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anthropologie du droit
ethnographie malgache

présentation
3 Éléments d'Ethnographie Réunionnaise
Mots clés : Créolité Ancestralité Citoyenneté Départementalisation Patrimoine
Champs : Anthropologie du développement Anthropologie de l'image Patrimoine
Sociétés créoles Histoire postcoloniale Sociologie des institutions


1- Vingt ans après

2- Barreaux (en construction)
architecture créole

3- "Types de la Réunion" (en construction)
(don à la Société de Géographie du 6 novembre 1885)

4- Ancestralité, communauté, citoyenneté :
les sociétés créoles dans la mondialisation (dossier pédagogique)

5- Madagascar-Réunion :
l'ancestralité (dossier pédagogique)

6- Ethnographie d'une institution postcoloniale...


introduction : éléments d'analyse
présentation thématique
liste chronologique


"Master" et "LMD" :
philosophie de la réforme et...
pecking order local



le 10 décembre 2002

B. C.
Département d’Ethnologie


Objet : Assemblée générale du 13 décembre : contribution à la réflexion sur l’" harmonisation européenne " et les " Masters "


Sous le label " harmonisation européenne " ou " LMD ", le Gouvernement met en œuvre à l’université un plan de décentralisation dont la philosophie est la régionalisation de la Fonction publique. La première étape de cette réforme est en cours : c’est le rattachement de certains fonctionnaires au cadre territorial. Pour ce qui nous concerne, une refonte de la Loi de 1984 (elle vient d’être annoncée par [le Ministre]) est en gestation qui vise, en continuité d’ailleurs avec l’administration [du précédent], à transformer les universités en " entreprises publiques ". La branche DESS du " Y " dont il a été question lors de notre réunion du 5 décembre (l’autre branche du " Y " étant celle du DEA) a pour objet de préparer les universitaires à la professionnalisation de l’enseignement. Deux conséquences vont suivre.

Décentraliser, c’est rapprocher l’offre de la demande et l’université doit évidemment répondre aux besoins locaux. (La politique urbaine est ainsi, par exemple, depuis la loi de Décentralisation de 1981, sous l’autorité des Maires). On ne peut qu’approuver cette première conséquence.

La seconde est l’abandon progressif du label national dont sont affectés les diplômes que nous délivrons. Le principe d’autonomie des universités, sous son apparente libéralité, est en réalité une marque du libéralisme économique et a pour objet de livrer les universités au marché de la concurrence des diplômes.

Un indice de ce désengagement programmé a été la dégradation régulière des instances nationales d’évaluation. Quand on sait ce que signifie l’évaluation des chercheurs dans les universités américaines (ou au Canada), on ne peut que sourire, par exemple, de la composition de la Commission Nationale d’Évaluation (CNE). Nous avons eu ainsi la visite, l’an passé, des trois sympathiques retraités qui sont venus évaluer l’université de la Réunion. L’un d’eux s’est endormi pendant une séance d’évaluation…

La séparation des deux branches du " Y " vise donc aussi à dégager l’État du financement de la recherche : plus exactement à réserver l’effort national de la recherche fondamentale aux organismes de pointe, aux Grandes écoles et à quelques universités susceptibles de produire des résultats significatifs dans leur domaine de spécialisation. (C’était déjà l’esprit de la réforme Espéret, sous Allègre, qui devait réserver l’horaire des 192 heures ETD aux enseignants justifiant d’une activité de recherche et astreindre les autres à une présence de 1600 heures…)

Cette situation, loin de nous libérer de l’évaluation scientifique – puisque nous ne serons plus évalués par des experts extérieurs – nous fait, au contraire, un devoir d’évaluation d’autant plus impératif. Chez nous, nul ne l’ignore, tous les chats sont gris et, dans le meilleur des cas, l’évaluation scientifique (il s’agit, en fait, de gérer une sorte de rente versée par le Ministère et les Collectivités locales) repose sur le principe : "Chacun son tour". Il est clair que, sur le marché des diplômes, ceux qui seront délivrés par l’université de la Réunion, comme les autres, vaudront ce que valent les formations et les formateurs. Quand l’ancien maire de Saint-Pierre nous dit : "Faites-nous des diplômes pour les “emplois jeunes” qui arrivent à échéance", il nous rappelle bien une fonction de l’université, mais sa demande nous signifie aussi à quelle pression la délivrance des diplômes peut être soumise.

Ce qui se prépare donc invite à prendre les devants. Si nous ne voulons pas sombrer avec les "diplômes pays", il faut dès maintenant séparer nettement ce qui relève du local et ce qui relève du national, ce qui relève de la professionnalisation et ce qui relève de la recherche. Il faut dire (pour une fois) comme nos sénateurs et députés à propos de l’amendement de la Constitution (qui clament : "Nous ne voulons pas de “lois pays” ") : " Nous ne voulons pas de “diplômes pays” ".

Dans ce contexte, il me paraît évident que la Faculté des Lettres vient de manquer une occasion de réfléchir de manière globale et cohérente sur son offre de formation et sur sa politique de la recherche en laissant partir au Ministère une demande isolée de Master (LCF).

Au-delà de cette question de principe, les conditions restrictives que je viens d’évoquer laissent à penser que l’enveloppe "Master" attribuée à notre université sera calculée… à la baisse. La Faculté des Lettres disposant actuellement de deux DEA (1,5 si l’on considère que l’un des deux est co-habilité), l’habilitation du Master LCF (une demi-douzaine d’enseignants-chercheurs) signifie que les autres disciplines et les autres laboratoires (une centaine d’enseignants-chercheurs) auront, au mieux… un Master à se partager. Il n’y a donc pas seulement là une faute de principe, mais un risque sérieux pour nos formations de Troisième cycle.

Il y a tout lieu de craindre, en effet, que ce qu’il serait légitime d’appeler, compte tenu de la manière dont ce projet de Master est passé (ou n’est pas passé) devant les différentes instances de l’université, la "prime au culot" soit, en l’espèce, un facteur de succès. On sait ici – mais les experts du Ministère ? – ce que recouvre le label CNRS dont ce projet se pare comme des plumes du paon. L’URA (aujourd’hui UMR), c’est essentiellement un héritage de Robert Chaudenson. Actuellement, une coquille habitée par un bernard-l’hermite qui sert de carte de visite à quelques-uns. La réanimation de cette structure, à la faveur de la création du CAPES de créole, pourrait être l’occasion, précisément, de réfléchir sur sa finalité scientifique et pédagogique et de voir, par exemple, s’il n’existe pas des affinités didactiques et épistémologiques entre l’enseignement du créole, les Sciences de l’éducation et le Français langue étrangère (FLE)…

La question restant : formons-nous une communauté universitaire - ou une sorte d’institution de type néo-colonial ?


B. C.





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