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anthropologie du droit
ethnographie malgache

présentation
3 Éléments d'Ethnographie Réunionnaise
Mots clés : Créolité Ancestralité Citoyenneté Départementalisation Patrimoine
Champs : Anthropologie du développement Anthropologie de l'image Patrimoine
Sociétés créoles Histoire postcoloniale Sociologie des institutions


1- Vingt ans après

2- Barreaux (en construction)
architecture créole

3- "Types de la Réunion" (en construction)
(don à la Société de Géographie du 6 novembre 1885)

4- Ancestralité, communauté, citoyenneté :
les sociétés créoles dans la mondialisation (dossier pédagogique)

5- Madagascar-Réunion :
l'ancestralité (dossier pédagogique)

6- Ethnographie d'une institution postcoloniale...


introduction : éléments d'analyse
présentation thématique
liste chronologique


Censure


le 30 octobre 1998


B. C.

aux
Membres du
Conseil scientifique
de la Faculté des Lettres


Chers Collègues,


Vous êtes donc sollicités pour vous prononcer sur un problème de censure.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il existe un précédent à l’affaire qui vous est soumise et dont le
numéro 2 de Travaux et Documents (doc) a gardé trace.

Dans un article dont l’objet était de comprendre la signification et la portée anthropologique de certains gestes obscènes, j’avais utilisé la une d’un numéro du J.I.R. montrant précisément un homme politique local faisant le geste en question à l’intention de journalistes présents à son interpellation. Ayant pris une consultation écrite du professeur de droit [X] et toutes les dispositions manifestant qu’il s’agissait là de l’utilisation scientifique d’une image déjà publiée d’un homme public (le visage étant masqué ainsi que la date de la publication), les membres du conseil de rédaction de la revue ont été convaincus du bien-fondé de ma démarche. Sauf un, membre d’office de ce conseil, le Doyen de l’époque, [...]. Qui a paru se ranger à l’avis de la majorité, mais est venu me relancer en privé, quelque temps plus tard, pour me convaincre, en me mettant la main sur l’épaule, de retirer cette photographie. Ayant prévu cette éventualité, je lui proposai alors la note suivante placée à l’appel du titre :
“Toutes les illustrations de cet article sont extraites d’une thèse de doctorat d’État soutenue à la Sorbonne. Sauf une, dont l’opportunité a fait l’objet de réserves de la part du Doyen de la Faculté des Lettres. L’auteur de l’article, convaincu que la réflexion scientifique ne peut se soumettre sans se renier à des considérations politiques ou diplomatiques assume seul et entièrement les conséquences de cette publication.”

Au-delà de la question fondamentale de la censure – s’il y a bien un espace de liberté, difficilement conquis d’ailleurs sur les pouvoirs, c’est celui qui permet à la recherche scientifique de se déployer – il s’agirait en réalité de savoir si la publication du passage visé par le Doyen, à la publicité toute relative, peut être en mesure de ternir l’image de l’université. Au Doyen qui, en me communiquant la lettre qu’il vous a adressée me faisait part des effets négatifs que de tels écrits “peu flatteurs pour l’institution” pouvaient avoir auprès des collectivités, j’ai répondu que la solution à ce problème était fort simple : l’image de l’université se redressera aussitôt quand ce seront des universitaires qui la représenteront. Ce ne sont pas ceux qui œuvrent pour mettre fin aux dysfonctionnements qui peuvent être tenus pour responsables du “scandale”, mais ceux qui le perpétuent. Les Réunionnais ne sont d’ailleurs pas dupes des apparences. Voici une remarque qui m’a été faite en ville après la démission de la précédente équipe décanale : “Dites-moi ! le niveau monte à la Fac des Lettres : vous venez d’installer – circonstance que j’ignorais – trois instituteurs aux commandes !” L’affaire de la manipulation de la Commission des spécialistes en Sciences de l’éducation illustre parfaitement la situation dont j’essaie d’analyser les causes dans le texte censuré. Cette manipulation a permis de récuser une demande de mutation sur le poste de professeur mis au concours d’un professeur de l’université de Nice, de stature internationale en Psychologie cognitive et en Psychologie de l’éducation, ainsi qu’une candidate qui a été classée plusieurs fois en première position lors de la dernière campagne de recrutement et que la situation culturelle de la Réunion intéressait particulièrement, puisqu’elle avait fait des problèmes éducatifs en contexte multiculturel le sujet de sa thèse...

J’ajouterai que le texte proposé à votre examen est déjà connu puisque c’est lui qui a été cité dans la presse - j’ai bien sûr approuvé cette publication, mais je n’en suis pas à l’origine - et qu’il a été cité dans un mémoire de D.E.A. soutenu à l’E.H.E.S.S. à Paris. [...]. Dans une lettre datée du 20 février 1997, notre collègue [X] – qui, par ailleurs, ne partage pas du tout mes “options stratégiques” – à qui j’avais remis la version finale de ma communication me faisait part en ces termes de son sentiment : “Merci pour ton très bel article-bilan (sera-t-il publié ?) [...] Tout ceci est tristement vrai, hélas !” La comparaison de la version originale et de la version [N14] ne laisserait pas de poser question.

Il existe d’ailleurs un moyen très simple de résoudre le problème : ce serait de ne pas faire apparaître le nom de [N14], dont je comprends l’embarras, sur la couverture des actes du colloque “Vingt ans d’anthropologie à la Réunion”. C’est d’ailleurs ainsi que j’ai procédé quand j’ai réalisé le livre d’hommage, intitulé L’Étranger intime, dédié à Paul Ottino, considérant qu’il était déplacé de mettre mon nom sur ce type d’ouvrage. [N14] n’a pas de ces scrupules. Davantage : puisqu’il n’a pas hésité à utiliser une des communications du colloque, celle de Paul Ottino, pour une autre de ses publications, procédé qui lui permet de faire fleurir son nom à peu de frais sur des couvertures réunissant des travaux d’étudiants – dont la plupart ne lui doivent rien, quand il le connaissent – pour faire des ouvrages collectifs dont il se présente comme le maître d’œuvre. Sans préface et sans imprimatur, la publication n’engagerait que les auteurs des communications.

Ce n’est pas, en effet, parce [N14] a été l’organisateur du colloque en cause qu’il a acquis un droit de propriété sur cet ensemble de textes qui est supposé exprimer ce qui s’est fait en anthropologie à l’université de la Réunion et sur les programmes en cours. C’est le département d’Ethnologie qui est concerné par ce document et je remarquerai seulement ici que la version imprimée ne m’a même pas été communiquée. Je crois savoir que notre cher collègue a préfacé l’ensemble d’une de ces gloses dont il a le secret. Il serait donc légitime de rendre au département d’Ethnologie la responsabilité de cette publication qui engage sa représentativité, au lieu de la faire préfacer et patronner par un enseignant qui ne représente que lui-même, qui est sur le départ depuis un certain nombre d’années et qui, faute de trouver chaussure à son pied sans doute (puisque même ses demandes de mutation sur des postes de Maître de conférences mis au concours se sont soldées par des échecs), a efficacement œuvré à la liquidation du C.A.G. créé par Paul Ottino en 1985. Ce n’est pas trahir un secret que de dire que notre collègue s’est très largement rapproché du département de Sciences de l’Education. Pour clarifier cette situation, j’ai fait proposer, lors d’une réunion de ce département, d’échanger [N14] contre [deux collègues qui font pour moitié leur service en Sciences de l'éducation et en Ethnologie]. Il paraît que cette offre, rapprochant pourtant les affinités et les intérêts scientifiques, a déclenché l’hilarité générale et une opposition unanime. Quoi qu’il en soit, je crois qu’on peut imaginer meilleur avocat et meilleur drapeau pour le département d’Ethnologie.

J’attendais d’ailleurs avec un certain amusement la sortie de cette affaire puisque notre collègue, très intéressé à accrocher ce nouveau trophée à sa production scientifique se met du même coup en posture de tirer contre son camp, cette publication contenant une communication où il est fait état des dysfonctionnements de l’université de la Réunion dont il se trouve être, sinon un des acteurs, du moins un des plus récents bénéficiaires. Le malheureux apparaît ainsi comme le responsable de cette atteinte à l’honorabilité des ses compères...

Puisque le Doyen a eu l’heureuse idée de saisir le Conseil scientifique - ce que je m’apprêtais à faire - je demande donc que la maîtrise de la publication de “Vingt ans d’anthropologie” soit rendue au département d’Ethnologie (sa juste part sera évidemment faite à [N14]). Il est tout à fait anormal d’ailleurs que les actes d’un colloque, tout colloque étant ordinairement géré par un Conseil scientifique réuni à cet effet, soient dans les mains d’un seul. Je rappelle à ce propos que c’est, entre autres raisons, à cause de cette captation individuelle des programmes et des crédits que les membres du C.A.G. ont, par un vote unanime, rendu sa liberté à leur collègue, en septembre de l’année dernière.

Je soumets enfin à votre réflexion la considération suivante : il est de règle, lorsque vient à l’examen un dossier scientifique ou une évaluation scientifique d’un professeur de 1ère classe, que le “jury” soit constitué de membres de rang au moins égal. Je crois savoir que, même à l’université de la Réunion, quand il s’agit de faire passer à la 1ère classe, en vertu de la fameuse clause “services éminents rendus à l’université” (ce qui n’a rien à voir avec une promotion scientifique et permet d’échapper d’ailleurs à la dure loi de la production scientifique) le Conseil est alors constitué restrictivement de ceux des enseignants-chercheurs qui ont déjà été les heureux bénéficiaires de cette procédure.

Je vous prie de croire, Chers Collègues, à l’expression de mes sentiments dévoués.


B. C.


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