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Madagascar

présentation
3 Éléments d'Ethnographie Réunionnaise
Mots clés : Créolité Ancestralité Citoyenneté Départementalisation Patrimoine
Champs : Anthropologie du développement Anthropologie de l'image Patrimoine
Sociétés créoles Histoire postcoloniale Sociologie des institutions


1- Vingt ans après
2- Barreaux (en construction)
architecture créole
3- "Types de la Réunion" (en construction)
(don à la Société de Géographie du 6 novembre 1885)
4- Ancestralité, communauté, citoyenneté :
les sociétés créoles dans la mondialisation (dossier pédagogique)
5- Madagascar-Réunion :
l'ancestralité (dossier pédagogique)
6- Ethnographie d'une institution postcoloniale :
Contribution à l'histoire de l'université de la Réunion (1991-2003)
7- Le grand Pan est-il mort ? :
hindouisme réunionnais, panthéisme, polythéisme et christianisme
8 - "La 'foi du souvenir' :
un modèle de la recherche identitaire en milieu créole ?

Fiche de lecture (C. C.)

Roots of language
Derek Bickerton.


Introduction:
De toutes les recherches sur l’homme, la linguistique est l’une des plus conservatrice. Il y a 2000 ans, Panini commença à décrire le langage humain et cela a peu évolué depuis, si ce n’est quelques éclaircissements sur des détails et des descriptions des langages naturels existants.
Donc, peu a été fait pour répondre à la question essentielle : comment le langage a été acquis par l’individu, puis par les espèces ?
Postulat : C’est le langage qui a fait notre espèce, et tant que nous ne l’avons pas compris, nous ne pouvons pas nous comprendre.
Essai de répondre à trois questions :
- Quelle est l’origine de la langue créole ?
- Comment les enfants acquièrent le langage ?
- Comment est apparu le langage ?

Ce dont l’auteur est convaincu, c’est que les trois questions n’en sont qu’une et une réponse à l’une qui ne réponde pas aux deux autres est une fausse réponse. Il commence par tenter de résoudre la question de l’origine de la langue créole, pensant que c’est la clé indispensable pour répondre aux autres questions.
Ch1 : relation entre le créole et l’anglais (Hawaï) et le pidgin qui le précède, montrant que certains éléments de créole n’ont pas leur origine dans le Pidgin qui le précède ou tout autre langage en contact à cette époque : donc ces éléments ont été inventés.
Ch2 : comparaison avec des créoles différents : les similitudes et les ressemblances qui montrent que les " inventions " de Hawaï et d’autres régions sont apparues relativement indépendamment.
Les relations avec les deux autres questions : réponses.
Ch3 : le "langage normal " dans les sociétés non créolisées. Le langage de l’enfant suit la théorie de l’origine du créole : car tous les membres de notre espèce sont nés avec un bio programme pour le langage qui peut fonctionner à tout moment.
Ch4 : d’où vient ce bio programme ?
En partie de la structure spécifique de la perception et connaissance humaine et en partie d’un processus inhérent à l’expansion du langage linéaire. Le langage est trop différent du mode de communication du monde animal pour avoir un lien avec lui donc, comme tout autre mécanisme adaptatif, il a du dériver d’un processus régulier de l’évolution.
Ch5 : résumé et intégration des chapitres différents, suggestion de réponses aux critiques contre le concept d’un programme génétique pour le langage humain.
Nous avons affaire ici à une démarche de type expérimental : l’auteur tout au long du livre éclaire sa pensée d’exemples concrets pour élaborer une théorie du bio programme humain pour l’appréhension des langues ; enfin, il autocritique sa thèse dans le dernier chapitre comme pour prouver qu’elle fonctionne bien.


Ch1:
Certains languages n’existaient pas avant le 16° siècle, et sont apparus en quelques décennies de par le monde, même si on suppose que des liens avec des langues plus primitives soient possibles. Les langages créoles semblent être le résultat direct de la colonisation européenne, de 1500 à 1900, dans des petites sociétés stratifiées, la plupart du temps, engagées dans la monoculture du sucre, composées d'une faible minorité d’européens et d'une large majorité de travailleurs ( non- européens) d’ethnies et donc de langages différents. L’histoire linguistique de ces enclaves est peu connue et on pense qu’il s’est développé une sorte de " langage de contact ", natif d’aucun d’entre eux, que l’on appelle communément le Pidgin, et que ce langage s’étendant, est devenu le langage natif des créoles d’aujourd’hui. Superficiellement la source semblerait être européenne, parce que l’on peut reconnaître quelques mots essentiels de vocabulaire, malgré quelques variations. Au niveau de la syntaxe par contre, ceci est moins flagrant.
En général le terme créole se réfère à toute langue issue du Pidgin et qui devint une langue natale.
L’auteur utilise le terme créole en référence aux langages qui :
Apparaissent en dehors d’un pidgin qui n’a pas existé plus d’une génération.
Apparaissent dans une population où pas plus de 20 % usent d’un langage dominant, alors que les 80% restant est composé de divers groupes de langages différents.
Le travail de base se fera essentiellement à Partir d’Hawaï.
On suppose que les différents créoles apparurent, à partir du Pidgin très rapidement (en 20 ou 30 ans), dès les établissements de groupes humains variés dans diverses régions. Dans toutes ces régions, antérieurement à la créolisation, existait comme à Hawaï par exemple, un langage rudimentaire très varié, décrit parfois comme un " jargon " ou un pré- pidgin plutôt qu’un réel pidgin développé.
Le problème des enfants, qui généralement apprennent la langue de leurs parents qui en savent plus qu’eux, est délicat ici : il se peut que l’enfant, confronté à ce changement adaptatif de la langue, en sache finalement rapidement plus que les parents. – Alors qu'il est généralement admis dans la théorie de l’acquisition qu’il y a déjà un langage adéquat, donc développé, à acquérir !
L’acte d’expansion d’un quelconque pidgin suppose la formation de règles de syntaxe. L’acquisition du langage par l’enfant se fait plus ou moins de façon empirique par l’acquisition de ces règles, ce qui ne fut pas le cas à Hawaï¨, puisque la première génération a produit des règles qui semblent invalides pour les suivants. Quel est alors le repère pour l’enfant ? Question à laquelle on n’a pas encore répondu.
Description : du pidgin au créole à Hawaï :
Après le premier contact européen, et pendant un siècle, la population d’Hawaï, était constituée essentiellement d’hawaïens et d’une minorité grandissante de natifs parlant anglais. Certains hawaïens parlaient anglais, plus ou moins bien, ce qui a donné un nom à cette langue : " hapa-haole " ou half-white, qui était alors un vrai pidgin, répandu surtout en ville. Le langage des travailleurs de plantations était surtout Hawaïen. Vers 1876, d’autres populations vinrent s’installer pour travailler : des chinois, des portugais, des japonais, des coréens, des philippins, des porto-ricains…ainsi on peut penser qu’avec ce mélange de langues, le pidgin anglais ne fut pas le seul à influencer la langue, et varie en fonction des divers peuplements dans les diverses îles. Parfois le pidgin hawaïen est plus important " olelo pa’i’ai ", là où les Hawaïens sont plus nombreux.
L’auteur compare alors deux langues : le HPE : hawaiien pidgin english et le HCE : hawaiien créole english.
La pidginisation est un processus, non un état, et l’on peut placer le début de la créolisation autour de 1910- 1920.
L’étude du HCE est complexe puisqu’elle subit l’instabilité du premier langage : le HPE, qui selon l’isolement des habitants diffère et peut être resté extrêmement " archaïque ".
Comparons divers HPE :
Parlé par des japonais : l’anglais et le japonais sont similaires, on observe chez eux certaines formules grammaticales pour souder les phrases entre elles.
Par les hawaïens natifs : La tendance est différente, puisque c’est l’hawaïen plutôt que le vocabulaire natif (pidgin) qui est mêlé à des mots anglais.
Pour résumer, étant donné le melting-pot dans lequel se trouvait cette civilisation, le premier HPE est plutôt instable, et montre l’acquisition d’un vocabulaire de base, dont les origines et les formes grammaticales et lexicales sont influencées par trois ou quatre langues différentes. On va utiliser la formule verbe objet sujet chez les Japonais ou verbe sujet ou objet verbe chez les Philippins, l’autre groupe d’immigrants important. Les articles chez les Japonais sont aussi bien définis qu’indéfinis, alors que chez les Philippins, on trouve plus la forme définie. Un enfant dans ce cas, peut être placé en situation de trouble total, car il peut choisir entre apprendre a ou b , alors qu’aucun ne constitue une véritable langue. La déficience du HPE vient du fait que tout finalement, peut être dit en Pidgin ; mais le HPE n’ interdit aucunement à l’interlocuteur de trouver lui-même des mots ou des formules qui lui manqueraient.
Les manques du HPE :
Les marques du temps, de l’aspect (quand, comment, ponctuel et non ponctuel) et des modalités : (en anglais, il n’y a que deux temps, le futur ou le conditionnel sont donnés par des auxiliaires modaux : shall, will (avec parfois une idée de volonté forte, d’injonction, should, would ; mais aussi can (probabilité) ou encore had. ex : if I had money, I would…( rupture entre le réel et l’irréel : irréalisme)
Les propositions relatives, qui que, ( membres de phrases ou d’une période, emphase : quand on veut insister sur quelque chose….)
Les règles de mouvement: ex : I spoke to John, it was john that I spoke to.
Les compléments " incrustés " ou enchâssés : inclusion d’une subordonnée dans une subordonnée principale ; en particulier les constructions infinitives ;
(Ex : I ‘m aware of [something ], that you have been up against this argument. Le complément est enchâssé dans la matrice: I’m aware of something. )
Les articles, spécialement indéfinis.
Parfois même les verbes sont omis.
Les propositions infinitives. Ex :I want him to do something ( attente, volonté, injonction : I’d like him to do !…)

La source ethnique du HCE est difficilement définissable alors que l’on peut tout de suite reconnaître le HPE, seulement en l’écoutant. Le HCE a dû se former graduellement au contact des différents groupes, beaucoup plus complexe en quelques années, et l’on peut supposer que l’explication se trouve dans la différence du langage appris par les parents et celui appris par les enfants.
HCE est différent car homogène, à travers les groupes quelles que soient leurs origines. Généralement, les phrases sont construites sur la forme : sujet- verbe- objet, bien que la place de l’objet puisse varier en fonction d’une affirmation ou d’une opposition dans la phrase. La relation entre la forme passive et le sens de la phrase est tout à fait nouvelle, ce que l’on ne le trouve pas dans le HPE. La comparaison des deux structures de langues montre que certaines choses sont permises dans la HPE et non dans le HCE, et inversement.

Tableau 1.1

Cette évolution de la phrase ne peut s’être faite avec la première génération de créole ayant des parents parlant pidgin, ni être dérivée des substrats de langage (chinois, portugais, espagnol) ou de l’anglais parce que cela ne correspond pas exactement à leur structure. Les trois langues, ainsi que l’anglais possèdent cette structure SVO, mais ni le chinois, ni l’anglais ne posent le verbe en début de phrase… Le portugais et l'espagnol sont plus libres dans leurs structures mais aucun des deux ne peut admettre la structure suivante : OVS ou VOS.

Les articles : très rare dans le HPE, et utilisé dans le HCE : da pour quelque chose que l’on connaît et wan pour quelque chose de spécifique inconnu du récepteur. Sinon, il n’y a des marques de pluralité approximatives (sauf dans le cas d’un nombre précis) ou d’article. Là encore, l’anglais et les autres langues ne peuvent être les seuls modèles. L’auteur pense que l’absence d’article et de spécificité est une invention propre au HCE.

Les verbes auxiliaires : bain, go et si qui peut jouer selon les cas le rôle d’un verbe selon son emplacement dans la phrase, indiquant sémantiquement une durée, donc un évènement ponctuel alors qu’en anglais, il fait référence à un évènement non ponctuel dans le présent continu par exemple.
Ex 1: shi stei no da ansa : (impropre en anglais) she is knowing the answer.

Les compléments: marqués en HCE par fo [ ex : parce que c’est trop difficile pour moi !]et non pas par to, ( que l’on trouve en HPE comme préposition et issu de l’anglais for) et go ( utilisé en HPE comme verbe, comme impératif, …)

Ainsi dans le HCE : il y a deux innovations distinctes par rapport à ces mots, sémantique et syntaxique se référant soit à des évènements qui peuvent se réaliser ou à des évènements improbables ; ou comme préposition ou impératif.

On utilise peu de pronom dans le HCE ( ex : who en anglais) et l’on utilise plus volontiers la répétition qui est due à la distance entre le sujet et le verbe principal
Ex2 : sambadi dei going ova dea dei gon hia it nau
Anybody who’s going or there will hear it now

Ces exemples tendent à prouver que l’origine du HCE n’est pas à chercher uniquement dans le terrain de langues déjà existantes dans son environnement. Les modifications ont pu être le résultat d’un stratagème imaginé pour résoudre un problème général comme on le voit dans d’autres domaines de l’évolution humaine. Ici, il a fallu reconstruire un nouveau langage, comme une nécessité absolue. Hawaï n’est pas un cas unique, puisque d’autres civilisations créoles existent, mais elles n’avaient pas pour terrain linguistique le pidgin. Ceci dit par comparaison, nous verrons qu’il y a toujours des relations transversales et des antécédents. Malgré les réponses variées face à un même problème, les similitudes montrent à l’évidence qu’un programme génétique commun à toute l’espèce peut être envisagé.

Ch2 : " créole " :
Ce n’est que depuis environ 1950, que certains chercheurs comme Taylor, Thompson et Whinnom… ont mis en exergue les similitudes entre les diverses langues créoles, bien que l’on sache depuis le 19° siècle qu’elles existent. Toutefois ces recherches paraissent incomplètes à l’auteur. Dans ce chapitre, il va montrer comment et en quoi ces langages ainsi que le HCE se ressemblent puis diffèrent.
Notons qu’il y a peu de descriptions des différentes grammaires créoles : les mieux abordées jusque là sont le créole hawaïen et le créole guyanais, mais trop de lacunes empêchent de bien en comprendre le cheminement. Pour l’auteur, même si la civilisation est mal connue, l’esprit scientifique se doit d’émettre des hypothèses qui permettront d’avancer dans la compréhension de ces sociétés.
Un problème est également posé : comment interpréter les différences constatées entre les différents créoles et quelle place leur donner ?
Le créole est la langue la plus proche de la création du langage (de la "langue des origines" ou de la "langue originelle") et on ne peut dire qu’elle dépend du substrat laissé par le pidgin, car le pidgin est variable, différent de place en place alors que le créole, finalement de part et d’autre du monde offre beaucoup de similitudes, et est en cela génialement créatif. De plus, le pidgin dépend énormément de la langue avec laquelle il est en contact, dans la constitution de la langue, il faut noter les conditions sociales de servitude ou non des populations concernées et l’on trouve beaucoup plus de références anglaises à Hawaï ou dans les caraïbes qu’à Sranan, en Guyane ou en Jamaïque.

De plus, le changement de langue, peut dépendre de l’ancienneté de la langue, or comme les créoles sont des populations " jeunes " elles sont plus sujettes aux changements rapides.
Il faut ajouter un autre changement au contact des civilisations qui est celui aussi de la dé créolisation qui crée des variétés intermédiaires entre le créole et la super strate, c’est à dire la langue dominante. Cela peut produire un état synchronique curieux où les plus anciennes structures sont très différentes du créole original. Le créole original et le créole dé créolisé peuvent faire apparaître des différences qui n’auraient pas existé à leur état originel. Mais il faut montrer ici, tout d’abord, quels facteurs ont été en jeu pour la formation de cette langue, pourquoi ils ont pris de l’importance et comment on peut en tirer des conclusions.
Certains auteurs s’ingénient à trouver des similitudes entre le créole caribéen et le Yoruba (Afrique) : Comment une règle linguistique peut aller du Yoruba au créole ? Peut-être peut-on penser que le Yoruba est passé dans le pidgin, puis par-là même dans le créole, impliquant donc le passage des Yoruba dans les caraïbes, ce qui n'est pas avéré historiquement.
On peut penser que pour fabriquer le substrat créole il suffit d’être au bon endroit au bon moment, mais ceci n’a pas été le cas. Certains théoriciens pensent aussi que le créole est issu des diverses langues anglo-saxonnes, ce qui est aussi absurde que de penser que le créole est un mixe-up des diverses langues africaines.
L’auteur pense que pour qu’un système de langue puisse se mettre en place, il faut qu’il corresponde à la nécessité de le mettre en place ; en fonction du développement de la civilisation, ce système va accepter quelques règles et en rejeter d’autres. Les langues, comme le créole sont des systèmes, les systèmes ont des structures et tout ce qui est incompatible à la structure ne peut être emprunté. Que le créole ait besoin de règles, c’est ce qu’il va démontrer ; s’il adopte des règles déjà existantes, il ne les adopte pas parce qu’elles sont là, sous la main, mais parce qu’elles sont nécessaires au langage qui émerge et il montrera que certaines règles sont crées " sur le tas " sans référence à aucune expérience connue. Reste à savoir pourquoi le créole adopte certaines règles et pas d’autres...

Reprenons l’analyse syntaxique :
Les règles de mouvement : l’organisation de la phrase en fonction de sa signification :
Le HCE mettait en valeur l’élément important de la phrase, en plaçant l’essentiel en position initiale. La plupart des langues ont des procédés similaires pour souligner quelque chose, comme un changement de ton, d’accent ou l’utilisation d’adverbes. Le fait que le créole n’emploie aucune de ces méthodes n’est pas anodin.
Si nous comparons le créole guyanais et le HCE, nous voyons que le CG utilise des phrases verbales, ce que ne fait pas le HCE. Si nous partons du principe que les constructions originales du langage sont justes des phrases nominales et des verbes, alors que la phrase verbale n’est pas un constituant primitif, nous supposons que dans le premier créole, il n’y avait que le verbe alors que dans la créole dé créolisé, la phrase verbale peut se trouver employée.
La différence entre HCE et CG est l’utilisation nouvelle, dans le dernier de verbes d’états, que le HCE n’a jamais développé.

Les articles : virtuellement tous les créoles ont le même fonctionnement que le HCE en ce qui concerne l’article : un article défini pour ce qui est bien défini et indéfini pour ce qui est indéfini, et aucun article pour ce qui est non spécifique.

Le système de temps de modalité et d’aspect : TMA :
Dans la majorité des créoles, comme dans le HCE, on exprime ces trois états par trois particules placées dans cet ordre : le temps quand il s’agit d’une antériorité, la modalité quand il s’agit de quelque chose de plus ou moins irréaliste et l’aspect quand il s’agit de quelque chose de non ponctuel. Les trois formes peuvent être combinées. Bien sûr, la forme de ces particules change : de " bin ", " bi ", " ben ", " te ", ( antérieur), " sa/go ", o, sa, ava, ke, irréaliste, a, ta, e, ape, ka pour le non ponctuel.
Ici HCE partage avec CG bin et go alors que ces deux civilisations n’ont pas été en contact.

Les compléments de but:
Tous les langages créoles étudiés montrent des similarités avec le HCE.
A ce propos, le choix de la particule, soit fo, fi, foe; ou al go, go, que l’on peut rapprocher de termes anglais montre que l’identité dans le choix des termes est non seulement sémantique et syntaxique, mais qu’elle s’étend au choix lexical à travers diverses civilisations, et il est possible de penser qu’à la base chacun possédait un programme spécifique de construction du langage.

Les pronoms relatifs et les sujets :
Là il existe quelques différences, car la plupart des créoles ont des pronoms relatifs, au moins quand le nom est sujet aussi de la relative, mais pas HCE. Ceci dit, nous n’avons aucune preuve que les pronoms relatifs apparurent immédiatement avec le créole. Il y a quelques variantes dans le crioulo (créole américain, fils d’espagnols) et le créole seychellois, où la particule i se place entre sujet et l’action mais est aussi la troisième personne, et encore peut marquer le présent. Parfois encore, il introduit la fonction relative se détachant du nom sujet. Pour conclure, à l’observation des ces structures grammaticales, nous constatons, que les innovations faites par les HCE, furent identiques à celles faites par les autres civilisations créoles, pour la plupart, avec quelques changements seulement dans les détails. Voyons de suite d’autres domaines où les similitudes sont fortes :

La négation :
En général, en créole, dans une phrase négative, les sujets et phrases verbales indéfinies doivent comme le verbe être à la forme négative. Toutefois, alors que les phrases verbales négatives sont communes, le sujet et le verbe seuls négatifs sont rares.

L’existentiel ( il y a ) et la possession :
Dans tous les créoles, on utilise le même vocabulaire pour exprimer le" il" y a et la possession :
Ex3: Dem get wan uman we get gyal-pikni(CG) : there is a woman who has a daughter.
HCE et SC ont des négations comme nomo et napa ;

Ex4: there isn’t any work : nomo wok, que l’on peut trouver dans d’autres créoles, mais dans le cas de HCE, il s’agit d’une réminiscence du pidgin antécédent

Les termes de liaison :
Pratiquement tous les créoles sont identiques sur ce sujet. Les adjectifs sont " des verbes de surface " en créole et ne nécessitent pas d’adverbe de lien. Les locutions (groupe de mots ayant valeur grammaticale / sémantique d’un mot unique) sont introduites par le verbe qui normalement se limite à cette fonction. Les zones les plus fortement influencées par le substrat existant n’ont aucun adverbe de lien, même si le i tend parfois à jouer le rôle de différenciation entre deux groupes nominaux.
Malgré les différences, notons que ces mot ou adverbes (néanmoins, pourtant) de liaison sont peu mentionnés, et chaque forme nominale est séparée sémantiquement selon leur fonction : attribution avec l’adjectif, localisation avec l’adverbe de lieu….

Les adjectifs comme verbes :
Dans beaucoup de créole l’adjectif est considéré comme une forme de sous catégorie de verbe d’état.
Ex 4’ : CG : I wok = he worked
A wok i wok = work, that’s what he did.
I wiiri = he is tired.
A wiiri i wiiri = tired, that’s what he is.

Le questionnement :
Aucun créole ne montre une différence entre l’assertion et le questionnement ; les points d’interrogation, quand ils apparaissent sont à la fin et optionnels.

Les pronoms interrogatifs :
Ils sont transformés en créole en deux morphèmes, le premier qui vient d’un mot anglais créole : we, wi ou wa ( which ou what), le deuxième qui vient du français ki (qui), que, et en portugais créole ke pour que.
Ex 5 : Where have you been ? = wisaid yu bin de?
En SC et RC " ki bor " qui bord en français et which edge en anglais.
Ce que nous ne voyons pas dans le HCE (issu de langues déjà développées).

Les formes passives :
Elles sont très rares en créole. Pour tout verbe transitif, le NVN sera interprété comme l’acteur, action et patient- alors que tout NV sera interprété comme patient et action.
Ex 6 : dem plaan di tri= they planted the tree,
Ex 7:Di tri plaan= the tree was planted.

Le HCE montre des similitudes avec le créole dans 4 cas (existentiel/possessif, adjective comme verbe, questions et passifs équivalents). Une petite identité avec un cas pour les particules de liaison, et peu de similarité pour deux (négation et pronoms interrogatifs).

Le degré de similitude est intéressant si l’on considère que toutes les civilisations créoles n’ont pas partagé avec elle le même substrat, sauf peut-être un peu de portugais, que l’on retrouve seulement dans le HCE avec stei qui aurait pu subir cette influence.
Le seul point commun, c’est que toutes ces civilisations ont plus ou moins subi un langage européen, mais comme nous avons observé de nombreuses différences entre ces langues, personne ne peut dire que le créole peut revendiquer la paternité européenne, sinon le créole serait comme l’enfant désagréable qui ferait l’inverse de ce que lui disent ses parents.

Il y a eu des critiques et des comparaisons à partir de ces recherches : Muysken a travaillé sur six autres langues : Papiamentu, Negerhollands, Senegal kriol, Seychellois, Tok Pisin et Sao Tomense. Deux de ces langages étudiés sont à rejeter : le Tok Pisin car il n’a pas été élaboré dans les mêmes conditions que le créole. Le créole sénégalais a été décrit par lui-même comme une inter langue tribale et française…
Le Negerhollands est une langue morte retranscrite uniquement par les missionnaires connus pour produire des variétés de pidgin et de créole peu fiables. Pour les autres civilisations l’auteur pense que les recherches sont incomplètes ou sujettes à controverse. (Je passe donc volontairement sur l’analyse de Sao Tomense et Papiamentu où l’auteur parle des emprunts au Portugais au sujet de la notion de temps, que l’on retrouve à Tok Pisin. Le problème étant de savoir s’il s’agit d’une extension du pidgin originel ou une création de la première génération créole.)
Le fait est que dans les civilisations où l’on trouve des formes antérieures, les références passées mobiles ne sont pas marquées, alors que les références statiques du passé sont marquées.
Au départ dans les deux langues suivantes HCE et CG, alors que le phénomène de la dé créolisation est bien compris, le changement entre la marque de l’antériorité et la marque du passé fut une des premiers marqueurs de l’influence de la super strate. Problème des marqueurs du passé à Papiamentu. Diverses analyses sur la particule (fi)n au départ associée à ti [ for to ], qui peu à peu laisse tomber le ti et qui devient un 9° terme dans le système classique créole. Qui a son équivalent en SC : pu a (ce qui revint au même au niveau du sens).Bill has come to see you = Bil (don) kom fi sii yu. CG.
Une autre particule : ti n qui dans certains cas, marquera l’antériorité d’un évènement par rapport à un autre déjà au passé. Quand il entra dans la pièce, j’avais déjà fini de manger ma banane : = letä mô ti âtre dâ lasam, i ti n fini mâz sô banan = le temps qu’il entre dans la salle… en SC
Donc la notion des différents temps est clairement élaborée par des particules qui servent de marqueurs et qui se réfèrent parfois phonétiquement à des langues des super strates. En fait chaque civilisation créole a donné une réponse à la question du temps, du mode et de l’aspect TMA, parfois en construisant un système inédit, qui règle la position de l’auxiliaire, des compléments etc…

Pour l’instant, donc, l’analyse des exemples et contre exemples est influencée par trois facteurs :
Des données plus ou moins justes et plus ou moins acceptées ;
Une plus ou moins longue période de pidginisation, qui a permis à certaines structures de s’implanter.
Les changements dus aux contacts divers, subséquent à la créolisation.

Une dernière différence par exemple avec l’anglais, est dans l’usage chez les créoles des verbes de perception :
I can hear them playing trombones =ex 7: en CG mi hia drom a nak = i heard drums beating.

Il y a des constructions non –finies en anglais qui deviennent en créole des constructions finies par le détail nommé de la perception. Ce qui peut nous amener à penser qu’il n’y a pas en créole de structures non finies.
Notons encore la présence de verbes de distinction, de détail, de spécificité… qui sont des indicateurs d’expressions d’un fait, comme le ferait ( en mieux) une préposition :
Ex 8: instrumental : Djuka : a teke nefi koti a meti= he take knife cut the meat = he cut the meat with a knife
Que l’on peut retrouver dans les langues ouest africaines, mais dont nous pensons que le développement s’est fait indépendamment.

Bilan :
En général, dans les langues créoles :
- les phrases sont finies et conjuguées selon des temps déterminés
- Au niveau de la classification des actions (verbes sériels) : quand la super strate a mis à disposition des prépositions, le créole les choisira pour détailler l’action, mais en leur absence, il optera volontiers une sérialisation des faits. Ce fut généralement réinventé plutôt que sélectionné ; Absence de verbes de spécificité en HCE qui est parfois interprété comme manque de rapport avec la culture africaine, mais je pense qu’ils auraient utilisé ce système s’ils n’avaient pas eu d’autres indicateurs de faits.
- Ex 9 : dei wan get naif pok yu = they want to stab you with a knife

- Nous remarquons que malgré le temps qui est nécessaire à l’élaboration du langage créole, la plupart des créoles sont en contact avec les super strates, et les similitudes sont fréquentes, qui ne sont pas de simples coïncidences et pas non plus une pure transmission. Ce qui montre que ces langues se sont élaborées selon un schéma presque commun malgré la situation géographique ; les seules différences entre les créoles au moment de la créolisation est la différence de nature (de qualité) entre les pidgins antécédents et en particulier l’influence qu’auraient pu avoir sur eux les super strates linguistiques, et donc qui étaient accessibles à des enfants de parents parlant pidgin.

Curieusement, les problèmes rencontrés ont été plus ou moins résolus de façon similaire, ce qui me porte à penser à nouveau à l’idée d’un bio programme pour l’humain, que l’on peut rapprocher de celui qui fait que l’enfant apprend à marcher : les parents le soutiennent mais ne lui montrent pas réellement comme s’il suivait un apprentissage, les pas de la marche. Après la 1ère impulsion, il évolue seul. Il en est de même pour le mental humain (Piaget a bien montré comment la connaissance humaine suit un développement progressif selon des axes prédéterminés et adaptatifs). Il en est de même pour l'enfant qui va actualiser son schéma linguistique selon les données de son bio programme. Bien sûr, il n’est pas noté que l’enfant connaît à la naissance son bio programme, celui-ci se construit en même temps que le corps se construit, évoluant de façon appropriée, en fonction d’un contexte précis. Toutefois, notons que les enfants ne vivent pas dans une bulle et qu’ils la langue des parents comme modèle, donc il y aura une interaction constante entre les deux.

Ch3 : Acquisition :
Pour ce chapitre l’auteur fait appel à diverses recherches de linguistes qu’il va plus ou moins accréditer.
Certaines recherches, comme celles de Chomsky (1962), posent que l’enfant acquiert le langage à partir de données linguistiques, plus ou moins " dégénérées ", faites de fragments de phrases, de pseudo-phrases avec une marge d’erreur qui rendrait le langage naturel un reflet d’un langage arrivé à maturité en contact avec lui. Ainsi il aurait à le tamiser, et il ne pourrait le faire que s’il a en lui, inné et génétiquement transmis " un dessein, un projet d’acquisition du langage " ( langage aquisition device = LAD). Or, comme il est connu que l’enfant n’émet pas, instantanément les bonnes hypothèses, et passe par des étapes régulières d’assimilation approximatives
des structures adultes, ce qui aurait été intéressant, c’est de savoir, quelles structures sont acquises en premier et pourquoi. Malheureusement ceci n'a pas été fait, au profit de continuelles révisions de cette théorie, ce qui en fait, n’est pas suffisant.
Il est commun de penser que la mère modèle son langage pour l’enfant en se mettant à son niveau ; loin d’être dégénérées, les données sont plutôt adaptées, contextualisées et patiemment répétées. Bruner en 1979 dit " les mères enseignent à leurs enfants comment parler ", posant ainsi comme évident qu’aucun composant inné pour le langage n’existe à la naissance.
Malheureusement ceci est faux : et l’on peut se servir de l’étude du créole pour le prouver : les mères ne peuvent pas enseigner ceci à leurs enfants puisqu’ elles-mêmes ne connaissaient pas le langage, celui-ci étant inexistant. Pourtant les enfants ont appris comment parler. Si, bien sûr, dans la plupart des cas, la mère apprend à l’enfant, il ne faut pas en conclure que l’enfant apprend parce que la mère enseigne. Nous avons même montré l’inverse : même un langage solidement ancré chez la mère n’est pas la condition nécessaire à l’acquisition de l’enfant, ( même si elle aide à une plus rapide et performante acquisition), sinon, le créole n’existerait pas. Ce que nous voulons dire c’est que si nous persistons à croire qu’il faut un fond solide pour apprendre, nous continuerons à nous tromper complètement sur la façon dont un langage naturel se développe. L’enfant ne pourrait apprendre sans un programme génétique qui lui permet d’apprendre.
Comment l’enfant acquiert des structures syntaxiques et sémantiques relativement complexes, pouvant être utilisées sans erreur ?
Cromer ( 1976) observe le concept de " stratégie de l‘acquisition ", nous informe de quelques possibilités pour rentrer dans le système linguistique, mais ne nous informe pas sur la façon dont l’enfant acquiert le langage. C’est - à dire que les stratégies relèvent d’un ensemble de performances, mais le problème est : comment passe-t-on de la performance à la compétence ? Pour cela référons- nous à la littérature existante, dans la mesure où elle informe notre sujet. Dans les années 1970, il fut admis que pour résoudre ce problème il fallait mesurer de façon précise les formules acquises dans un ordre hiérarchique, selon leur complexité. Mais les enfants sont des créatures tellement désordonnées qu’elles semblent se coucher sans avoir rien appris et le lendemain au réveil, une nouvelle structure semble apparaître, comme le montre l’idée de Chomsky de " l’acquisition instantanée " qui fait qu’ils vont insister de façon entêtée sur la présence ou l’absence de modules linguistiques selon un contexte approprié ou inapproprié, pendant de semaines, des mois et parfois des années.

Il serait toutefois absurde de penser que le langage " inné " et les stratégies évoquées seraient perpétuellement en guerre, car leur interaction doit former l’objet de l’étude de l’acquisition du langage.
Pour commencer, notons que les " hypothèses incorrectes " émises par l’enfant n’ont de rapport ni avec le terrain dans lequel évolue l’enfant, ni dans aucune des théories déjà élaborées. Ces hypothèses sont la plupart du temps et de façon évidente similaires à certaines structures du créole, et renforcent l’hypothèse d’une théorie du bio programme.
Il y a dans la langue des structures que l’enfant mettra beaucoup de temps à acquérir, alors que d’autres ne paraissent pas lui poser de problèmes. On pourrait penser que cela vient de la difficulté des premières, mais là aussi il faut relativiser. La notion de facile ou de difficile pour l’enfant est difficile à évaluer. Si nous n’avions auparavant acquis un quelconque langage, nous n’aurions aucun élément de comparaison et c’est le fait d’avoir déjà appris qui nous permet d’évaluer la difficulté.
Tout ce que nous pouvons dire est que l’enfant est prédisposé, programmé pour l’apprendre entre autres choses.
Si, comme nous allons le voir, ce que l’enfant apprend sans effort, presque naturellement, s’avère être des structures que nous retrouvons dans le créole, que les créoles des premières générations ont acquis sans " terrain ", sans expérience directe, sans l’aide de la mère, avec des références abstraites connues que des linguistes, alors nous pouvons penser que cela est dû au fonctionnement d’un bio programme inné dont nous avons émis l’hypothèse.
Prenons un exemple : la distinction entre le spécifique et le non spécifique : le SNSD : specific-nonspecific distinction
Nous avons vu que dans le créole, nous utilisons tantôt des déterminants ou rien devant le nom. Ce que nous trouvons en anglais mais de façon " transversale ".
Maratsos a prouvé par des expériences faites avec des enfants anglais que le SNSD est parfaitement acquis à l’âge de trois ans : en anglais défini = the ; indéfini = a, an = 2 classes de déterminants. A l’aide de questions, il obtint 90% de réussite à trois ans, et plus à quatre ans.
Ce que l’on peut associer à l’acquisition du pluriel qui arrive au même âge qui pourrait faciliter les choses. Or, deux morphèmes ont une référence spécifique : a et the alors qu’un morphème a deux significations : a peut être spécifique et non spécifique.
Ex 10 : your sister wants a dog – any kind of dog ( NS)
Your sister wants a dog- and it is that one ( S)
En fait pour comprendre, il faut faire appel à une séquence de a a ou une séquence de a the, ...
Il est difficile de dire que l’enfant va comprendre par l’analyse d’un contexte purement linguistique ! Par contre, il peut comprendre par un rapport affectif ou d’intérêt avec quelque chose de physique qu’il peut toucher, qu’il peut expérimenter.
Mais comment l’enfant peut-il créer de l’abstrait à partir de quelque chose de concret ?
Pour le pluriel, il peut voir s’il a un jouet ou plusieurs, s’il peut manger un cookie ou plusieurs cookies, donc son champ perceptif entre en jeu.
On peut également penser que the marque des agents actifs alors que a marque des sujets passifs. Affirmer qu’il peut faire cette différenciation, c’est affirmer qu’il est programmé pour cela. Ce qui est conforté par les données sur le créole que nous avons étudié précédemment : nous avons vu que le SNSD fut acquis par la première génération à Hawaï, alors que leurs parents ne l’avaient pas acquis, et que ceci concernait pratiquement tous les créoles.
La distinction entre les états et les actions : state-process distinction = SPD.
Ayant un rapport direct avec le temps progressif anglais formé par ing.
En général l’acquisition d’un nouveau modèle par l’enfant est étudiée pour pouvoir le généraliser ce qui a été fait par Cazden (1968). La forme ing est acquise avant la forme ed. Comme certains verbes ne prennent pas ed, il y a des verbes qui ne prennent pas ing comme like, want, know, see….
Ces verbes sont connus des enfants, aussi connus que certains verbes irréguliers auxquels ils mettent par erreur, ed. Pourtant apparemment ils ne placent pas ing à la fin d’un verbe d’état (statives verbs). Parfois, il arrive que les enfants mettent par erreur, ing à un nom, mais seulement si ces noms peuvent être non- statiques :
ex : it is weathering !
Brown ( 1973) pense que l’enfant va élaborer involontairement des concepts avant trois ans, qu’il va expérimenter ensuite. L’enfant apprend, au contact de sa mère, l’ing, également à l’aide de l’impératif qui deviendra progressif, c’est à dire qu’un présent continu, ne peut être utilisé à l’impératif. Ainsi, il se corrige seul, en observant les autres formes du verbe et ainsi peut éliminer les erreurs.
Mais la négation ne peut fonctionner comme cela. L’enfant acquiert certains morphèmes par l’intérêt qu’il y porte : est- ce que ceci va arriver ou pas ?
Aussi, l’acquisition du SPD passera par un certain nombre d’émotions, de contentement et non pas par une analyse pragmatique de l’impératif. Car en fait, pour un enfant I seeing pussy, sera aussi grammatical que I playing something, donc il n’y a que la thèse de la programmation innée qui explique cela, thèse que Brown a étudié d’ailleurs, mais qu’il a finalement rejetée, du fait de ce qu’il a appelé ses " fatal difficulties ".
Si nous nous reportons au créole : les actions animées ne sont pas distinguées des autres types d’actions et les verbes transitifs ne sont pas distingués des verbes intransitifs, c’est même plutôt le contraire. (int : verbes ne pouvant être suivis de cod : mourir, parler, aller ; t : qui est suivi d’un cod : je mange un fruit. L’intransitif ne peut être mis à la forme passive.)

Il ne faut pas penser que le langage est le même partout, sinon, chacune de ses caractéristiques seraient dues à l’inné. Or, notre théorie est dynamique, évolutive, a un commencement, et une séquence de développements qui sont recyclés, de différentes façons aussi bien dans le créole que dans l’acquisition du langage de l’enfant. Ce qui est inné est ce qui était là au début de la séquence qui n’inclut pas que cela doive persister. En d’autres mots le SPD est présumé être inné, non par son universalité mais parce qu’il joue un rôle crucial dans la grammaire créole, où le verbe d’action et le verbe d’état est différencié par le fait qu’un marqueur " non ponctuel " n’est jamais attaché au second. Mais ce n’est pas la seule différence entre les deux catégories. La relation au temps est importante aussi.
Dans les langues indo-européennes, la même marque de différenciation se retrouve dans tous les temps. En créole, il y aura une différence entre le présent et le passé des verbes statifs et non statifs. Transversalité dans le système des verbes avec une distribution particulière pour le non ponctuel.
Les Turcs ont aussi deux morphèmes pour marquer le passé : dl pour le discours direct et mls pour le discours indirect. La plupart des formes verbales sont acquises avant trois ans, et bien que l’on retrouve ces formes ailleurs, comme chez les Hopi d’Amérique, ils sont complètement inconnus des créoles.
La forme directe/indirecte ne semble pas faire partie du bio- programme, donc les acquisitions qui n’en font pas partie et qui émergent de façon naturelle dans le langage, sont sujettes à ré interprétation durant le processus d’acquisition.
Nous pouvons placer le SPD près du SNSD, comme deuxième distinction sémantique, mais alors pourquoi trouve – t-on ces différences sur des systèmes TMA( temps, modalités, aspect), si le programme génétique est universel ?
Il faut pour cela tenir compte de l’environnement de l’enfant, ce qui peut affecter le TMA system, et on suppose que l’enfant assimile ce système de sa mère, après 4 ans ; il serait irréaliste d’espérer qu’un enfant à n’importe quel âge nous montre un parfait système créole TMA, bien qu’il en maîtrise certains aspects, de façon tranversale.
Le passé :le ponctuel et non ponctuel :
En créole, le passé n’est pas une catégorie, mais avec la créolisation, des marqueurs du passé apparaissent sporadiquement comme chez l’enfant. Mais dans ce cas, il se réfère plus à la ponctualité qu’au passé lui-même.
Pour expliquer cela, venons à l’analyse de Bronckart et Sinclair ( 1973), notant que lorsque l’on demandait à un enfant d’utiliser le passé, il était influencé par la durée de l’action : Le présent français est un aspect non ponctuel qui ne s’étend pas au passé (contrairement au créole), mais comme un aspect non ponctuel créole, il concerne les évènements répétés et qui ont une durée. En français le passé composé se limite aux évènements ponctuels alors que l’imparfait traite des évènements non ponctuels.
En conclusion, quand les Français usent de temps différents pour des évènements passés, ils font comme le créole qui marque toujours les éléments ponctuels différemment des autres.
Le PNPD ( ponctual-non ponctual distinction) est acquis, d’après eux vers l’âge de 6 ans, mais il faut souligner, en plus la similitude entre le français et le créole au niveau du fonctionnement.
Cette différentiation se fait aussi dans la qualité du verbe : certains comme sauter ou taper peuvent exprimer une action répétée alors que pousser ou rouler s’appliquent plus a une action ponctuelle. Ainsi l’acquisition du PNPD dépend de la maturité de l’enfant, qui distingue la durée de la répétition.
Rappelons qu’un vrai bio programme va se développer et changer comme se développe et change une maison, en fonction des capacités cognitives de l ‘enfant, il composera avec les composants linguistiques et les modifiera peu à peu.
Antinucci et Miller ( 1976) à propos des temps en italien, constatent que l’on utilise l’imparfait pour ce qui est ponctuel et le participe pour ce qui est non ponctuel.
Ainsi le même bio programme donne des résultas de surface différents. Pourquoi ?
Si les acquisitions ne se font pas dans le même ordre et dans le même sens c’est que les enfants développent à leurs rythmes des sous -systèmes qu’ils intègrent ensuite au système global.
Tableau p 178, pour montrer l’évolution différente pour arriver au même résultat final.
Notons que la notion de présent diffère dans les deux langues :
Anglais : habitude et répétition, une forme distincte pour le présent progressif
Italien : progression et durée aussi. Pas de forme distincte pour le présent progressif.
Toutefois malgré les différences de départ, ils arrivent au même résultat.
Maintenant la différence entre un enfant créole et un italien ou français. Les deux derniers ont déjà sous la main un certain nombre de formes verbales, alors que le créole n’a rien. Il choisira donc, de marquer par opposition plutôt les évènements non ponctuels, ceci sans doute en référence à ce que Jakobson pense, dans la vie il y a plus d'évènements ponctuels que non ponctuels qui de ce fait se remarquent mieux.
Mais dans les deux cas, malgré les différences, le bio programme a sa demande satisfaite dans cette distinction.
D’autres exemples sont pris pour les compléments : les enfants n’éprouvent pas le besoin d’insérer une phrase dans une phrase,, mais comme le font certains créoles, ceci sans doute du fait de l’existence de prépositions pour différencier les cas.

Le questionnement :
Au départ de l’acquisition du langage, il n’y a pas d’inversion du sujet / auxiliaire, ce qui se met en place très lentement.
Le bio programme suppose que l’on peut distinguer la double singularité de la relation entre la forme- fonction et la forme – signification, ce que les enfants et les créoles s’efforcent de faire avec succès. Pour les créoles (qui usent d’intonation), ce mouvement d’inversion a une seule fonction expressive différente de la mise en valeur d’un fait et éventuellement d’une présupposition. L’anglais va donc à l’inverse du bio programme en inversant sujet et verbe pour distinguer les questions des assertions.

La négation : d’après Kilma et Bellugi (1966)
Très rapidement le no et not entre en jeu puis le can't et don’t, celui –ci surtout confiné aux verbes statifs et impératifs. Can’t et don’t se superposent probablement : bio programme et répétition parentale. L’on pense généralement que le créole et le langage des enfants sont des formes " cassées " du langage soit des parents soit de la super strate, mais on peut aussi dire que tous deux sont obligés de changer leur comportement naturel face à un bombardement des adultes.
Car des similitudes sont aussi, ici, remarquables : comme dans le créole le langage enfantin utilise le même morphème pour la négation et la dénégation : ex 11: he no bite you.
Comme lui, il insère le mot négatif directement après le sujet, avant tout verbe ou auxiliaire.
Pour résumer, l’adaptation de son programme à l’environnement et comme le créole, devant le processus de dé créolisation, se fait par l’acquisition de nouvelles formes d’abord, puis de nouvelles fonctions : il y a donc assimilation d’abord et accommodation ensuite.

Les constructions causales : (causative- non causative distinction = CNCD)
Il y a de nombreuses façons de les distinguer, cette distinction se marquant soit sur le sujet soit sur le verbe, qui se distingue par le transitif ou l’intransitif ; ex : the door opened, bill opened the door.

Slobin ( 1978) fit une étude sur les langues anglaises, italienne, serbo croates et turques. En anglais, serbo croate et italien, l’usage de deux verbes, comme made et run : I made the camel run, est commun bien que cela soit acquis à des âges différents : entre trois et quatre ans.
Mais les Turcs utilisent un seul verbe et un préfixe ou suffixe au verbe. L’acquisition de la structure verbe + affixe est plus facile à acquérir ; on la retrouve dans le Kaluli en Nouvelle – Guinée, que celle composée de deux verbes qui suppose deux clauses et un verbe de cause. Ce que nous ne trouvons pas chez les créoles. Or, pour se référer au bio programme en fait chez les Turcs et Kaluli, cette différenciation est déjà marquée par l’addition d’une particule au verbe. Toutefois, Bowerman ( 1974) a montré que les enfants, autour de l’âge de trois ans emploient souvent des verbes intransitifs ( non causal) dans des phrases causales.
ex 12 : mommy, can you stay this open ? (make this stay open, keep this open). Ainsi, à cet âge la différenciation entre le verbe et l’adjectif est aussi ténue que dans le créole. Si l’acquisition se fait plus tard, c’est encore sous l’influence du terrain. Tout ceci met en cause la présence d’une stratégie de l’acquisition car alors le Kaluli retrouverait au bout de son cheminement les mêmes principes de construction que l’anglais. Mais les deux cas ne sont pas comparables puisqu’en Kaluli, il y a une distinction sémantique et pragmatique entre le sujet qui cause l’action et celui qui ne le fait pas.
Distinction que l’on ne retrouve pas en anglais. Seule, là, l’expérience peut dire que " le jockey marche
le cheval " ou " le jockey galope le cheval " est correct alors que " le jockey court le cheval " est incorrect. Ainsi, si l’enfant émet des hypothèses, elles vont être différentes de celles émise par les Kaluli. Ce qu’il faut retenir, ce ne sont pas les stratégies mais le fait que l’enfant d’où qu’il vienne choisira toujours la meilleure et la plus juste réponse à son problème. ( Bio programme). Si l’enfant peut apprendre une langue, c’est qu’il connaît déjà une langue en lui.
Fodor ( 1975) défend cette idée. Jusqu’à ce jour, aucune contestation plausible de cette idée n’a été émise, bien qu’il y ait une forte résistance contre l’idée d’un langage inné. Mais retenons que l’enfant apprend la différence entre le langage bio programmé et l’anglais par exemple et il utilise donc des stratégies adaptatives pour s’y fondre. Pour l’enfant créole, il faut noter qu’il acquiert le langage avec une faible marge d’erreur et dans un temps très restreint, ce qui confirme le bio programme.
Même si nous pouvons prouver que le langage s’apprend, le problème de l’origine du premier langage n’est pas éclairci. Il est plus sûr de penser que l’être humain a été formaté pour créer et inventer des structures répondant à ses besoins, qui permirent d’élaborer un langage.

Ch4 : les origines
La linguistique est relativement statique dans ses recherches et l’auteur pense qu’il faut retourner aux origines pour en comprendre le cheminement. Même si Saussure et Chomsky ont fait avancer cette science (par une idéalisation du langage), si Flinstones s’est approché de l’origine du langage, le problème semble que l’on ne soit pas allé assez loin en arrière. Ici, l’auteur n’ira pas plus loin que le Dryopithecus, dans sa recherche ( dryopithèque : singe fossile ancêtre de l’oran-outang et l’homme). Pour cela il s’appuie sur le paradoxe de continuité : d’une part, tous les développements adaptatifs se sont produit selon un processus régulier d’évolution, comme le langage, ayant évolué à partir d’une base de communication des mammifères. Mais, l’évolution n’est pas seulement quantitative mais qualitative et il y a comme un gouffre entre le système abstrait et complexe du langage et le système le plus abstrait et complexe que l’on connaisse chez les mammifères.
Donc, le langage ne peut être dû uniquement à des données propres aux mammifères, car là, l’évolution n’est pas la même. En fait pour comprendre, il faut prendre en compte les diverses interactions, qui se sont mêlées et développées pour des raisons diverses.
Tout d’abord, le langage est un système de communication. Young (1978) pense qu’il est avant tout interne, mais bien sûr, il sert à échanger. De nombreuses recherches disent plus ou moins implicitement que l’on est passé du premier cri a une langue complexe par des stades progressifs. Stephenson (1979) pense que nos ancêtres, alors qu’ils étaient davantage proies que chasseurs auraient remplacé leurs premiers vocables par des signes qui disparurent dès qu’ils se sentirent plus forts face à l’environnement. Donc la voix et le mot revinrent. La seule différence qui réside dans ce système de communication est le niveau de complexité du message émis. Or, le langage ne dépend pas que de la complexité, mais surtout de la capacité d’abstraction qui permet de sérier en unités des objets, des évènements, …et surtout de les différencier selon leur spécificité. Le système d’échange : " système d’appel " émet des stimulus alors que le langage communique des concepts.
Cette complexité est liée à la perception, il y a donc une image mentale pour ce qui est perçu et ce qui est conçu. Le problème reste à savoir : comment une perception peut devenir un souvenir, une mémoire ? En fait l’auteur pense qu’on emmagasine plus des traits spécifiques, des " figures " que des images. Ce qui veut dire que les images individuelles ne seraient pas forcément " rangées " ensemble selon leurs catégories, alors que le rangement d’objets dissemblables pourrait être possible.
Pour comprendre, il faut retourner loin en arrière dans le moule des mammifères : les mammifères rêvent alors que les reptiles ne le font pas. Or, le rêve fait appel à la mémoire, au rangement à la classification.
Pourquoi a-t-on développé ces capacités ? Des créatures vivant une vie simple, nécessitent un programme simple. Des sujets susceptibles de se battre, se défendre… ne développeront pas les mêmes schémas : pour leur survie, l’échelle de leur capacité doit être plus étendue, ce qui a dû se produire pour Dryopithecus, notre ancêtre et celui des chimpanzés.
Maintenant comment les perceptions deviennent des concepts ?
Prenons l’exemple paru dans un magazine sur les chasseurs victimes de la chasse. Des accidents fréquents arrivent de chasseurs, pris et avec certitude pour des cerfs et donc tués. D’une image partielle de la forme, couleur et texture, l’esprit associe un
fantôme du cerf et réagit en tirant, avant que l’instinct remplace l’image projetée par la réelle.

Fig4.1 " the minimal flower”.

Ce que l’on voit 9/10, c’est une fleur et non une ligne avec un point et d’autres lignes rayonnantes. Le fait de pouvoir induire des images, se substitue à l’idée de concepts de spécificité. Les chasseurs ne projetaient pas une image d’un cerf spécifique, mais celle de n’importe quel membre de la classe " cerf ". Berlin ( 1972) a montré que les noms génériques sont plus nombreux dans les langages naturels, subjectivement perçu comme " premiers ", les premiers a être appris par les enfants.
Pourquoi ? Sans doute parce que les différences de comportement furent les plus importantes pour nos ancêtres, dans le but de repérer ou de reconnaître.
Il ne faut pas non plus isoler perception et concepts : les concepts sont délimités en termes de l’un et l’autre alors que les perceptions sont seulement relatives à elles-mêmes. Les perceptions habitent les concepts, mais le concept n’est pas la somme de ces perceptions.
Ex : le chapeau de ma tante Emma est une perception, appartient au concept du chapeau, mais pas à celui de la montagne. Le pain de sucre, une perception, appartient au concept de montagne mais pas à celui de forme curviligne. C’est parce que je sais que les montagnes se trouvent sur une carte que je ne m’attends pas à trouver un pain de sucre sur la tête de ma tante Emma. Chaque chose a une place différente, associée à un contexte. Ce sont ces concepts qui sont nommés et non les perceptions.
Ces images et concepts sont placées différemment selon leur spécificité dans nos mémoires grâce au système neurologique. Ainsi des éléments abstraits et très loin du niveau d’un enfant de deux ans, seraient appliqués automatiquement et simultanément aux enfants comme un langage cible. En fait, l’auteur suggère que : plutôt que de penser que ces deux catégories: spécifiques et non spécifiques, basées sur des modes de codage et d’enregistrement différents, furent les premières à être grammaticalisées, ce furent en fait une sorte de socle sur lequel à pu se développer le langage d’un niveau assez bas et de structures simples, à des structures complexes.

Mounin (1976) étude sur le chimpanzé :
Le fait de donner un nom à des objets différents dans la même classe, et leur fréquente généralisation aux noms de classes frontières, très proche, plus ou moins similaires, montre que pour eux les noms sont des classes de noms, des étiquettes et non des liens liés à un événement particulier. Ex : on donne au singe le nom de pomme pour une pomme et on lui apprend la couleur orange. Pour qualifier l’orange, il ira plus loin que ce qu’on lui a appris en la nommant pomme-orange. Donc il crée là, un nouveau signifiant. On peut penser que Sarah, le singe en question (et son espèce) portait déjà un monde intérieur de concept, non de perceptions, sinon, elle n’aurait pu projeter un nom sur un objet d’une autre classe.
Certains mots furent crées aussi par similitude de caractéristique ; ex : pour la couleur, on peut penser qu’il y a une similitude dans la perception des couleurs, mais la terminologie est loin d’être universelle. Que se passe-t-il pour une civilisation qui ne connaît que le clair et foncé ?
Autre Ex : il existe un terme qui associe deux couleurs bleu et vert en " grue " alors que l’on ne trouve pas d’équivalent de yellue. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de rapport de contiguïté entre le jaune et le bleu, donc la perception de la couleur est ici intéressante pour l’élaboration du mot. Il a été établi que la contiguïté spatio temporelle est une condition pour créer un nom. La couleur n’a pas été acquise en un
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bloc, il est probable que furent assimilés d’abord le clair et sombre, puis le vert et bleu, puis le rouge à l’opposé du spectre, ensuite le jaune et enfin, la distinction du noir et blanc, au lieu de clair et sombre. Ces distinctions furent assimilées par nos neurones, puis grammaticalisés très tôt dans la course du développement des mammifères d’abord puis dans la course du développement humain ensuite.
Le terrain sémantique :
a- Les prédictions qui ont semblé indispensable au développement d’un système linguistique structuré : l’existence, la localisation, la possession et la propriété. Eve Clark en 1970 a étudié 50 langues et a trouvé des similitudes syntaxiques assez importantes, mais beaucoup moins de similitudes au niveau lexical. L’espace sémantique figuré dans la figure 4.2 est aussi structuré qu’un espace réel et seuls des espaces contigus peuvent être joints lexicalement : ex : propriété et existence/ possession et localisation ( situation). Ce que nous trouvons dans les 50 langues étudiées, dans le créole et dans encore 30 langues, ce qui fait au total environ 100 langues. Là aussi la contiguïté est importante.
b- Tableau n°4.2
Nommer des espèces et des couleurs est absolument exclusif, c'est un processus de différenciation. Or pour ces quatre catégories, ce qui intervient en plus est un rapport de relations : l’existence et la possession peuvent être à la fois concrète et abstraite alors que la situation et la possession font appel à des notions concrètes. A ce schéma, il faut ajouter les notions de défini et indéfini, général et autres, qui en principe sont à la base des articles ; ces notions, classées, sont la base d’un espace sémantique structuré et forment la " matière " qui a pu rendre possible la communication dans l’usage de la langue. Ajoutons à cela l’ensemble des cas étudiés qui prennent en compte différemment les répétitions et les durées et donc la situation et la qualité d’un événement dans le temps : distinguons l’habitude, le passé, le conditionnel et le futur (irréalisés) et le présent (spécifique).
Et nous avons là, la base d’une structure linguistique.
Retournons à l’évolution : c’est la capacité à analyser et à prédire qui permit à l’être humain d’évoluer. Or, si tous les dryopithecus avaient les mêmes données évolutives que nous, pourquoi le langage a -t-il mis autant de temps à exister et pourquoi les singes ne l’utilisent -ils pas comme nous ? Ils avaient pour communiquer seulement les gestes et les vocalises. Sans un contrôle complet du cerveau, sur l’un ou l’autre langage, donc volontaire, le langage comme moyen de communication n’aurait pu être possible.
En fait le problème de l’origine est comment A, ayant émis un son, a pu convaincre B que ce son ne correspondait pas à un éclaircissement de la gorge, ou a un mouvement pour faire partir une mouche et était bien un moyen de communiquer . Ensuite, comment A devant la même situation eut l’idée de la représenter avec un geste, un son déjà vu ?
Sans doute, qu’un son émis fut soumis au jeu, à la répétition, à l’expérience et donc à la reconnaissance et l’imitation. De nombreuses suppositions ont été faites, basées essentiellement sur le comportemental, mais qui apportent un élément essentiel à la compréhension : la nécessité de " external modeling " ou de la modèlisation. Ce n’est pas un hasard si les chimpanzés n’ont pu acquérir le langage avant qu’on leur ait appris. Ce n’est pas une défaillance de leur intelligence, bien que leurs limites soient plus étroites. Cela pourrait être que : le saut conceptuel est trop haut pour être fait en une seule enjambée, quelle que soit l ‘espèce – qu’une sorte de modèle externe soit nécessaire ou que le modèle soit intentionnel (comme un humain apprenant le langage à un singe) ou in intentionnel, comme chez les jeunes enfants. De fait, l’idée globale de la communication référentielle aurait été juste un trop gros handicap à dépasser. S'il en est ainsi, il y a une impasse dans la ligne des pongidés ( orang-outan, gorille, chimpanzé) qui n’existe pas dans la ligne humaine.
Chez les autres primates, il n’y a pas la même capacité à contrôler le cortical et à émettre des vocalises qui pourraient être viables pour le langage.

L’essentiel de ce chapitre est que le langage se développa à partir d’un système cognitif nécessaire à l’orientation, la prédiction, (qui nécessite une capacité d’analyse et de classification) etc.. plutôt qu’à partir d’un système de communication antérieure.
Comment ?
Les évènements (comme nous l’avons vu) se sont inscrits dans la mémoire et même si les mots n’étaient pas encore présents, il était sans doute possible de les repenser, mais le dire est un autre problème.
Les premières formes de langage devaient être faites de phrases à une clause : nom verbe. Quand il se stabilisa, des formes plus complexes apparurent : des "marqueurs " et des phrases complexes. En fonction du nombre de consonnes et voyelles données, on peut obtenir un certain nombre de mots monosyllabiques et dissyllabiques. Or, tous les langages connus utilisent insuffisamment tous leurs probables, donc dans un cas comme celui- ci, cela pourrait encourager le fait d’utiliser par exemple, les mêmes formules lexicales pour le causatif et le non causatif. De plus, les langues usant seulement de SVO doivent avoir disparu dès l’apparition de formules plus complexes. De nombreuses hypothèses ont été émises, des stratégies mises en place pour comprendre ce développement, à partir de l’usage d’adverbes, de mots de liens, de formes sémantiques simples et complexes.
L’auteur pense que les prémisses sont les suivantes : nous avons un pont sémantique et nous avons besoin d’un pont sémantique. Le pont sémantique fut trouvé dans l’opposition de deux types de verbes : les verbes descriptifs et les verbes de perceptions. Ensuite un échafaudage particulier permet de placer les mots dans l’espace et le temps : échafaudage donné par le système TMA. Les distinctions faites par le TMA : +- antérieur, +- irréaliste, +- ponctuel sont bien élaborées dans les langues créoles. Or, si ces distinctions ont émergé dans la course de la naturelle acquisition du langage, alors elles représentent les distinctions premières, du plus jeune langage humain, et apparaissent dans tous les cas, du fait de leur évidente naturalité.
Notons que les marqueurs que l’on trouve dans les langues créoles, ne furent pas tous créés en même temps, il y a eu progression. Dans le TMA système, le ponctuel et le non ponctuel est directement relié à des éléments observables, probablement le premier facteur a avoir été grammaticalisé. L’antériorité est déjà une abstraction. L’irréalisme ou le réalisme fait appel à la mémoire, au rêve, propre au mammifère, nous l’avons vu et peut constituer la seconde distinction. Bien que l’observation du langage enfantin ne soit pas probante au niveau des deux dernières distinctions, on suppose que l’antériorité fut la dernière notion acquise dans ce système.

Si le modèle que je propose, que nous trouvons dans le langage originel, dans de nombreux, sinon tous, avec des variantes, les créoles, est correct ; si le langage est l’aboutissement d’une longue période d’évolution biologique ( dépendantes aussi des capacités de notre cerveau qui préexista avant même l’apparition du langage et qui se développèrent en même temps que lui), donc la capacité globale de former le langage est une qualité propre, génétiquement innée, de chaque membre de l’espèce humaine. Bien entendu, aucun langage biologique ne pourrait s’adapter à des êtres différents vivant dans des conditions différentes. Il n’y a pas que le facteur culturel qui puisse changer le langage bio programmé, il y a des facteurs propres aux fondements du langage qui interviennent : exemple : les clauses relatives, l’ordre des mots…
Ce livre ne présente pas une théorie du langage qui s’éloignerait de façon progressive du bio programme, car au contraire, on retrouve des réminiscences de ses données dans de nombreuses situations linguistiques, montrant la prééminence, de par les caractéristiques de surface, de variété, de " classes standard ", ou les données sont minimales et des contacts de langages typologiquement différents.
Polomé ( 1980) pense que le créole n’a aucunement été responsable de changements historiques ; bien que l’on puisse être sceptique, il faut quand même tenir compte de l’idée que l’on peut retrouver des formes créoles dans l’égyptien, le germanique et le vieux japonais. En fait, il aurait raison de dire que la vraie créolisation n’a jamais pris place, mais que ses caractéristiques dérivent d’un bio programme qui est responsable des créoles et de beaucoup d’autres acquisitions, mais dont les effets sont moins visibles et moins radicaux que ceux qui ont donné naissance au créole.

Conclusion :

La théorie présentée soutient que les pré-requis pour l’ acquisition du langage étaient programmés dans l’évolution du mammifère, mais que l’émergence de ce langage ne pouvait se faire qu’avec la capacité de construire des représentations mentales abstraites, des concepts plutôt que des percepts.
Le développement s’est fait en fonction de dons innés ayant un haut potentiel de survie, qui ont permis un plus fort développement que chez d’autres espèces. Ces capacités, préservées, ont pu êtres transmises à d’autres générations etc..
Ce sont ces capacités de passer du particulier à la langue qui ont généré le créole contemporain. Mais l’évolution étant extrêmement rapide en ce qui concerne les langues, le gène bio programmé a dû faire face au fait culturel, ce qui a donné cette diversité. Le langage biologique est resté le même alors que le langage culturel est parti dans toutes les directions. Malgré le fait que l’on puisse dénoncer l’expansion colonialiste et sa mainmise sur les cultures existantes, il faut reconnaître que sans cela nous n’aurions pu analyser la création du langage, ce qui est crucial pour comprendre notre espèce. Rappelons que l’enfant n’apprend pas le langage, il développe son programme génétique qu’il confronte à un langage plus ou moins existant. Parfois, certaines de ces créations peuvent même émerger dans le langage adulte.
Auparavant, les études linguistiques ont ignoré sinon méprisé les langues créoles, considérant ces cultures comme des sous-cultures. En fait, l’étude des langues créoles montre qu’elles ne sont pas dénuées d’intérêt, et qu’elles nous donnent accès aux cheminements en constante évolution qui fondèrent l’humanité.



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