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le 8 décembre 1995
B. C.
responsable de lEquipe daccueil dAnthropologie
membre du Laboratoire 1178
Droit, Cultures, Langages
du C.N.R.S.
à
M. [N10]
responsable du D.E.A.
Lettres et Sciences sociales
de la Faculté des Lettres
Objet : Position de loption Anthropologie du D.E.A. Lettres et Sciences sociales suite à notre réunion de ce jour des responsables doptions.
Cher Collègue,
Je pense que tu nous accorderas que, pendant quatre années, et bien que lourdement pénalisés puisque, depuis que notre D.E.A. vogue sous ta bannière, aucune allocation de recherche ne nous a été accordée alors que, pratiquement chaque année, au moins un de nos étudiants en bénéficiait, nous avons joué le jeu loyalement.
Ainsi que je lai rappelé dans ma lettre du 1er décembre, lutilité incontestable du D.E.A..Lettres et Sciences sociales a été de permettre à des enseignants ayant fait des études en métropole, dont un certain nombre dagrégés, de préparer un diplôme que luniversité ne délivrait pas. Le niveau était excellent et cétait alors un bonheur denseigner.
Je me suis en revanche demandé à qui je madressais cette année et le questionnaire que jai fait passer navait pour but que de situer le niveau où devaient porter mes interventions. Javais dailleurs lintention de garder pour moi ce sondage - qui na évidemment quune valeur indicative. Lenchaînement des circonstances (ultérieures) en a décidé autrement puisquil apparaît que cest la légitimité du D.E.A. Lettres et Sciences sociales qui est en cause.
Ma conviction est quon ne peut délivrer un D.E.A. de Lettres ou de Sciences sociales à un étudiant dont la culture générale est nulle. Jai quand même été étonné de me trouver presque seul sur cette proposition qui me paraissait évidente. Or, loin de faire lunanimité, cette proposition sest trouvée contrée en ces termes par notre collègue [N4] : On peut faire une excellente thèse [dAnglais ?] en ignorant que Stendhal a écrit la Chartreuse de Parme ! On peut aussi, jimagine, faire une excellente thèse en prenant le Pirée pour un homme... Jai, quant à moi, une plus haute idée des études de civilisation et je pense quune telle phrase, qui ravira nos collègues anglicistes, mérite dentrer au panthéon de ces bourdes criantes de vérité, juste à côté de: Monsieur, je nai pas lu votre thèse, mais je sais quelle excellente ! qui avait valu à son auteur, président de jury, une remontrance du ministère.
On aurait pu quand même imaginer - et là javoue ma naïveté - que, devant le changement de nature de notre public, changement définitif puisque nous ne retrouverons jamais plus celui des deux premières années, un point serait fait. Je ne parle pas dexamen de conscience. Car derrière tout cela il y a évidemment une raison que tout le monde connaît. Non seulement nous nopérons aucune sélection à lentrée du D.E.A., mais nous recrutons dans la crainte de navoir aucun candidat. On ne peut imposer un contrôle à des étudiants quon est allé tirer par la manche pour faire du chiffre et pour entretenir aux yeux du ministère la fiction dun besoin qui est peut-être, en effet, désormais sans objet. Les étudiants sont alors fondés à te répondre, quand tu leur rappelles la règle de lassiduité : Il faut savoir ce que vous voulez ! Le D.E.A. est un diplôme national et les légitimes considérations de promotion (tu mas dit avec une simplicité qui thonore que tu fondais tes espoirs de passage à la 1ère classe, par la voie locale, sur la direction de ce D.E.A.) ne peuvent justifier un avilissement du diplôme. Continuer à tout prix, cest fatalement courir le risque dune disparition à plus ou moins long terme et interdire aux meilleurs des étudiants laccès à la recherche dans le département.
Dans la mesure où la crédibilité du D.E.A. danthropologie est engagée dans cette aventure, tu comprendras que nous souhaitions retrouver notre autonomie. Cest ce à quoi nous allons nous employer. Encore une fois, il ne sagit nullement daffirmer une quelconque supériorité dune discipline sur lautre. A linverse, et dévidence, le niveau des étudiants de Lettres, dHistoire et dAnglais était supérieur, les deux premières années, à celui des étudiants dAnthropologie. Lobjet de mes interventions en Tronc commun est dailleurs dillustrer la fécondité heuristique de la pluridisciplinarité. Ce qui justifie le D.E.A. dAnthropologie, cest tout simplement la richesse culturelle de la région, qui explique que des étudiants viennent de métropole pour y faire leur terrain.
Dans limmédiat,
-Je te demande instamment que létudiant [X], qui fait actuellement ses classes (et qui est donc cloîtré pour trois semaines) qui a assisté à toutes les séances de tronc commun jusquà son incorporation, qui est réunionnais et candidat potentiel à une allocation de recherche ne soit pas pénalisé par un système qui consiste à sassurer de la présence physique des étudiants mais surtout pas de savoir ce quils ont dans la tête. Tu peux lui faire passer une épreuve sur tes cours, tu verras que la nouvelle géographie na pas de secret pour lui, puisquil vient de faire un mémoire de maîtrise au Canada, sur la Gaspésie, inspiré notamment par certains de tes collègues québécois.
-Les étudiants danthropologie se conformeront aux dispositions annoncées, savoir une épreuve orale dont le sujet sera défini avec lenseignant de la discipline quils auront choisie.
Pour lannée prochaine, nous fixerons notre attitude en fonction des instructions qui nous serons données par le Ministère dans le présent cas de figure.
Je te prie de croire, Cher Collègue, à lexpression de mes sentiments cordiaux et dévoués.
B. C.
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