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le 16 mai 1997
Cher Collègue,
Par principe, je respecte ceux que je vois travailler, sans me poser davantage de questions. Tu naurais pas dû, en cela, te sentir concerné par le point de vue que jai exposé.
En revanche, il arrive que je sois directement concerné par les actions de mes collègues et cest dans cette seule mesure que je prends ma plume. Jai déjà eu loccasion dexpliquer, dans une de ces lettres qui finissent composer, sans que je laie cherché, une sorte de sociologie involontaire de notre institution, que je ne me manifestais que lorsque les intérêts du département dont je fais partie étaient en cause. Ce que tu pourras facilement vérifier si - ce que je nose croire - tu conserves les papiers que jai commis sur le fonctionnement de la Faculté.
Cest donc une erreur matérielle, facile à redresser, et une erreur de psychologie, plus conséquente, que de me prêter un quelconque solde de comptes à régler avec qui que ce soit.
Je suis ainsi concerné et toi aussi, tu le verras quand une étudiante vient me voir pour sinscrire en D.E.A. en mexhibant fièrement un mémoire qui vient de lui valoir la mention Très Bien. Je lis bien entendu consciencieusement le document, à la facture dailleurs soignée, pour constater, pratiquement dès la première page et de manière répétitive un impressionnant concentré dâneries du type de celles qui consistent à prendre, comme dit la fable de la Fontaine, le Pirée pour un homme, le summum étant atteint quand la candidate, présentée dans les journaux comme une sociologue du Chaudron, se lance, après avoir probablement interrogé une banque données au mot cité, dans une comparaison grotesque (le mot est faible), plusieurs fois reprise, de la cité H.L.M. avec le célèbre ouvrage de Fustel de Coulanges à côté duquel il est difficile de ne pas passer quand on a fait des études la Cité antique (1865, si ma mémoire est bonne).
Le responsable de ces âneries les ayant soit dictées, je lai vérifié (ainsi doit-on écrire, par exemple, selon lui, "op. cité", mélangeant sans vergogne le latin et le français et montrant par là quon ignore jusquà lalphabet de la culture de base) soit laisser fleurir, la question se pose évidemment de savoir comment ce phénomène a pu devenir Maître de Conférences à luniversité de la Réunion ayant dailleurs été déclassé pour incompétence par le C.N.U. en 1991.
Tout simplement si lon peut dire parce que les moyens dévaluation scientifique à la Faculté, comme tu me laccordes dans ta lettre, laissent pour le moins à désirer... Car [tu nes] pas sans ignorer, pour user dune expression quemploie bravement ton directeur de laboratoire (dans une lettre adressée à tous les directeurs de département) quy prospèrent des intérêts qui nont que très peu à voir avec ce que la morale scientifique la plus élémentaire commande. Il nest évidemment pas question de se faire linquisiteur de qui que ce soit et je pourrais me réjouir - si javais des comptes à régler - de voir à quelle mascarade - jai dautres exemples au moins aussi affligeants - la cascade dincompétence que je dénonce depuis longtemps aboutit. Le vrai problème, qui te concerne comme moi, cest que les victimes de cette incompétence sont, tu le sais, les étudiants et que les individus en cause non seulement occupent, à la place dautres, des postes pour lesquels ils ne sont pas capables, mais disqualifient les diplômes de ceux quils sont payés pour former sauf à dire, comme je lai entendu, que tout ça ne prête pas à conséquence à la Réunion...
Lintéressé ayant été poussé là où il est ayant pour tout diplôme un mémoire dethnologie que mon prédécesseur, qui sen mord aujourdhui les doigts, lui a généreusement donné par quelquun ayant été lui-même habilité sur une [équivoque] à la traduction (deux membres de son jury, [N0] et [X], ayant publiquement déclaré, mais trop tard, quils avaient été roulés dans cette habilitation), il y a là un cas despèce de ce que jai appelé ailleurs le syndrome de larmée coloniale des Indes.
Quand ce sont donc ceux-là même qui sont arrivés au mépris de toute règle qui font publiquement le sacrifice de leur personne pour remédier à la crise, quil me soit permis et je nai pas été le seul, crois-moi, à avoir cette réaction à la lecture de lappel en cause den rire...
Sans doute peut-il savérer utile davoir un habile homme dans sa manche. La manière dont ton directeur, court-circuitant toutes les instances de la Faculté et tournant la décision qui avait été votée par le Conseil est allé faire la cour à [N1] (autre superbe cas de figure du syndrome en question qui, paraît-il, ne veut plus entendre parler de lui maintenant mais il est trop tard) pour installer votre labo peut en fournir un exemple. Tu tétonnes que sa gloire téclabousse quelque peu quand tu poses ta signature après la sienne ? Cest comme si, étant serveur dans un restaurant tenu par Landru, tu ne voulais rien savoir du rôti... (¡¡¡)
À plus, car il y a matière....
Bien cordialement,
B. C.
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