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3 Éléments d'Ethnographie Réunionnaise
Mots clés : Créolité Ancestralité Citoyenneté Départementalisation Patrimoine
Champs : Anthropologie du développement Anthropologie de l'image Patrimoine
Sociétés créoles Histoire postcoloniale Sociologie des institutions
1- Vingt ans après
2- Barreaux (en construction)
architecture créole
3- "Types de la Réunion" (en construction)
(don à la Société de Géographie du 6 novembre 1885)4- Ancestralité, communauté, citoyenneté :
les sociétés créoles dans la mondialisation (dossier pédagogique)
5- Madagascar-Réunion :
l'ancestralité (dossier pédagogique)
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Quelles priorités pour la Faculté des Lettres ?
le 19 octobre 2002
B. C.
Département dEthnologie
Objet : Assemblée générale du 11 octobre : quelles priorités pour la Faculté des Lettres ? Contribution.
Chers Collègues,
Je me fais un devoir de déférer à la demande du Doyen qui souhaite, dans la lettre quil nous a adressée après la tenue de lassemblée générale de ce 11 octobre, quune discussion soit engagée sur nos priorités. Voici donc la contribution dun enseignant-chercheur nommé à luniversité de la Réunion en octobre 1991.
En écoutant les collègues pointer les dysfonctionnements du Conseil de Faculté, qui ont été au centre de cette assemblée générale, je me disais que l'Ethnologie avait eu à connaître "au carré" (et davantage) les conséquences des pratiques incriminées. Jen rappelle quelques-unes en note.
[Note :
- Le vote du Conseil de Faculté " à l'unanimité ", si l'on en croit le procès-verbal, pour le départ de [N14]" avec son poste " : alors que plusieurs membres de ce Conseil m'ont écrit que, portés présents ce jour, ils étaient absents et n'avaient pas donné procuration (et auraient voté contre) ;
- L'argument, développé par le Doyen pendant ce Conseil de Faculté, que le départ de [N14] serait évidemment compensé par Bordeaux II (où [N14] a atterri) qui nous donnerait un poste en échange (!) : un courriel qui ma été adressé par une collègue ayant participé à ce Conseil fait foi de cet engagement ;
- La procédure qui a permis, elle aussi, le départ de [N22] avec son poste. Qui a décidé de créer le poste de professeur en Langues orientales (15ième section) qu'occupe aujourd'hui [N22] ? Où a-t-il été discuté et décidé que le poste libéré par [N22] (passant de la 20° à la 15° section) devait aussi échoir à l'ILA (autrement dit qu'on attribuait d'un coup deux postes à l'ILA) et encore une fois au détriment du département d'Ethnologie ?
- La liquidation du laboratoire d'Ethnologie au bénéfice du CIRCI, [N14] faisant fonction de prête-nom.
- La " Fermeture provisoire du département dEthnologie ", annoncée dans le procès-verbal du Conseil de Faculté du 21 juin 2001 (page 3)].
Mais limportant me paraît résider dans les conclusions à tirer dun constat dévidence qui commence, me semble-t-il, à être partagé : la plupart des dysfonctionnements pointés convergent vers un bénéficiaire principal, le département de Sciences de l'Éducation qui, à tout le moins, occupe à la Faculté des Lettres une position qui fait question. À ce sujet, [N7] nous a rappelé ce vendredi que nous n'avions encore rien vu : il allait ouvrir le DEUST et dédoubler la Licence... Ce qui implique, bien entendu, la création de nouveaux postes ce département (certes de création récente) ayant bénéficié de la création de six postes en quatre ans.
La filière " Sciences de lÉducation " est née, je le rappelle, des " événements de 68 " et cest luniversité de Vincennes, principalement, qui en a porté le concept. Cest une belle et grande idée que de croire quon peut entrer à luniversité sans avoir fait détudes. Et cest cette générosité intellectuelle qui a fondé la réputation ambiguë de Vincennes (aujourdhui Paris VIII), dont une ancienne ministre de lenseignement supérieur a pu dire qu"on y [avait] donné un diplôme à un cheval"
[Note :
Le mot est dAlice Saunier-Seïté, Secrétaire dÉtat aux universités de 1976 à 1978, puis Ministre des universités de 1978 à 1981. Il existe deux versions de laffaire du cheval de Vincennes.
- Un journaliste de lAurore a inscrit son cheval en Sociologie à luniversité de Vincennes le cheval a été reçu.
- Un étudiant en Informatique, ayant pénétré lordinateur de ladministration, a ajouté les noms de Karl Marx et dun cheval à la liste des étudiants en Sociologie. Karl Marx na pas été reçu, mais le cheval a passé son examen avec succès. ( Désolé ! je nai pas retrouvé le nom du cheval )]
La réussite de Vincennes-Paris VIII est dans sa filière Informatique. En effet, alors quil est bien impossible de prospérer en Sciences humaines sans formation initiale, la logique et la technique (les processus cognitifs développés par la machine et lassimilation des règles auxquelles contraignent son utilisation) constituent un support pédagogique qui peut se révéler approprié à la formation dun public sans formation.
La Faculté des Lettres de luniversité de la Réunion se trouve être, originalité qui mérite dêtre signalée, la seule Faculté de France où les Sciences de lÉducation sont en position dominante (nous faisons mieux que Paris VIII !). Les spécificités locales expliquent, pour partie, cette fortune : spécificités historiques et linguistiques et spécificités, plus immédiatement, liées au mode de recrutement qui a longtemps prévalu à luniversité de la Réunion et dont les conséquences continuent à courir. Ces deux facteurs ont, me semble-t-il, largement contribué à créer la situation atypique de notre Faculté et nourrissent la crise daujourdhui.
Un peu dhistoire, à lintention des collègues nouvellement arrivés, est ici nécessaire.
[N. B. Le développement qui suit est repris d'un précédent document (6 juillet 2001)]
Dans un premier temps, le Centre universitaire, puis lUniversité de la Réunion ont été administrés par des enseignants-chercheurs venus de métropole (de luniversité dAix, majoritairement) qui, après ce séjour dans lîle, ont rejoint, pour la plupart, leurs universités respectives. Luniversité se développant rapidement et les postes mis au concours restant souvent sans candidat, le recrutement sest alors fait sur place et pas toujours cest une litote dans le respect des règles qui président au recrutement des enseignants-chercheurs. Le CNU (quand il faisait fonction dinstance dappel et de contrôle de régularité des procédures) en sait quelque chose qui na pu parer à tout. Cette circonstance a ainsi permis lintégration à luniversité de métropolitains ayant déjà fait le voyage, enseignants du primaire ou du secondaire qui ne seraient jamais devenus universitaires sils navaient eu lheureuse idée de poser leur sac à la Réunion, ainsi que de rescapés de la Coopération africaine qui auraient été réintégrés dans le secondaire sils étaient rentrés en métropole. (Ce nest pas la première fois que je tiens ce discours, je le sais, mais cette donnée objective aisément vérifiable est fondamentale pour comprendre la suite).
Ce sont ceux-là qui, dans un deuxième temps, vont venir " aux affaires ". Lorsquon regarde les titres scientifiques des Présidents et des Doyens successifs, on constate, de fait, une chute régulière des qualifications par rapport à la première période. Luniversité se développe alors très largement en fonction des plans de carrière des métropolitains recrutés dans les conditions que je viens de dire. On recrute au plus proche et surtout pas des enseignants-chercheurs qui pourraient vous faire de lombre et vendre la mèche de votre bonne fortune.
Dans un troisième temps, il apparaît, notamment avec la loi de Décentralisation, que luniversité ne pourra rester une enclave métropolitaine dans un univers de responsabilité créole. Il faut partager. Les métropolitains fixés à la Réunion qui ne trouveraient pour la plupart aucune place en métropole ne peuvent prospérer quen se conciliant les intérêts locaux.
La création et le développement du département de Sciences de léducation sont emblématiques de cette troisième époque. Cette création répond évidemment à un besoin réel, lié aux circonstances historiques et linguistiques propres à la Réunion, mais il a donné lieu mauvaise conscience des uns souhaitant sincèrement servir la cause créole et suffisamment exonérés par cette création, démagogie des autres voyant là un moyen de se maintenir ou de parvenir à une évidente dérive. Les premiers étant aujourdhui à la retraite, ce sont les seconds qui décident.
Dans ce plan pour faire monter en puissance la visibilité créole qui répond, je le répète, à une légitime aspiration , le département de Sciences de léducation était en effet idéal, puisquil permettait à la fois de recruter des enseignants locaux, plus aptes a priori à résoudre les problèmes éducatifs liées à la langue, et des étudiants en quantité politiquement significative puisque la Licence de Sciences de lÉducation permet dinscrire sans DEUG et sans formation initiale, lexpérience professionnelle (lexpression nest pas limitative) en tenant lieu. Plusieurs centaines détudiants (dune moyenne dâge largement supérieure à la moyenne) sont ainsi venus sinscrire, chaque année, et luniversité a dû, pour faire face à cet afflux, créer des postes de Maître de conférences et un poste de Professeur en Sciences de léducation, (maintenant deux). Soit, je lai dit, six postes en quatre ans en attendant les autres.
La situation daujourdhui jy viens me paraît donc se résumer par cette alternative :
- Ou bien on pense sérieusement à créer une Faculté des Sciences de lÉducation (à laquelle pourraient être associées les formations " professionnalisantes ", la préparation aux concours administratifs et la Formation permanente, luniversité de la Réunion ayant créé trente D. U. ces dernières annnées). Ce qui permettrait aux collègues qui font de la recherche de travailler libérés du souci davoir à disputer quelques miettes à la pensée unique (nous ne sommes pas seulement des répétiteurs ou des formateurs : ayant été recrutés avec le statut d" enseignant-chercheur ", nous sommes supposés, non seulement assurer notre charge de cours, mais aussi fournir une production scientifique reconnue) ;
- Ou bien, avalisant ce qui a déjà été fait, on admet que les autres filières et, compte tenu du rapport de force institué, il ne peut en aller autrement fassent de la figuration Je me réjouis évidemment quand j'entends des collègues plaider pour la Philosophie, puisqu'il se trouve que j'ai soutenu une thèse d'État dans cette discipline. (Le cas de la Psychologie est plus complexe : dans la configuration actuelle, cette filière sera chez nous une annexe des Sciences de l'Education cest déjà le cas pour le poste de 16° section existant). Mais quels arguments faire valoir quand les considérations deffectifs, qui commandent le recrutement des enseignants-chercheurs, priment toutes les autres ?
Je souhaiterais dire aussi aux collègues récemment arrivés (et à qui cette connaissance de linstitution fait nécessairement défaut), qui sont en droit de sétonner de létat de notre Faculté, que nous avons été un certain nombre à nous élever contre cette dérive. Je me permets de renvoyer au Quotidien du 5 novembre 1997 dont la " une " présentait un dossier intitulé " Crise à la Fac ", faisant état de la démission de léquipe décanale, dossier principalement alimenté par les prises de position que javais adoptées à propos des pratiques style " deuxième temps " de notre université dont certaines avaient dailleurs poussé léquipe décanale à la démission. Je nétais pas linformateur principal, bien quun journaliste soit venu me voir à ce propos : il se trouve que lun de nos collègues, aujourdhui retraité, collectionnait les lettres ouvertes (aux membres de la Faculté) de ces prises de position. Que la contradiction principale de notre institution réside dans la double obligation de répondre à une demande de masse et de continuer à délivrer les diplômes nationaux (et non des " feuilles de tôle ", comme je lai écrit ailleurs : La recherche anthropologique à la Réunion : Vingt ans après, LHarmattan, 1999), cest aussi ce que jai rappelé dans une " tribune libre" du JIR du 7 décembre 1997. Transformer une université conçue comme une sorte de super LEP (Lycée denseignement professionnel) (cétait la grande idée du précédent président, proclamant à la télévision en fin de mandat : " Il y a dix ans luniversité de la Réunion ne délivrait que des diplômes nationaux ; maintenant nous avons trente D. U. ! ") en une université capitale de la recherche, ambition affichée par lactuel président, relève du rêve. Ce ne sont certainement pas les personnels recrutés pour remplir le premier objectif qui vont permettre de réaliser le second. " Tu peux laisser un morceau de bois pendant un siècle dans le marigot, dit un proverbe africain, il ne se transformera jamais en crocodile " Labsence de toute évaluation scientifique chez nous est dailleurs symptomatique de cet état de fait. Il serait plus raisonnable de commencer par se demander ce qui peut être construit sur le (lourd) passif de ce (récent) passé.
Le problème tout le problème, peut-être quoi quil en soit des hypothèses de travail, est dans le désintérêt de beaucoup de nos collègues du sort de linstitution. Quand [notre collègue X] a rappelé, vendredi dernier, les "Conseils de Fac à trois" (il était lun des trois), il a tout dit. Comment mieux signifier que la plupart d'entre nous sont bien aises qu'il existe un Doyen qui trouve son bonheur à faire le Doyen ! Comment, dès lors, reprocher à ce dernier de voir le monde à sa mesure et la Faculté des Lettres à laune de ses intérêts ? En labsence de tradition universitaire, où pourrait être le modèle ? Je rappelle que, lorsque la précédente équipe décanale a démissionné, il ny avait aucun candidat à la succession Il y a ici, je pense, une autre donnée à prendre en compte : les historiens savent que le peuplement des colonies, ou celui des ZUP (zones ultra-périphériques), obéit à un déterminisme sociologique particulier. Nous formons, de fait, une communauté où, comme partout, les parcours individuels et les motivations sont divers, mais formons-nous une communauté universitaire ? À nous de le démontrer.
B. C.