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Copyleft : Bernard CHAMPION
1 Éléments d'Anthropologie du Droit
Avant-propos : Philippe LABURTHE-TOLRA Doyen honoraire à la Sorbonne
Préface :
Norbert ROULAND Membre de l'Institut Universitaire de France

présentation avant-propos préface introduction plan
index analytique références table illustrations
1- Le souverain juge
2- “Pourquoi le sang de la circoncision...”
3- Dessin du dessein
4- “Authentique ! sans papier !”
5- L“Âme du Mil”
6- “Il faut se battre pour la constitution...”
7- Rire et démocratie
8- Sur l’innovation
9- La “culture des analgésiques” et l’individualisme
10- Du “mariage arrangé” à l’“amour-passion”
11- Du mythe au roman, de la Patrie à la Filisterie
12- La chimie du rire
13- Quelques données sur la prohibition de l’inceste
14- Morale et handicap
15- Le juge, de quel droit ?
16- Droit au sol et mythes d'autochtonie
17- Habiter, cohabiter : sur l’exemplarité
18- Le territoire de la langue : les deux natures
19- Enquête sur la forme humaine : 1
20- Enquête sur la forme humaine : 2
21- Enquête sur la forme humaine : 3


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SOMMAIRE

anthropologieenligne.com : unité de l’homme et diversité des cultures


La naissance et le handicap

L'investigation anté-natale et le statut de la personne

Communication aux 4ièmes Journées d'Éthique, le 5 mai 2008,
organisées par le Comité Régional d'Éthique de la Réunion


Voir aussi :
Chapitre 14 : Morale et handicap : la reconnaissance de la forme humaine
(Communication présentée au colloque “Handicap, cognition et prise en charge individuelle...”
La Baume-les-Aix, 21, 22, 23 novembre 2001.)
Chapitre 14(1) :
Penser la régularité. La forme et le temps dans la société traditionnelle
(fiche pédagogique)

IV - 14.3

Résumé :
La communication présente quelques éléments de comparaison sur la manière dont l'enfant handicapé peut être reçu dans les sociétés traditionnelles et dans les sociétés modernes, où la biomédecine permet de mettre en œuvre ce que le philosophe Jürgen Habermas appelle un "eugénisme libéral".
A l'inverse de ce que l'on peut observer dans les sociétés traditionnelles où l'irrégularité et l'exception ont des conséquences “cosmologiques ”, la conscience d'aujourd'hui impose un accueil non discriminatoire de l'enfant et de la personne handicapés. Mais la modernité se caractérise aussi par un outillage technique qui met en évidence une contradiction dans cette résolution. On pourrait la formuler comme suit : "Je dois accueillir l'enfant handicapé, mais je suis incité à ne pas le mettre au monde."
Plusieurs décisions de justice seront examinées (TGI de Reims du 19 juillet 2005 ; Cassation du 17 novembre 2000 ; Cassation du 6 février 2008) qui expriment cette contradiction sociétale entre l'idéal d'un accueil non discriminatoire de l'enfant handicapé et la réalité d'une sélection qui fait porter à la biomédecine la prévention - et la responsabilité - du handicap.

*

Je souhaiterais présenter à la discussion quelques éléments de comparaison sur la manière dont l'enfant handicapé peut être reçu dans les sociétés traditionnelles et dans les sociétés modernes, où la biomédecine donne moyen de mettre en œuvre ce que le philosophe Jürgen Habermas, dans un ouvrage paru en 2002, appelle un "eugénisme libéral".

Selon les valeurs qui sont les nôtres, cette comparaison est évidemment en défaveur des sociétés traditionnelles qui stigmatisent voire suppriment l'enfant différent. Pour tempérer ce jugement, il faut bien sûr entrer dans la logique de ces sociétés, mais il faut aussi corriger l'évaluation avantageuse que nous faisons de nous-mêmes. Je citerai à ce propos l'observation – qui laisse pour le moins perplexe – d'un “patron” d’un hôpital parisien, l'auteur du Mandarin aux pieds nus (Alexandre Minkowski, Plon, 1975) annonçant avoir accouché dix-huit mille femmes dans son service, qui déclarait lors d’une émission de télévision (le 22 novembre 1982) : “Je puis le dire avec l’expérience de ma déjà longue carrière […] des gens normaux, ordonnés, tuent leur enfant lorsqu’ils s’aperçoivent qu’il est anormal”. Ceci nous rappelle que ce qui est en cause dans le débat sur la naissance et sur le handicap, c'est (aussi) le fait, au-delà de tout argument rationnel, que la naissance de son propre enfant est un moment névralgique de la reconnaissance de soi.

Les sociétés traditionnelles sont fondées sur la régularité et notamment sur la régularité du cycle agricole sur lequel repose la survie matérielle de la société (voir :
Penser la régularité : La forme et le temps dans la société traditionnelle (fiche pédagogique); chapitre 2 : Pourquoi le sang de la circoncision... et : chapitre 14 : Morale et handicap, pour d'autres exemples.) L'irrégularité est perçue comme une menace contagieuse en pouvoir de se propager dans l'ensemble des ordres de la société. Dans la Grèce archaïque et à Rome, les enfants anormaux étaient exposés. A Sparte, écrit Plutarque, "ce n'était pas au géniteur qu'il revenait de décider s'il fallait ou non élever un nouveau-né. Il l'apportait à la Lesche [...] Si l'enfant était dégénéré et difforme (agennes, amorphos), les Phylètes le reléguaient dans un lieu dit "les Apothètes" (apothesis signifie "exposition"), voisin du Taygète, plein de trous profonds" (Lyc.,16). Pour prendre un exemple plus proche, les enfants orignaires de Madagascar adpotés à la Réunion viennent souvent de la région de Mananjary, sur la côte Est, où il existe un Centre d’Accueil et de Transit des Jumeaux Abandonnés (CATJA). On exposait autrefois l’un des deux jumeaux à la sortie du parc à zébus, les jumeaux étant supposés apporter le malheur sur la famille. Le fait que ce soit une institution religieuse qui prenne en charge l'enfant maudit montre un déplacement de la valeur de l'apparence physique à la personne, déplacement qui définit la modernité.

A l'inverse de ce que l'on peut observer dans les sociétés traditionnelles, la conscience d'aujourd'hui impose un accueil non discriminatoire de l'enfant et de la personne handicapés.

La modernité oppose en effet à cette interprétation des apparences, associée à une représentation cosmologique de la forme humaine, une morale fondée sur la reconnaissance de la personne. La "révolution morale" a déplacé la moralité de la signification de la forme physique (la formule grecque kalos kagathos, qui associe le beau et le vrai, signifiant que la régularité est la vertu) à l’appartenance à la communauté humaine du seul fait de la naissance. Cette séparation radicale de l’homme et de la nature, le missionnaire la signifie dans la société traditionnelle en prenant l’infirme sous sa protection. L’élection de l’infirmité manifestant ici – idéalement –  l’égalité et l’indifférence de toutes les formes.

Mais la modernité se caractérise aussi par un outillage technique qui met en évidence une contradiction dans cette résolution (un accueil non discriminatoire de l'enfant et de la personne handicapés) :

Cette contradiction apparaît dans ce que l'on appelé "l'affaire Perruche", ou comment un arrêt de la Cour de Cassation, l'"arrêt Perruche" (17 novembre 2000), a donné lieu, un peu plus d'un an après, à l'instigation, notamment, des associations de parents d'enfants handicapés à une loi dite "loi anti-Perruche" (4 mars 2002).

On pourrait la formuler comme suit : "Je dois accueillir l'enfant handicapé, mais je suis incité à ne pas le mettre au monde."

C'est ce que révèlent ces décisions de justice que je vais rapidement présenter maintenant.

La naissance de l'enfant handicapé et le préjudice "par ricochet".

Avant de dire un mot de la notion de "valeur de la vie" et de l'"affaire Perruche", j'évoquerai un jugement de la Cour d'Appel de Reims de juillet 2005 qui ouvre à deux enfants mineurs le droit à être indemnisés pour la naissance de leur sœur trisomique. Ce n'est pas le statut de la personne handicapée qui est cause ici, mais le dommage qu'elle est supposée causer à sa fratrie... c'est la naissance de l'enfant handicapé sous l'espèce du "préjudice pour autrui".

Le 19 juillet 2005, le Tribunal de Grande Instance de Reims (TGI Reims, 19 juillet 2005, jugement n°292) a accordé une indemnisation aux deux frères aînés d’une petite fille trisomique, considérant qu’ils avaient subi un préjudice "par ricochet" du fait de sa naissance. Le juge a condamné le médecin à verser 6400 euros à chacun des deux frères en raison de leur préjudice propre, estimant que la naissance de leur petite sœur "avait bouleversé les conditions de vie des deux garçons" qui "ont reçu de leur mère moins d’affection, moins de temps et moins de moyens d’éducation". De surcroît, le juge a estimé qu'ils étaient "victimes de la séparation de leurs deux parents, intervenue à peine deux ans après la naissance de Catalina, ce court délai permettant d’imputer au moins en partie à ce dernier événement l’éclatement de la famille…"

L'arrêt Perruche est donc cet arrêt rendu par la Cour de Cassation en séance plénière, le 17 novembre 2000. Il énonce :

"Dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l’exécution des contrats formés avec Mme Perruche avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues."

Cet arrêt a été rendu au terme d'un procès intenté pour la naissance d'un enfant né handicapé à la suite d'une rubéole non détectée alors que la mère avait informé de sa volonté d’interrompre sa grossesse au cas où le diagnostic de la rubéole serait confirmé.

En admettant l’indemnisation du préjudice de l’enfant, de surcroît au préjudice des parents, la Cour de Cassation paraît légitimer l'idée selon laquelle la vie d'une personne handicapée serait de moindre de valeur.

En voulant protéger matériellement l'enfant handicapé, indépendamment de la réparation accordée à ses parents (en raison de la faute médicale), afin de pourvoir à son entretien, le juge a délivré un message que les associations de parents d'enfants handicapés ont compris ainsi : la vie de la personne handicapée est un dommage qui doit être réparé.

Cette volonté de protéger l'enfant (stricto sensu, c'est la rubéole qui est la cause du handicap et non l'erreur médicale), trahit en réalité un lapsus sociétal. L'arrêt impute au corps médical le préjudice du handicap qu'il n'a pas su prévenir. [Avec la responsabilité morale, il y a, bien sûr, la responsabilité matérielle et les compagnies d'assurance ont été les premières à réagir.] Alors que la loi (notamment dans l'article 16 du Code civil) reconnaît la dignité de la personne sans discrimination, on peut se demander si le juge n'a pas fait droit à l'"air du temps", à un idéal de société où il n'y a pas de place pour la personne handicapée – ou une place dimninuée et où la médecine est supposée protéger de toute malformation.

Réunies en un "Collectif contre l'handiphobie" les associations de parents d'enfants handicapés vont réagir en alertant les pouvoirs publics et la classe politique et, spectaculairement, en assignant en justice le sénateur Henri Caillavet, membre du Conseil Consultatif National d'Éthique, pour avoir affirmé, dans une contribution (non retenue) à un avis du Comité : "permettre à un enfant handicapé de venir au monde est une faute parentale et peut-être même le témoignage d'un égoïsme démesuré" (avis n°68 du CCNE, 15 juin 2001 http://www.ccne-ethique.fr/docs/fr/avis068.pdf in fine : "Contribution à l’avis sur "handicaps congénitaux et préjudice", Henri Caillavet). Le Collectif faisant savoir (je cite) : "Au cours du procès, le vendredi 15 novembre, les personnes handicapées et leurs familles s'inviteront au Palais de Justice de Paris pour demander réparation : "NON aux nouveaux racistes".

Le 12 février 2002 l'Assemblée nationale votait la loi dite "anti-Perruche"...

...et le porte-parole du Collectif contre l'handiphobie commentait : "L'Assemblée nationale vient de mettre fin définitivement à la dérive de la jurisprudence Perruche". "L'Assemblée a rappelé le droit et réaffirmé que toute vie mérite d'être vécue. Les familles et les personnes handicapées se réjouissent [...] L'amendement de ce soir – "Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance" – est une formulation que nous avions proposée il y a un an et demi [...] Le Collectif contre l'handiphobie demeure vigilant contre toute discrimination reposant sur les déficiences mentales et handicaps. Il reste maintenant un travail de fond à effectuer dans notre société pour l'accueil et l'insertion des personnes handicapées."

Quand on compare les valeurs de protection mises en avant par les sociétés traditionnelles pour stigmatiser voire éliminer les êtres qui ne répondent pas à la norme, la principale différence, alors que l'égalité juridique et morale est reconnue à la personne handicapée, est que les sociétés modernes ont les moyens d'opérer une sélection anté-natale. A quoi sert l'échomorphologie du premier trimestre si ce n'est pour donner la possibilité de mettre un terme à la grossesse ? C'est au nom d'un eugénisme fondé sur l'image de soi que les parents mettent la pression sur les équipes médicales ; ce peut être, aussi, au nom du coût social....

Que vaut, alors, cette égalité juridique ?

Qu'il y a conflit entre la présence impérieuse de l'enfant qui est là et sa présence théorique quand il est virtuel, c'est bien ce que révèle, au fond, ce débat. A ceci près qu'aujourd'hui, grâce aux moyens de l'investigation anté-natale – et notamment grâce à l'échographie – le virtuel devient réel.

Pour illustrer ce conflit qui donne lieu à des décisions juridiques contradictoires – cet embarras du droit – je citerai un arrêt récent de la Cour de Cassation, daté du 6 février de cette année, qui énonce qu'un foetus né sans vie pouvait être déclaré à l'état civil quels que soient son poids et la durée de la grossesse reconnaissant, de fait, l'existence juridique de l'embryon dès la conception. Il s'agit de reconnaître et de faire droit à la relation affective qu'un couple peut avoir avec un enfant mort-né, fut-il au stade d'embryon : les outils de l'investigation anténatale sont en mesure de modifier émotionnellement et juridiquement la perception et la définition juridique de l'enfant in utero au point de subvertir les distinctions reconnues selon lesquelles, au plan médical, le stade de l'embryon se termine à la douzième semaine de grossesse (après la formation des organes) et au plan juridique, la circulaire du 30 novembre 2001 permet la déclaration à l'état civil d'un enfant mort-né à partir de quatre mois et demi de grossesse, ou lorsque son poids est supérieur à 500 g (ce qui correspond au seuil de viabilité défini par l'OMS).


Les fœtus nés sans vie pourront être inscrits à l'état civil
LEMONDE.FR avec AFP | 22.08.08 | 09h57 

Deux décrets du ministère de la justice parus vendredi 22 août au Journal officiel autorisent l'inscription d'un fœtus né sans vie sur les registres de l'état civil. Souhaités depuis plusieurs années par de nombreuses associations, ces décrets viennent combler le vide juridique qui existait en France pour les fœtus de 16 à 22 semaines morts in utero ou après une interruption médicale de grossesse. Ils font suite  à la décision de la Cour de cassation, qui, en février, avait jugé, dans trois arrêts, qu'un fœtus né sans vie pouvait être déclaré à l'état civil, quel que soit son niveau de développement.
Un premier décret dispose qu'"un livret de famille est remis, à leur demande, aux parents qui en sont dépourvus par l'officier de l'état civil qui a établi l'acte d'enfant sans vie". Ce livret de famille comporte un extrait d'acte de naissance du ou des parents ainsi que "l'indication d'enfant sans vie", la date et le lieu de l'accouchement. Le second décret prévoit que "l'acte d'enfant sans vie est dressé par l'officier de l'état civil sur production d'un certificat médical dans des conditions définies" par un arrêté du ministre de la santé, mentionnant l'heure, le jour et le lieu de l'accouchement. Cet arrêté présente un modèle de ce certificat d'accouchement signé par le praticien concerné.
Jusqu'à présent, dans la plupart des hôpitaux, les fœtus de moins de 22 semaines étaient incinérés avec les déchets du bloc opératoire. Désormais, reconnus à l'état civil, ils pourront avoir droit à des obsèques.


La nature profonde de ce débat tient évidemment dans la question de savoir quels sont les constituants de la personne.

Jürgen Habermas : L'avenir de la nature humaine.Vers un eugénisme libéral ? (trad. fr. 2002)

Anticipant sur les capacités de la biomédecine de pratiquer un eugénisme qui permettrait de programmer un enfant "à la carte" en modifiant son génome, Habermas marque la nécessité pour les sociétés modernes, le "matelas de tradition ayant été [...] épuisé", de penser les fondements du droit de la personne. Ce à quoi, précisément, les progrès de la biomédecine obligent quand la technique est en mesure de déplacer la frontière entre ce qui donné et ce qui pourrait être construit, c'est-à-dire la transformation de la "nature humaine". "La manipulation génétique, écrit Habermas, pourrait transformer la compréhension que nous avons de nous-mêmes en tant qu'êtres d'essence générique." (45)

Cette fiction heuristique permet de répondre à des spéculations bien réelles – qu'on retrouve de manière récurrente dans les débats bioéthiques dans les pays anglo-saxons – selon lesquelles il n'y aurait pas de différence entre l'éducation (le dressage éducatif) et l'eugénisme (libéral) et qu'on peut illustrer par cette citation : "Si on laisse à l'appréciation des parents la manière d'élever leurs enfants, de les inscrire dans des colonies où ils sont sous la tutelle de moniteurs spécialisés, de les faire participer à des programmes de formation, voire de leur administrer des hormones de croissance pour qu'ils gagnent quelques centimètres en taille, en quoi une intervention génétique destinée à valoriser certains traits de leur progéniture serait-elle moins légitime ?" (cit. de Robertson, 77)


Selon le Sunday Times, des scientifiques américains sont parvenus à créer un embryon humain génétiquement modifié. Il n'a cependant pas été transplanté dans un utérus et a été détruit après 5 jours de développement in vitro.
Ce travail, mené par les chercheurs de l'université Cornell de New York, avait déjà fait l'objet d'une publication dans la revue spécialisée Fertility and Sterility. L'équipe, dirigée par Nikica Zaninovic a eu recours aux techniques de la thérapie génique. Cette expérience a été conçue sur un embryon initialement créé dans le cadre d'un programme de procréation médicalement assistée. Les chercheurs annoncent réussi à intégrer au sein du génome de cet embryon, un gène dirigeant la synthèse d'une protéine aux propriétés fluorescentes. On pourrait imaginer que le même procédé pourrait être utilisé pour modifier artificiellement le génome des cellules sexuelles, masculine ou féminine, avant de procéder à une fécondation in vitro.
Pour certains chercheurs, seuls de tels protocoles expérimentaux sont de nature à faire progresser la biologie humaine fondamentale et la compréhension des affections d'origine génétique. D'autres observateurs dénoncent le danger que représente ce type de travaux. Ils craignent que cette technique ne serve à modifier, à des fins non thérapeutiques, les performances d'un organisme humain.
En Grande-Bretagne, la Human Fertilisation and Embryology Authority (HFEA) s'est saisie de la question et refuse pour l'instant d'autoriser la modification génétique des cellules sexuelles humaines. En France, l'agence de la biomédecine ne s'est pas encore prononcée sur cette question.
(Le Monde du 14 mai 2008)

Scientist team creates first GM human embryo
Scientists have created what is believed to be the first genetically modified (GM) human embryo.
A team from Cornell University in New York produced the GM embryo to study how early cells and diseases develop. It was destroyed after five days.
The British regulator, the Human Fertilisation and Embryology Authority (HFEA), has warned that such controversial experiments cause “large ethical and public interest issues”.
News of the development comes days before MPs are to debate legislation that would allow scientists to use similar techniques in this country.
The effects of changing an embryo would be permanent. Genes added to embryos or reproductive cells, such as sperm, will affect all cells in the body and will be passed on to future generations.
The technology could potentially be used to correct genes which cause diseases such as cystic fibrosis, haemophilia and even cancer. In theory, any gene that has been identified could be added to embryos.
Ethicists warn that genetically modifying embryos could lead to the addition of genes for desirable traits such as height, intelligence and hair colour.
The Human Fertilisation and Embryology Bill, which will have its second reading this week, will make it legal to create GM embryos in Britain.
The bill will allow GM embryos to be created only for research and will ban implantation in the womb. Ethicists, however, say that the legislation could be relaxed in the future.
The HFEA has said that it is preparing for scientists to apply for licences to create GM embryos. A paper, published by the authority, states: “The bill has taken away all inhibitions on genetically altering human embryos for research. The Science and Clinical Advances Group [of the HFEA] thought there were large ethical and public interest issues and that these should be referred for debate.”
The Cornell team, led by Nikica Zaninovic, used a virus to add a gene, a green fluorescent protein, to an embryo left over from in vitro fertilisation.
The research was presented at a meeting of the American Society of Reproductive Medicine last year but details have emerged only after the HFEA highlighted the work in a review of the technology.
Zaninovic pointed out that in order to be sure that the new gene had been inserted and the embryo had been genetically modified, scientists would ideally need to grow the embryo and carry out further tests.
The Cornell team did not have permission to allow the embryo to progress, however.
Scientists argue that the embryos could be used to study how diseases develop. They also say GM embryos could be more efficient in generating stem cells.
However, Dr David King, director of Human Genetics Alert, warned: “This is the first step on the road that will lead to the nightmare of designer babies and a new eugenics. The HFEA is right to say that the creation and legalisation of GM embryos raises ‘large ethical and public interest issues’ but neglects to mention that these have not been debated at all.”
He added: “I have been speaking to MPs all week and no one knows that the government is legalising GM embryos. The public has had enough of scientists sneaking these things through and then presenting us with a fait accompli.”
The Sunday Times, May 11, 2008

L'"enfant parfait", quête génétique
LE MONDE | 25.10.08 | 13h53  •  Mis à jour le 25.10.08 | 14h52

Va-t-on très bientôt franchir une nouvelle étape dans la sélection génétique des embryons humains conçus par fécondation in vitro ? Dans son édition datée du 24 octobre, le quotidien The Times le laisse entendre, en révélant qu'une équipe de chercheurs britanniques a mis au point une technique permettant de déterminer de multiples caractéristiques de prédispositions à de nombreuses affections à partir de l'analyse d'une seule cellule embryonnaire. Ce procédé aurait été soumis pour approbation aux autorités britanniques et pourrait être commercialisé dès le début de l'année 2009 à hauteur de 1 500 livres (1 900 euros) l'examen.
Cette perspective vient bouleverser le cadre dans lequel la sélection génétique embryonnaire avait jusqu'à présent été développée et autorisée. Elle relance aussi de manière spectaculaire la controverse éthique sur l'usage qui peut ou non être fait de cette pratique, que certains qualifient d'"eugéniste", et sur la quête de l'"enfant parfait".
Selon The Times, l'équipe du professeur Alan Handyside (Bridge Centre de Londres) serait parvenue à élargir de manière considérable la puissance d'analyse du diagnostic préimplantatoire (DPI). Mise au point à la fin des années 1980 - notamment par M. Handyside -, cette méthode se fonde sur l'analyse de certains éléments du patrimoine génétique d'embryons conçus in vitro.
Dans les familles connues pour être exposées à un risque de transmission d'une maladie d'origine génétique, elle s'est progressivement substituée à la pratique de cette même analyse sur des cellules embryonnaires prélevées par amniocentèse, dont les résultats peuvent conduire à une interruption médicale de grossesse. Les spécialistes prélèvent une seule cellule sur un embryon constitué de huit cellules. Après les analyses de biologie moléculaire ne sont implantés dans l'utérus des futures mères que les embryons qui sont indemnes de l'anomalie génétique recherchée.
En France, le DPI a été mis en oeuvre il y a moins de dix ans au terme d'une longue polémique. En quelques années, le nombre des affections pouvant être identifiées n'a cessé de croître. Selon l'Agence de la biomédecine, les principales sont la mucoviscidose, la chorée d'Huntington, l'hémophilie, certaines formes de myopathies et de handicaps mentaux.
Seuls trois centres spécialisés en procréation médicalement assistée et en biologie de la reproduction sont autorisés à mettre en oeuvre le DPI, qui aboutit en France à quelques dizaines de naissances par an. La loi de bioéthique de 2004 prévoit en outre que cette technique puisse être mise en oeuvre à titre expérimental en vue de la conception d'un enfant indemne de la maladie génétique recherchée et susceptible de soigner de façon décisive son aîné malade grâce aux cellules souches prélevées à partir du sang de cordon ombilical.
Ces derniers temps, une nouvelle question éthique avait commencé à être soulevée : celle de savoir si l'on pouvait ou non élargir cette pratique à la recherche de la prédisposition génétique à certains cancers du côlon, du sein ou de l'ovaire. En 2006, le professeur Stéphane Viville, directeur de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg, avait estimé qu'un tel élargissement pouvait, dans certains cas, après étude approfondie des dossiers familiaux, être justifié. Son équipe s'est déjà engagée dans cette voie en observant que cet élargissement du champ d'application du DPI était d'ores et déjà autorisé en Belgique, en Espagne et en Grande-Bretagne.
Cette initiative avait alors suscité un certain embarras chez les responsables sanitaires et éthiques. La loi française dispose, en effet, que le DPI ne peut concerner que la recherche des gènes associés à des maladies "d'une particulière gravité" et "incurables au moment du diagnostic". Il s'agit aussi d'affections dont on a la certitude qu'elles toucheront immanquablement les enfants porteurs des anomalies génétiques identifiées, ce qui n'est pas le cas dans la simple prédisposition.
Un consensus avait ensuite été trouvé, une mission officielle estimant qu'aucune modification de la loi de bioéthique n'était nécessaire pour que cette pratique puisse être mise en oeuvre dès lors qu'une série de précautions techniques seraient prises par les équipes spécialisées, et que les couples concernés seraient informés et associés à la décision. Roselyne Bachelot, ministre de la santé, avait toutefois tenu à préciser que la question devrait être abordée sur le fond en 2009, dans le cadre des débats préparatoires à la révision de la loi de bioéthique de 2004.
C'est dans ce contexte que s'inscrit l'annonce des chercheurs britanniques travaillant dans la clinique privée londonienne de Bridge Centre. En ayant recours aux nouvelles techniques de séquençage à très haut débit des génomes et sur la base de l'ensemble des derniers acquis de la génétique, ils estiment être en mesure de proposer des analyses de prédisposition dépassant très largement les seuls cancers familiaux. Ils assurent ainsi pouvoir identifier, dans le cadre du DPI, les caractéristiques génétiques tenues pour être associées à une prédisposition au diabète, à certaines affections cardiovasculaires ou neurodégénératives.
L'autorité britannique chargée de surveiller les activités de procréation médicalement assistée devrait prochainement dire si elle autorise ou non la commercialisation de ce procédé. Cette nouvelle possibilité technique se heurte toutefois à un obstacle pratique : le nombre limité des embryons pouvant, dans un couple, être conçus par fécondation in vitro, soit en moyenne moins d'une dizaine par tentative. "Quand vous commencez à rechercher plus de deux ou trois caractères génétiques, vous n'avez aucune chance d'obtenir l'embryon correspondant", reconnaît Alan Thornhill, le directeur scientifique du Bridge Centre. Dans l'attente de pouvoir produire des ovocytes humains à partir de cellules souches, cette situation limite de fait l'usage qui pourra être fait d'une sélection embryonnaire fondée sur une telle combinatoire génétique.


L'enfant est la rencontre d'une intention personnelle et sociale (quand bien même la reproduction, selon une formule attribuée à Aristote, serait un "choix irréfléchi") et d'une liberté ; d'un projet sur l'avenir de l'enfant et d'une capacité d'initiative qui définit la liberté de l'enfant. Sans faire de métaphysique, on voit bien que c'est le propre de la recombinaison génétique (qui définit la reproduction sexuée) que de "faire du neuf" et la liberté de la personne a cette unicité pour premier fondement. Le polymorphisme génétique, qu'on l'interprète comme un mécanisme évolutif qui multiplie la capacité adaptative des individus ou qui neutralise la capacité d’adaptation des agents pathogènes, apparaît comme le fondement de la morale.

Ce qui nous fait égaux et conspécifiques, c'est que si nous avons bien été pris dans un programme parental, social, culturel, ce programme qui a été fait pour nous, nous pouvons l'infléchir ou l'invalider dans la mesure où la sélection naturelle et la reproduction sexuée nous ont programmés, sinon "libres", du moins "uniques". Une naissance est, en ce sens, l'épiphanie d'une nouvelle liberté : tel est le sens proprement humain du polymorphisme génétique qui ouvre le champ de la moralité entre des semblables.

C'est précisément ce qui serait en puissance de changer si la biomédecine donnait les moyens d'intervenir sur le génome [en contradiction avec l'article 16-4 du Code Civil :
Article 16-4. Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine. Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite. Sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne.]

En effet dès l’instant où, un jour, des adultes considéreraient l’équipement génétique qu’ils souhaitent pour leur enfant à naître comme un produit auquel il suffit de donner une forme et où, conformément à leur fantaisie, ils imagineraient à cette fin un « design » approprié, ils exerceraient par rapport à ce « produit » génétiquement manipulé une forme d’intervention par prise de disposition qui constituerait un empiétement dans les fondements somatiques de la relation spontanée à soi et de la liberté éthique d’une autre personne, empiétement qui jusque là n’aurait pu être exercé que sur des choses, non sur des personnes. Les enfants qui naîtraient de ces opérations pourraient alors, plus tard, demander des comptes aux fabricants de leur génome et les rendre responsables des conséquences, non désirées à leurs yeux, qu’a entraînées le point de départ de leur biographie. Cette nouvelle structure de l’imputation en responsabilité résulte de l’effacement de la frontière entre personnes et choses.

"La liberté eugénique des parents ne doit pas entrer en conflit avec la liberté éthique des enfants." (77)

"La personne programmée se trouve ainsi dépossédée de la conscience d'avoir eu des conditions biographiques initiales naturelles, et donc contingentes ; elle est de ce fait privée d'une condition mentale qui doit être satisfaite s'il faut qu'elle assume rétrospectivement la responsabilité pleine et entière de sa vie." (121)

Cette relation dissymétrique entre parents et enfants, Habermas pointe justement le fait qu'elle s'instaurerait aussi avec qui aurait été ainsi programmé. Le propre de l'éducation est bien sûr d'anticiper la biographie de celui qui est éduqué. Mais cela fait une différence fondamentale avec celui dont la biographie aurait été génétiquement prise en otage. Habermas rappelle que les bases de la morale tiennent dans une égalité originelle qui tient au fait que nous sommes "naturels". La responsabilité morale n'est pas engagée, dès lors que s'introduit dans le "nous" un élément qui serait "fabriqué".

A travers la décision irréversible que constitue l’intervention d’une personne dans l’équipement "naturel" d’une autre personne, naît une forme de relation interpersonnelle jusqu’alors inconnue. Ce nouveau type de relation choque notre sensibilité morale parce qu’il représente un corps étranger dans les relations de reconnaissance juridiquement institutionnalisées dans les sociétés modernes.  Si une personne prend pour une autre personne une décision irréversible, touchant profondément l’appareil organique de cette dernière, alors la symétrie de responsabilité qui existe par principe entre des personnes libres et égales se trouve nécessairement limitée.

Ce qui nous faits égaux, ce donné de nature, est aussi ce qui nous fait interdépendants. Le fondement de la morale réside sans doute dans cette perception de l'identité de l'autre. Dans une pièce où je me trouve seul, où il n'y a que des objets matériels, il suffit qu'un autre homme pénètre pour que je m'en trouve aussitôt transformé. Cette présence et la modification immédiate de mon être qui en résulte est une preuve d'appartenance. Comme le notait Kant, il n'est pas besoin de professeurs de morale pour savoir ce qui est moral. Devant l'inquiétante étrangeté – pour faire écho à ce titre de Freud où il est fait référence à l'automate que constituerait l'autre "fabriqué", quelle serait mon obligation morale ? Et quelle serait sa responsabilité ?

[Unheimliche : situation, selon le psychiatre E. Jentsch, cité par Freud, où l'on "doute qu'un être apparemment vivant ait une âme, ou bien à l'inverse si un objet non vivant n'aurait pas par hasard une âme"... quand l'incertitude intellectuelle crée une angoisse morale.]

Au fond l'impératif moral – si paradoxalement mis en évidence par Kant (voir chapitre 19.7 : Territoire, proxémie, proximité : le proche et le lointain, in fine) – réside dans la perception à la fois confuse et impérieuse de la liberté de l'autre, dans l'interdépendance, autre nom de l'appartenance spécifique. L'évolution, qui nous a fait spécifiques, comporte dans son dispositif un principe de reconnaissance. Nous sommes une espèce aussi parce que nous nous reconnaissons comme semblables. Le support matériel de la morale réside vraisemblablement dans les mécanismes cérébraux de cette reconnaissance, les neurones miroirs (voir chapitre : L'"effet McClintock" et effets apparentés) et les sites spécialisés du gyrus fusiforme pouvant être éligibles à cette fonction.

Je crois qu'Habermas nous rappelle à propos que la réflexion éthique, au-delà de la morale et des morales, est une réflexion sur la nature de l'espèce, sur ce qui nous fait hommes.

*

CODE CIVIL

Article 16. La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie.
Article 16-1. Chacun a droit au respect de son corps.
Le corps humain est inviolable.
Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un
droit patrimonial.
Article 16-2. Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain ou des agissements illicites portant sur des éléments ou des produits de celui-ci.
Article 16-3. Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité thérapeutique pour la personne.
Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir.
Article 16-4. Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine.
Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite.
Sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la
personne.
Article 16-5. Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles.
Article 16-6. Aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement d'éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci.
Article 16-7. Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle.
Article 16-8. Aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un élément ou d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur ni
le receveur celle du donneur.
Article 16-9. Les dispositions du présent chapitre sont d'ordre public.

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AFP : 12/11/2009 À 10H15

Un hôpital condamné pour acharnement thérapeutique
L'affaire remonte à 2002. Un enfant, né en état de mort apparente, a été sauvé mais a développé de lourds handicaps en grandissant. Une expertise doit déterminer le montant des réparations financières que l'hôpital devra verser.

L’hôpital d’Orange (Vaucluse) a été condamné en juin par le tribunal administratif de Nîmes pour acharnement thérapeutique sur un bébé né en état de mort apparente, sauvé mais ayant développé de lourds handicaps en grandissant, selon un jugement révélé mercredi par Le Figaro et dont l’AFP a obtenu copie.
Cette décision constitue une première en France selon l’avocat des parents, Me Alexandre Berteigne. «Je n’ai pas trouvé de jurisprudence», a-t-il indiqué.
«Les faits se sont passés en 2002, avant la loi Léonetti (sur le droit des patients en fin de vie, ndlr). Depuis 2005 et cette loi qui interdit l’acharnement thérapeutique, je n’ai jamais vu une affaire comme celle-là», a déclaré à l’AFP Jean-Luc Romero, président de l’association pour le droit à mourir dans la dignité.
La part de la faute commise par l’hôpital dans les handicaps développés par l’enfant, qui serait atteint par ailleurs d’une maladie génétique rare, est cependant encore soumise à expertise, précise le jugement.
Les parents réclament 500.000 euros
Cette expertise, qui est en cours, déterminera le montant des réparations financières que l’hôpital devra verser. Les parents réclament un minimum de 500.000 euros. Contacté par l’AFP, l’hôpital d’Orange qui n’a pas fait appel selon l’avocat, a indiqué qu’il ne ferait pas de commentaires avant jeudi.
L’accouchement, le 14 décembre 2002, avait rapidement révélé une décélération du rythme cardiaque du foetus et l’enfant est né en état de mort apparente. Après 25 minutes de réanimation, le gynécologue avait annoncé le décès aux parents, tandis que ses collègues poursuivaient la réanimation et faisaient réapparaître finalement une activité cardiaque. Le cerveau du bébé n’a pas été irrigué pendant une demi-heure et il n’y a pas eu d’oxygénation pendant la réanimation.
De lourds handicaps physiques et mentaux sont apparus par la suite. «En pratiquant ainsi sans prendre en compte les conséquences néfastes hautement prévisibles pour l’enfant, les médecins ont montré une obstination déraisonnable (…) constitutive d’une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d’Orange», lit-on dans le jugement.
Il s’appuie sur l’article 37 du décret du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale qui stipule qu’«en toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade, l’assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique».
Le jugement écarte en revanche toute faute de l’hôpital dans l’organisation et le fonctionnement du service de maternité, ainsi que toute faute médicale durant l’accouchement lui-même.
L’enfant présente les symptômes d’une forme sévère d’infirmité motrice cérébrale tétraplégique, avec troubles de déglutition et épilepsie, ainsi qu’un syndrome dysmorphique évoquant une pathologie rare, non certifiable sur le plan chromosomique, pouvant correspondre à un syndrome de Dubowitz, selon la même source.
(Source AFP)

Libération du 13/11/2009 À 18H56 (en ligne)

Nouveau-nés: «Il est très rare que l'on décide de ne pas réanimer»
INTERVIEW
Après la condamnation d'un hôpital pour «acharnement thérapeutique» sur un enfant né en état de mort apparente, le professeur de pédiatrie Francis Gold revient sur les dilemmes éthiques auxquels sont confrontés les soignants.

On l'apprenait jeudi, l'hôpital d'Orange a été condamné pour «acharnement thérapeutique» : les parents d'un enfant sauvé in extremis à la naissance et aujourd'hui lourdement handicapé, demandent réparation, au nom de l'«obstination déraisonnable» des médecins.
Cette affaire met en lumière les dilemmes éthiques auxquels sont régulièrement confrontés les équipes médicales. Pionnier dans le secourisme néonatal, le Pr Francis Gold, praticien responsable du pôle de périnatalité à l'hôpital Trousseau à Paris, revient sur des années de pratique sans cadre légal, avant l'arrivée de la loi Leonetti sur la fin de vie de 2005.
Cette condamnation de l'hôpital public d'Orange vous étonne-t-elle ?
A ma connaissance, c'est une première. Je ne me souviens pas d'une condamnation dans un sens comme dans l'autre: que l'on considère que l'équipe ne s'est pas assez acharnée ou au contraire qu'elle en a trop fait. Pourtant, cela fait plus de quarante ans que l'on pratique la réanimation des nouveau-nés en France -la première unité a ouvert à Paris en 1964. Pendant toutes ces années, il aurait pu y avoir de nombreuses affaires... Il y en a eu très peu au final, comparé aux pays anglo-saxons.
A quel moment et qui décide de réanimer un bébé ?
Le réanimateur est d'abord là pour réanimer. Lors d'un accouchement difficile, il n'y a pas d'hésitation, on a le devoir, en tant que médecin, de tout tenter pour sauver l'enfant. On porte les premiers secours sans se poser de question. A l'exception des très grands prématurés, il existe peu de cas où l'équipe médicale prend la décision immédiate de ne pas réanimer.
Les hésitations arrivent dans un deuxième temps. Lors de la première semaine de vie, on fait un pronostic, c'est-à-dire une évaluation raisonnée de ce que va devenir l'enfant dans les années à venir. Nous avons un principe en France, pays laïque: on considère que la qualité de vie prime sur la quantité. Les décisions sont prises au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Mais, aujourd'hui, malgré tous les progrès de la médecine -notamment les techniques d'imagerie cérébrale-, nous ne disposons pas de tous les outils pour une évaluation du devenir la plus objective possible. Il y a toujours une marge d'incertitude. On a des données statistiques bien sûr, mais le problème reste le même: quand on transcrit des données générales à un bébé en particulier, on fait toujours un pari.
Les parents sont-ils associés à la décision ?
La plupart du temps, il y a un consensus tacite entre l'équipe médicale et les parents sur la décision à prendre. On essaie au maximum d'être à l'écoute, de favoriser le dialogue. C'est d'ailleurs pour cette raison que peu de cas sont portés devant les tribunaux...
Cela dit, il a fallu attendre la loi Leonetti de 2005 pour avoir un cadre légal encadrant cette prise de décision. Il est écrit noir sur blanc que l'avis des parents doit être strictement recueilli même si la décision finale revient au médecin responsable, en pratique c'est souvent le chef du service de néonatologie.
Que se passe-t-il en cas d'arrêt thérapeutique ?
On n'arrête jamais les soins complètement. On ne laisse pas le nouveau-né à l'abandon, on l'accompagne jusqu'au décès. En pratique, on stoppe la respiration artificielle, et par exemple on laisse le bébé finir sa vie dans les bras de ses parents. On passe d'un objectif de survie à un objectif de confort. Chaque année, il y a en France entre 400 à 500 arrêts thérapeutiques.
La loi Leonetti de 2005 a t-elle modifié vos pratiques?
J'ai l'habitude de dire que cette loi a tout et rien changé à la fois. C'est une aide sérieuse dans l'exercice de notre métier car elle nous fait sortir du flou, du hors légal. Cette loi permet d'avoir plus de rigueur et de transparence dans le processus de prise de décision. Tous les services de réanimation néonatale appliquent les mêmes règles, retranscrit dans le dossier médical les arguments qui ont pesé dans la décision. Mais, sur le fond, dans la manière même de travailler, cette loi Leonetti ne change rien.
Cette loi a surtout été pensée pour les malades en fin de vie ? Est-elle transposable aux nouveau-nés ?
En théorie, elle s'applique à tous les malades en fin de vie, quel que soit leur âge, donc même aux bébés. Bien sûr, un travail de transcription de la loi au domaine de la néonatologie s'impose, mais il n'est pas nécessaire de voter une nouvelle loi.

Discussion :
– Quels dispositifs mettre en œuvre pour faire accepter l'enfant différent ?

Rappeler que la reproduction n'est pas une science exacte, ce qui éviterait de faire porter aux parents la responsabilité de la malformation. Ce qui est le cas dans nos sociétés : les parents se sentent responsables...
Distinguer entre le mécanisme cognitif de reconnaissance de soi – voir cit. de Minkowski – et l'interprétation sociale ; dans le village malgache, l'individu stigmatisé a cpdt une place dans la procession des êtres et l'on n'a pas honte de se dire son parent ; cette place est à l'interface du monde des humains et du monde supranaturel (dans la société traditionnelle : crétin/chrétien...)
L'exemple de l'albinisme : un informateur africain : "Le père est noir, la mère est noire, comment voulez-vous que l'on considère cette naissance comme normale ?" L’approche scientifique permet non seulement d’expliquer, mais aussi d’ouvrir un espoir thérapeutique. L’albinisme est une affection héréditaire (transmise selon le mode récessif autosomique) qui se caractérise par le défaut de synthèse de mélanine.
Mettre en lumière la cause du handicap c'est l' exonérer de toute signification symbolique.
Mais comment aborder le problème émotionnel et cognitif : les constituants de l’identité, l'image de soi paraissant engagés dans cette confrontation avec la différence ?
La réponse est probablement pédagogique. On constate, dans les écoles où l'insertion d'enfants handicapés est préparée, une intégration quasi naturelle de la différence dans le spectre des différences individuelles.

– Quand passe-t-on de la représentation traditionnelle, fondée sur la régularité visible à la représentation libérale qui ne fait (idéalement) pas la différence ?

Voir dans le Judaïsme antique, de Max Weber l'inversion des valeurs reprise par le message chrétien. Les concepts fondamentaux de la religion juive – métaphysique de l’exil – silence de Dieu – ont été forgés quand le peuple juif était un peuple esclave...




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