Il existe à la Réunion 173 organismes de formation permanente et 47 consultants. Marché prospère. Mais l'université n'est pas en reste. Il faut s'en réjouir. Chaque rentrée voit naître de nouvelles filières, de nouveaux diplômes et on peut se demander si, dans quelques années, il restera un demi-douzaine de Réunionnais sans diplôme. Quelques fendeurs de bardeaux, peut-être, occupés à déterrer le tamarin dans les Hauts de l'île et à qui l'information ne sera pas parvenue...
Le département de Sciences de l'Education produit ainsi plusieurs centaines de diplômés par an. Il suffirait que l'université du Sud fasse aussi bien que celle du Nord et, en moins de temps qu'il en faut pour faire un docteur en sciences de l'éducation, le score annuel des bacheliers serait égalé. Comme il n'y a pas de limite d'âge pour s'inscrire en Sciences de l'Éducation et qu'il suffit - à quelque chose près - d'avoir le permis de conduire pour entrer dans la formation, c'est non pas par classe d'âge, en effet, qu'il faudrait compter, mais toutes classes d'âge confondues.
Je rassure les candidats : les sujets d'examen ne sont pas cruels. Le nombre de 20 sur 20 à l'épreuve de Statistique, dont le responsable est le Doyen en personne, mériterait, par exemple, de figurer dans le Guinness des records. Certes, c'est du genre : sur la liste qui suit mettez dans la colonne de gauche les chiffres pairs et dans la colonne de droite les chiffres impairs... mais cela ne retire rien à l'exploit.
Les enseignants-chercheurs de l'université sont donc, paraît-il, invités à abandonner la recherche (qui ne sert à rien) et à consacrer enfin leur temps au développement de l'île...
Qui donc aurait le front de critiquer une politique qui ne fait que des heureux : les diplômés, les diplômeurs (qui montent en grade et en heures supplémentaires), les politiques et les notables ? et sans doute aussi les électeurs.
Mais la fonction sociale de l'université ne s'arrête pas là.
L'université de la Réunion est ainsi la première agence de voyage du département et le plus gros client d'Air France. Mais attention ! c'est pour la bonne cause. L'argent des contribuables est judicieusement employé. Il permet à nos chers enseignants d'aller montrer leur figure dans le beau pays de France et de Navarre... et d'ailleurs. Et d'y faire sonner l'encore plus beau nom de notre île. Le Canada est ainsi une destination très prisée. Ah ! l'Afrique du sud ! On fait venir aussi, par charters, des collègues de là-bas. Vous voyez bien que tout cela n'est pas à sens unique (même si c'est le même contribuable qui paie), car il faut bien employer les mirifiques crédits de la coopération régionale... Avant de partir à la retraite, un fameux géographe s'offrit ainsi, sur les crédits de son département, un voyage en Indonésie, périphérie comprise. Le principal retour sur investissement de cette expédition scientifique fut... une carte postale envoyée aux collègues restés au pays.
Ce sacerdoce de la formation permanente permet aussi aux universitaires ne fréquentant l'université que depuis qu'il y enseignent d'apprendre les rudiments. La destination Australie fait ainsi apparaître que les crédits affectés à la recherche permettront bientôt à un universitaire ignorant à peu près tout de l'anglais (c'est un comble après la vogue des Beattles et l'envahissement des films américains !) d'aller passer deux mois là-bas et de se familiariser ainsi avec la langue de Shakespeare.
Qui donc oserait reprocher à qui a le courage de vouloir s'instruire de s'en faire donner les moyens ? Et qui a dit que les universitaires réunionnais n'étaient pas au niveau ? En tout cas, ils font tout pour s'y mettre !
Une recalée qui s'est trompée de colonne