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le 1er décembre 1995
B. C.
département d'Ethnologie
à
[N10]
responsable du D.E.A.
Lettres et Sciences sociales
de la Faculté des Lettres
Cher Collègue,
Je dois taviser que la réponse des étudiants de D.E.A. à la règle dassiduité rappelée dans ta circulaire du 15 novembre a été, ce mercredi, malgré la protestation dun petit nombre, de ne pas signer (et de subtiliser) la feuille démargement qui avait circulé normalement les séances précédentes.
Le contrôle dassiduité partait dune bonne idée, celle de sassurer dun minimum deffort consenti par les étudiants - à tout le moins dun minimum de présence physique. Mais la réaction des étudiants révèle davantage quun réflexe scolaire devant un mode de contrôle sans doute formel.
En effet, bien quayant remarqué, comme dautres collègues, la baisse de niveau constante de notre public de D.E.A., javais quand même été interloqué, lors de mon premier exposé, par le niveau de connaissance des étudiants quand javais tenté dengager une discussion sur le sujet traité. Pour vérifier si cela devait être mis au compte de la réserve ou dun manque de pratique de loral, jai donc pris quinze minutes du cours suivant pour faire passer le questionnaire ci-après. Le résultat est édifiant. Un coup doeil sur les réponses révèle que six étudiants sur vingt-sept savent que cest Racine qui a écrit les Plaideurs, que quatre connaissent lauteur de Malaise dans la civilisation et que près dun sur deux ne sait pas que Stendhal est lauteur de la Chartreuse de Parme, etc...
Ceci pose bien entendu la question du mode de sélection et même la question de la pertinence de ce D.E.A. à la Faculté des Lettres. Les deux premières années, son utilité incontestable a été de permettre à des enseignants du secondaire ayant fait des études en métropole et dont la moyenne dâge devait être la quarantaine dobtenir un diplôme que luniversité ne délivrait pas. Comme il était prévisible, ce vivier est aujourdhui définitivement épuisé.Il sagit donc de savoir si les filières de la Faculté des Lettres sont en mesure de produire des étudiants de Troisième cycle.
Il évidemment bien difficile de faire machine arrière aujourdhui étant donné le forcing qui a été exercé sur Paris pour obtenir cette création. Mais peut-on honnêtement délivrer un D.E.A. Lettres et Sciences sociales (en réalité un D.E.A. de spécialité) à un étudiant dont la culture générale est nulle ? On dira que ceux-là narriveront pas au terme de leur mémoire. Quil me soit permis den douter puisque jen connais qui sont aujourdhui en thèse. Dans limmédiat, et pour des raisons évidentes de crédibilité - à la Réunion et vis-à-vis de la BRED à Paris - je crois quil faut substituer à lépreuve de tronc commun prévue, qui se justifiait quand le niveau était satisfaisant mais qui est complètement inadaptée aux sympathiques potaches que nous avons cette année (et qui peut leur reprocher leur absence de connaissances ?) une épreuve sur table avec convocation individuelle portant sur les cinq cours de tronc commun. Ceux qui nauraient pas la moyenne étant éliminés de la formation. Pour les années à venir sil y en a il me paraît indispensable denvisager un contrôle écrit pour accéder en D.E.A.
Tout ceci démontre, sil était besoin, que ce qui fait défaut à lUniversité de la Réunion, ce ne sont pas les formations de Troisième Cycle et autres DESS qui se multiplient comme des petits pains, mais bien des formations de base, voire une année zéro, sans lesquelles on ne peut construire que du faux-semblant. Je fais cette remarque avec dautant plus damertume - on me dit que je ferais mieux de me désintéresser de la question - que le projet douverture du DEUG sciences humaines pour lequel nous militons depuis plusieurs années, qui était inscrit au précédent plan et dont les postes sont pourvus, vient une nouvelle fois dêtre reporté. Alors quest proposé à lhabilitation, couvert par un enseignant dune autre discipline, un DESS qui ne compte aucun habilité à diriger les recherches. Ouvrir un DESS sans enseignant habilité est contraire aux instructions réglementaires, couvrir cette absence est une imposture. Comment tout ce montage de carton-pâte, de phrases creuses et dauto-proclamation pourrait-il produire un enseignement digne de ce nom [voir un écho de cette formation dans une lettre reçue en novembre 1997 - doc]? Cela dénote un mépris du travail, du savoir, des diplômes et finalement des étudiants qui, dans ce cas de figure, ne servent que de faire-valoir.
Pour revenir au D.E.A., tu comprendras que nous ne souhaitons pas, alors que depuis que nous faisons route commune, lallocation de recherche qui nous était à peu près régulièrement attribuée chaque année fait déjà cruellement défaut à nos étudiants, que le D.E.A. danthropologie fasse naufrage avec le D.E.A. Lettres et Sciences sociales.
Je te prie de croire, Cher Collègue, à lexpression de mes sentiments cordiaux et dévoués.
B. C.
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