Si on vous pose à brûle-pourpoint la question : Quels sont les signes de lidentité écossaise ? Vous répondrez vraisemblablement (laissons le whisky pour les agapes qui clôtureront nos journées) : - Le kilt, les Highlands et la littérature gaëlique. Or notre étudiante revient à la Réunion avec les résultats suivants : le kilt a été inventé par un général anglais ; les habitants des Highlands étaient des Irlandais et les célèbres Poèmes dOssian sont pour lessentiel la création dun faussaire de génie dont on peut voir aujourdhui le portrait sur les billets de banque... Mais quimporte ! Tout cela fait vous connaissez la chanson de Maurice Chevalier , dexcellents Écossais et lidentité écossaise est évidemment bien réelle. Je simplifie bien sûr un problème complexe. Mais je veux montrer par cet exemple, sur lequel je reviendrai, que la contribution de lethnologie à la recherche de lidentité et à ce type de question nest pas forcément ce quon attend delle.
Je crois que la réponse de lethnologie daujourdhui, ici à la Réunion et dune manière générale, est à linverse de la trajectoire du poète : non pas dune île au monde, selon lexpression de Jean Albany, du particulier à luniversel, mais du monde à lîle. Elle requiert une approche double et un va-et-vient continu entre le particulier et luniversel. Le premier mouvement pourrait être illustré par le constat quil y a actuellement environ cinq mille langues aujourdhui parlées dans le monde et sur le pronostic que, dans moins de trente ans, la moitié auront disparu - cet exemple pour montrer quil nest pratiquement plus possible, aujourdhui, bien que la méthode y oblige, de disjoindre les sujets. Le second par cette anecdote que jemprunte à Georges Dumézil. Georges Dumézil était, vous le savez, un érudit considérable qui pratiquait une cinquantaine de langues, dont beaucoup de langues mortes. Il se rendait tous les ans en Turquie pour étudier une langue qui nétait plus parlée que par un seul locuteur. Un jour, le vieil homme avec qui il travaillait le dernier homme en quelque sorte , lui dit : Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu te fatigues à apprendre une langue que ne personne ne parle plus. Tu ferais mieux dapprendre langlais !... Eh bien, je crois que ce qui fait aussi la spécificité de lanthropologie, cest que le dernier homme y tient la même place que tout le reste de lhumanité. Et quau fond, il ny a là quun passage à la limite, une spécialisation dune expérience que nous faisons tous quand nous voyageons. Où que nous allions, nous trouvons des semblables. Une phrase de Lichtenberg me paraît parfaitement définir cet cuménisme auquel jai essayé de souscrire ici : Le visage de lhomme est pour nous la surface la plus passionnante de la terre. Voilà louverture de notre discipline dont le difficile savoir implique goûter, comme en témoigne létymologie, mais aussi interpréter, cest-à-dire contextualiser.
Ces principes généraux me paraissent susceptibles de définir les lignes de force de la recherche en sciences humaines telle quon peut la pratiquer à la Réunion. Expliquer, en sciences humaines, cest mettre à jour, sous les apparences et les discours officiels, les déterminismes. On ne peut faire dethnographie classique, cest lévidence, dans une société créole. On peut même se demander si les seuls outils de lethnologie sont adéquats ou suffisent pour rendre compte de réalités multiculturelles façonnées par une violence historique dont les effets engagent un mode daccès à la modernité qui leur est propre. Au-delà des discours officiels, des descriptions ethnographiques ou sociologiques, des analyses économiques, des données strictement historiques et statistiques lensemble recomposant le champ visible du réel il faut comprendre comment le présent fait corps avec le passé et comment, aujourdhui, peut-être, les acteurs de lhistoire assument des rôles prédéterminés. Mais que faire quand on nest pas spécialiste du terrain en cause ? Apprendre, et le devenir, direz-vous... Plutôt que de prétendre parler du haut dune compétence que je ne possède pas, je vais proposer ici, dans la ligne, je pense, de ce que Paul Ottino a dénommé une anthropologie de la quotidienneté et du monde actuel, des observations de style empirique, voire trivial, qui me paraissent contribuer à la qualification de ce sédiment dhistoire qui fait le présent et qui détermine ce quon pourrait appeler la personnalité culturelle de la Réunion daujourdhui. Les questions que je vais agiter ne sont pas celles dune anthropologie théorique, elles émanent, au contraire, des acteurs de la quotidienneté réunionnaise et je mefforcerai, en les présentant, de ne pas faire usage de lentonnoir de la langue de bois et autres ustensiles propres à endormir les consciences et à éluder les responsabilités.
3° - Le regard dun non spécialiste
Jenchaînerai donc puisque je suis dailleurs invité à faire un bilan , sur ma propre découverte de lîle où je suis arrivé en octobre 1991. Ce nest pas tout à fait le bilan attendu, mais quimporte : jai rappelé tout à lheure que lanthropologue avait quelque chance dêtre pertinent quand il répondait à côté de la question... Le premier choc, dirais-je, quand on descend de lavion et quon a un peu voyagé, passé léblouissement de la diversité humaine, cest labsence de choc : quà 10 000 kilomètres de la métropole, linfrastructure routière soit semblable, les voitures de la poste jaunes, les poubelles de même facture, lenseigne des supermarchés, la disposition des rayons, les denrées et les articles à lidentique : la Réunion est un département français. Le second choc cest, bien entendu, lorsquon sécarte de la frange de prospérité littorale, celui des signes évidents de sous-développement : la Réunion, profondément marquée dans sa constitution et dans son peuplement par la colonisation, est une isle à sucre et son entrée dans le monde moderne est commandée par cette histoire. Colonie de peuplement dès lorigine et département depuis un demi-siècle. Votée en 1946, alors que la guerre a laissé lîle dans un état de délabrement matériel, sanitaire et moral qui rend la réalité daujourdhui proprement incroyable à ceux qui ont connu cette période, la départementalisation ne sera véritablement mise en uvre, on le sait, que sous et par Michel Debré. Et ce, dans un contexte de guerre froide justifiant, mélange de calcul politique et de tradition jacobine (le mot dordre dautonomie du P.C.R. faisant alors de ce parti lacteur involontaire de cette départementalisation refusée), un investissement national considérable. Cette intégration dans la communauté nationale peut se résumer je vais, faute de temps, forcer le trait , dans le passage presque sans transition dune économie servile à une économie sociale, ou dune économie de plantation à une économie keynésienne. Cette coexistence de sous-développement et de prospérité, justement, la presse métropolitaine, relatant les événements du Chaudron de 1991, la caractérisait en rapportant (linformation est dailleurs inexacte) que la Réunion était le département français où lon comptait en même temps le plus fort taux de bénéficiaires du RMI et le plus fort taux de foyers fiscaux imposés sur la grande fortune. Mais ce qui frappe en réalité à la Réunion, ce nest pas tant la différence entre riches et pauvres, cest le fossé entre le passé encore visible et vivant et le présent nouvellement acclimaté, entre une techno-structure administrative, juridique et économique importée et la réalité socio-culturelle : la langue de ladministration, quoique généralement comprise, nest pas la langue vernaculaire, les acteurs de la techno-structure sont exceptionnellement réunionnais alors, pourtant, que les Réunionnais occupent les métiers politiques et la consommation excède plus de dix fois la production de richesses. Troisième choc, en effet, sinon le premier, qui exprime ce fossé, cest, si lon me permet cette formule paradoxale que jextrapole dune remarque dAimé Césaire, la richesse des pauvres : qui se marque spectaculairement, je ne retiens bien entendu que le plus voyant, dans limportance et le luxe du parc automobile.
Si tout cela fait système et si ce système tourne, cest quune logique et un équilibre sy expriment et quil engendre du profit. La quotidienneté urbaine ne donne nullement limpression dune société en crise, malgré les éruptions du Chaudron. Cest plutôt la prospérité des supermarchés qui étonne : en dix ans, La Réunion a fait le chemin parcouru en trente années par la métropole. La richesse des pauvres fait évidement le bonheur des sociétés de crédit, dailleurs contrôlées par les principaux concessionnaires. La Réunion constitue un marché non négligeable (déstockage et marché du travail compris) pour les produits et les hommes qui arrivent du froid et les flux financiers font retour en métropole, pour lessentiel, après avoir enrichi les commissionnaires locaux. Le cliché déconomie assistée par lequel on stigmatise la Réunion, mériterait à cet égard dêtre corrigé par une donnée complémentaire, sinon symétrique : celui de la Réunion, marché de la métropole... En fait, ces trois observations, dans leur banalité, une île à sucre, un département, un supermarché , décrivent lémergence et le jeu des strates socio-historiques qui structurent la société réunionnaise daujourdhui. Cest cet instantané que je vais tenter de développer.
Si, ouvrant quelque livre dhistoire, on compare la Réunion dhier à celle daujourdhui, on ne peut manquer dêtre frappé par un autre contraste. Avec toutes ses injustices, ses injustices dun autre temps, la société de plantation, pour user dune appellation proposée dans les années soixante par Beckford, allait quelque part. Un voyageur qui visite la Réunion en 1860 y décrit les habitants exclusivement occupés de senrichir le plus tôt possible. Le sucre est leur veau dor, écrit-il, et tout ce qui ne sy rapporte pas na (aucun) prix pour eux. La Réunion est alors une des gloires de la France du Second Empire.
Carte de Vuillemin, 1870
www.rare-maps.com
A la pointe de linnovation et du progrès technique pour tout ce qui regarde le sucre, elle remporte titre de fierté souvent cité , plus de cinquante médailles à lExposition Universelle de 1856. Comment expliquer que cette île phare soit aujourdhui le département français qui compte le plus de bénéficiaires du Revenu Minimum dInsertion ? Un descendant de ces familles dentrepreneurs qui ont fait la Réunion et qui dit être réunionnais depuis 320 ans affirme que, dès le début du XXe siècle, ces pionniers avaient quitté lîle, l'ère du sucre achevée, pour dautres aventures, en métropole, en Indochine, en Nouvelle-Calédonie ou à Madagascar... Il reste en effet de cette splendeur passée lHôtel de ville de Saint-Denis,
L'hôtel de ville dans l' Album d'Antoine Roussin
Lhôtel de ville restauré
quelques grandes cases créoles et quelques vieilles filles emblématiques qui attendent de la Commission du Patrimoine un classement qui leur permettrait de sauver les meubles.
Cest donc une autre histoire qui paraît commencer avec la départementalisation. Sur les vestiges de la société de plantation abandonnée par ses promoteurs, une économie sociale fondée sur les notions de rattrapage et de réparation va se mettre en place. Elle vise à donner aux acteurs passifs de léconomie de plantation en crise et de léconomie paysanne de survie qui lenvironne les moyens du développement. Cette rupture morale et juridique se fonde sur lidée quune continuité économique est possible et que lindividualisme paysan peut constituer le ferment dune nouvelle prospérité. En réalité, la départementalisation va progressivement sortir le sucre (qui restera la principale production de lîle) de léconomie de marché, à la faveur dun processus dont on peut résumer le scénario et linspiration comme suit. Profitant du mouvement de replantation daprès-guerre et dune (relative) période de croissance qui sachèvera en 1954, un certain nombre de propriétaires, hostiles à la départementalisation, vont vendre leurs plantations à lÉtat par lintermédiaire des sociétés daménagement. Alors quune logique implacable de concentration des terres a marqué lhistoire de la canne tout au long du XIXe siècle, le morcellement des grandes propriétés et la redistribution, avec le relais du Crédit Agricole, en lots nécessairement découpés au-dessous du seuil de rentabilité (et ce malgré des gains de productivité obtenus grâce au soutien agronomique et technologique des organismes officiels), sont donnés comme alternative aux lois du marché. Lapplication du SMIC va, de surcroît, multiplier le nombre de colons. Durant les dix années daprès-guerre, lEtat injectera dix milliards de francs dans la filière. Alors que les contraintes du marché obligent à produire plus pour abaisser les coûts, objectif qui se réalise généralement par lextension des surfaces, la canne est aujourdhui achetée au planteur à un prix inversement proportionnel à la surface quil cultive. Le traitement social de lagriculture nest évidemment pas une spécificité réunionnaise, ses concepteurs ayant appliqué des recettes ayant déjà servi à administrer la fin des paysans en métropole. A ceci près quil sagissait ici... de créer une nouvelle paysannerie.
Si la société de plantation était une machine à broyer qui produisait de la richesse je pense évidemment avec cette image à la Critique de la Faculté de juger , la départementalisation se révèle être une machine à produire de légalité dont on peut se demander pourquoi elle na pu engendrer que cette économie dimport-distribution si caractéristique de la quotidienneté daujourdhui. Un élément de réponse tient dans le fait que largent du sucre, alors que soffrait à lui le marché sans risque de la distribution induit par léquipement de lîle, le traitement des fonctionnaires et laide sociale, navait pas de raison de sinvestir dans la production de biens et dans la création demplois (comme cela a pu se passer à Maurice). En trente ans, le chiffre des importations a été multiplié par cent. Par une inversion du mouvement de peuplement des Hauts (peuplement provoqué par la concentration des exploitations sucrières, la paupérisation des Blancs et lémancipation des esclaves), lexode rural a fait refluer les habitants vers les agglomérations côtières de la ceinture sucrière. Il est question dy construire 12 000 logements par an et on ne peut manquer dêtre frappé, quand on fait le tour de lîle, par la multiplication, pratiquement ininterrompue, des lotissements sur les versants côtiers. Cet exode, reflux du mouvement de civilisation des Hauts qui retournent en friche, ne correspond nullement à ce qui a pu se passer dans les campagnes européennes où la fin des paysans a nourri le développement industriel (il y a 8 000 emplois industriels à la Réunion pour 650 000 habitants). Les maires, autrefois sucriers ou représentants de léconomie du sucre, sont devenus les intermédiaires de léconomie sociale. Principaux entrepreneurs de lîle par le biais des emplois communaux et des C.E.S., ils reconduisent à leur profit, grâce à laide publique, un clientélisme dont les caisses étaient autrefois alimentées par la rente du sucre. Cest la fin dun monde dur où il ny avait rien pour celui qui ne travaillait pas, selon une expression souvent employée par ceux qui ont connu cette période, la mise en place du R.M.I. après laccession de la gauche au pouvoir ayant dailleurs révélé une misère persistante. La population double en lespace dune génération. Près dun actif sur deux est aujourdhui sans emploi...
4° - Le sucre
Quand on cherche à décrire le réel selon lordre des raisons, toutes les causes ne sont pas équivalentes. Cest le premier moteur qui doit être identifié. Et cest évidemment du sucre et de lesclavage quil faut partir pour comprendre la situation daujourdhui. Pour prendre encore une fois encore un chemin de traverse, je rappellerai trois données dont la rencontre a changé la face du monde et qui ont contribué à faire de la Réunion ce quelle est aujourdhui.
- La première, cest que le jus de la canne ne se conserve pas et que, à la différence dautres denrées tropicales, il doit être transformé sur place : la plantation doit aussi être une usine.
- La deuxième, cest que le sucre, qui était une épice et un médicament (comme latteste son nom latin), a pu devenir un produit de consommation courante : premier article de luxe bon marché (si je puis dire), le sucre a suscité une aventure agro-industrielle et commerciale sans précédent.
- La troisième, cest que la réunion de ces deux facteurs a provoqué la migration, forcée ou volontaire, denviron cent millions de personnes dans le monde : léblouissement de la diversité humaine quon éprouve en arrivant à la Réunion tient là son origine.
Cest le sucre, avec son économie particulière, qui a façonné la société réunionnaise. On a pu dire que la culture de la canne à sucre avait opéré la synthèse du champ et de lusine, appelant un contrôle de la terre et des moulins, de la main-duvre et du capital et quelle avait anticipé la révolution industrielle. La production du sucre requiert en effet une planification rigoureuse de la terre et des hommes. La canne doit être coupée dès quelle est arrivée à maturité et broyée aussitôt coupée. Culture et coupe, broyage, ébullition et cristallisation, travail de la terre et travail de lusine doivent être étroitement synchronisés.
Il y a des pays, disait Montesquieu, où lon peut presque tout faire avec des hommes libres. Cela nest évidemment pas le cas des pays et des isles à sucre, aux populations décimées, hostiles, indifférentes au salaire, ou encore inhabitées, comme la Réunion. Une tragique relation de nécessité paraît associer lesclavage et l'économie du sucre. Au milieu du IXe siècle une révolte desclaves de la canne eut lieu au Moyen-Orient dans le delta du Tigre et de lEuphrate. Cest limplantation de la culture de la canne à Saint-Domingue, les Indiens Taino exterminés, qui est à lorigine des premiers convois de traite, dès le début du XVIe siècle. La production du sucre requiert une concentration de main-duvre qui, dans les conditions géographiques et historiques données na pu être mise en uvre que par la coercition, avec les formes dasservissement plus ou moins extrêmes que lon sait. Concentration de moyens humains et matériels et synthèse technologique, cétait déjà les caractères déployés par les Arabes lorsquils portèrent la canne jusquà Valence et Agadir, aux limites septentrionales et méridionales de la Méditerranée, exportant des techniques de culture et dirrigation empruntées au Moyen-Orient. Il apparaît aussi une relation nécessaire entre lexpansion politique, avec ce quelle suppose de mobilisation humaine, technique et idéologique et lexploitation de terres ouvertes par la conquête. Les cultures commerciales, dont la canne est le prototype, telles que les pays dOccident les ont pratiquées constituant une manière dachèvement de cette entreprise. On change alors, en effet, déchelle géographique et économique. La crise économique que connaît lEurope au XVIe siècle se résout dans un basculement des échanges de la Méditerranée et de la Baltique vers les pays ouverts par la circumnavigation et principalement vers lAmérique sous la forme du commerce circuiteux ou du commerce en droiture. Conquête, production, commerce sont les trois agents de la révolution mercantile qui se nourrit de son propre développement. Notre commerce avec nos Plantations ou Colonies des Indes Occidentales, pouvait écrire J. Pollexfen en 1697, nous débarrasse dune grande quantité de nos Produits et Marchandises Manufacturés, Comestibles et Articles Artisanaux, et nous fournit en Marchandises requérant une Manufacture plus poussée et autres (produits) en abondance que nous pouvons Exporter aux Nations Étrangères. Des terres conquises, exploitées par des plantations fournies de main-duvre et doutils, donc une marine de guerre et une marine de commerce, des entrepreneurs et des esclaves. Un marché de consommateurs européens en expansion propre à absorber les productions tropicales et à les transformer, donc des hommes libres. Le capitalisme originel conjugue lesprit dentreprise et la coercition.
A la Réunion, où limplantation de la canne, consécutive à la perte de Saint-Domingue, est tardive, lextension se fait aux dépens des cultures vivrières et à la faveur dun défrichement vers les Hauts. La surface des terres cultivées double au cours du XIXe siècle. Les planteurs sont des entrepreneurs et la main-duvre, fixée autour de lusine, est maintenue dans un état de dépendance qui nest pas moindre en liberté quen servitude. Durant mon séjour à Barrio Jauca, écrit Sidney Mintz parlant de Porto-Rico, mais en des termes qui auraient pu décrire la ceinture sucrière de la Réunion, je me sentais comme dans une île, flottant sur une mer de canne à sucre... Tout évoquait une époque ancienne. Seul manquait le claquement du fouet.(...) Ces gens nétaient pas des fermiers pour qui la production de biens agricoles était une entreprise commerciale ; ce nétaient pas non plus des paysans, travaillant une terre qui leur appartenait ou quils pouvaient considérer comme étant la leur, et donc faisant partie dun mode de vie caractéristique. Cétaient des ouvriers agricoles qui ne possédaient ni terre ni moyens de production et qui devaient vendre leur travail pour survivre. Cétaient des salariés qui vivaient comme des ouvriers dusine, qui travaillaient dans des usines installées à la campagne et qui achetaient dans les magasins la plus grande partie de ce dont ils avaient besoin. La plupart de ces produits venaient dailleurs : tissus et vêtements, chaussures, blocs de papier à lettre, riz, huile dolive, matériaux de construction, médicaments. A quelques exceptions près, ils consommaient ce que quelquun dautre avait produit.
La fin de la plantation, frappée dobsolescence morale et sociale, doit donc être comprise avec toutes les conséquences que comporte la liquidation dune industrie quand les hommes qui ont été déportés et rapprochés à cet effet sont eux-mêmes abandonnés sur le site, comme les rouages désunis dun calcul dans lequel ils nétaient que des acteurs passifs. Ce drame humain nest pourtant pas comparable au sinistre industriel de la mine ou de lusine. Livrant à eux-mêmes des hommes déshumanisés par lesclavage, entretenus dans une situation de minorité fonctionnelle après avoir été arrachés à leur milieu, cet abandon redouble en linversant le préjudice de la servitude. Jillustrerai les effets rémanents de cette déculturation par un courrier des lecteurs paru après une émission de R.F.O. sur lesclavage. (Je mexcuse de faire référence, devant un public aussi savant, à quelque chose daussi ordinaire quun point de vue de lecteur : je prends cette précaution, car je vais récidiver). Ce point de vue proposait dexpliquer les stigmates de lesclavage par un reportage dune chaîne américaine sur les gangs denfants noirs à Chicago. On y voit une grand-mère dont le petit-fils, âgé de quinze ans, sort de prison : il a tué deux membres dun gang rival. Non ! Elle ne croit pas du tout que son garçon soit un criminel. Cest un bon petit ! Et puis elle change tout à coup de discours et se met à expliquer avec une véhémence contenue : Il y a des usines pour recycler le plastique ; il y a des usines pour recycler le verre ; il y a des usines pour recycler le papier ; il y a des usines pour recycler le métal. Mais vous êtes Noir, homme, femme, enfant, vous navez pas de travail et pas dargent, vous êtes fini !... Le Noir est jetable ; il est perdu !
Le crime de lesclavage, cest aussi davoir brisé le ressort qui permet aux hommes, sous toutes les latitudes, de sadapter au monde et de prendre en main leur destin. Après labolition de 1848, la moitié des esclaves libérés se dérobèrent au contrat dengagement quils étaient incités à signer. Acteur de cette époque, de Châteauvieux écrit : Ils désertèrent les grands ateliers et se répandirent sur les grandes propriétés où un sol médiocre avait été laissé sans culture. Ils prenaient des fermages à moitié de revenus... Mais ce quils ambitionnaient avant tout cétait davoir un lieu pour y établir une demeure, y élever des animaux domestiques et y vivre en famille, sans se préoccuper de lavenir ni souvent même dassurer leur subsistance par des cultures bien entretenues. Indice de cette déshérence sociale qui fait continuité avec aujourdhui : en 1847, la consommation dalcool était de 5 litres par habitant, elle sera de 10 litres en 1862. Le nombre de débits de boisson est multiplié par quinze entre 1850 et 1862. Aujourdhui, selon lassociation Vie libre, le département compte 100 000 malades alcooliques, 70 % des RMistes étant atteints, lalcool étant directement ou indirectement responsable dune hospitalisation sur quatre et de 60 % des hospitalisations psychiatriques.
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