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le 3 mai 1996
B. C.
à
[X]
membre
du Conseil de Faculté
Cher Collègue,
Au cours dune réunion des responsables des centres de recherche où tu étais présent, les nouveaux locaux ont été répartis entre les différentes équipes. Pour létage qui concerne lanthropologie, le principe avait été retenu de trois centres de surface équivalente attribués respectivement à lILA, à lURA et à nous-mêmes.
Métant rendu dans les magasins de lentreprise UMAB pour le choix du mobilier, jai constaté que lURA (autrement dit, désormais, [N2]) occupait déjà sur les plans, au détriment de lILA, le double de la surface qui lui avait été allouée. Madame [X] vient de mapprendre à ce sujet que, dans une réunion où ni [N14] ni moi-même nétions présents (sans doute un Conseil de Faculté) une nouvelle distribution avait été décidée [N22] nétant pas, lui non plus, informé de cette décision) et que le Président était daccord pour que lILA soit désormais hébergé (sic) par [N2]...
Au-delà de ce nouvel épisode de la saga [N2], on peut comprendre par cet exemple cest le sens de ma lettre pourquoi il est tout à fait illusoire de bâtir des plans sur le développement de la Faculté, puisque ces plans doivent recevoir laval dun Conseil de Faculté qui ne peut produire que ce quil a jusquà ce jour produit. La question préalable à lanalyse de la situation de crise que nous connaissons me paraît être de savoir pourquoi le Conseil de la Faculté des Lettres est composé de la sorte, propre, si lon en juge par labsence de candidat au poste de Doyen et par laffluence à lassemblée générale qui vient de se tenir, à décourager les initiatives désintéressées et les engagements de ceux qui ont des projets et des convictions scientifiques. (Je ne suis candidat à aucune responsabilité).
Je voudrais seulement rappeler ici les conditions délection de ce Conseil (en 1993, saul erreur). Cétait la première université que je fréquentais où je voyais des élections se dérouler sans assemblée générale, sans programme et.... sans candidats : les candidats nétant apparu que le jour du scrutin sur une liste dite Liste de la Faculté (sic). Sans doute labsence de tradition universitaire explique, pour partie, cette spécificité. Dans la généralité des Facultés, le doyen est un enseignant en fin de carrière ayant lestime de ses collègues et qui tire de la reconnaissance scientifique acquise par ses travaux une autorité naturelle au sein des instances universitaires, le Conseil reflétant, lui, les oppositions classiques, politiques ou philosophiques, telles que le débat démocratique les fait normalement apparaître.
Pourquoi le tableau est-il presque toujours à linverse à luniversité de la Réunion ? Dans une contribution à un ouvrage collectif, conçue dans la continuité dune enquête initiée par Paul Ottino, jai proposé, en faisant appel à lhistoire et à lanalyse institutionnelle, quelques éléments dexplication. Pour en rester à lobservation du quotidien, je dirais, quayant eu loccasion de travailler, étant étudiant, dans les services de la Faculté de [...], jai rarement vu [Le] philosophe aujourdhui mondialement connu (du public cultivé) [qui en était le Doyen] passer plus dune heure dans son bureau et que tout marchait sans problème majeur. Si, chez nous, présidents et doyens sastreignent à des horaires de petits patrons dont ils nont ni la responsabilité, ni le pouvoir, ni la compétence, cest quil y a quelque chose qui cloche.
Il est aussi frappant de constater - pour en rester à une observation tout aussi primaire que ceux qui occupent aujourdhui les Conseils à luniversité de la Réunion sauf une exception notoire qui démontre lart de la brigue de lintéressé - sont les premiers arrivés. Or, comme le montrent les multiples rappels à lordre et déclassements du C.N.U.- qui, à dix mille kilomètres, ne voit pas tout, il sen faut - le recrutement, à lexception du Droit où le verrou de lagrégation et le contrôle scientifique de luniversité dAix (avec des contre-parties, certes) ont joué, sest trop souvent fait avec les moyens du bord : il suffisait presque - jexagère bien sûr, comme dhabitude - de se trouver là au bon moment, enseignant dans le secondaire, voire dans le primaire, pour avoir de sérieuses chances de faire carrière à luniversité. Je donnerais comme confirmation de cette légitimité du premier occupant cette réponse que je me suis vu opposer par lancien doyen lorsque, ayant demandé une évaluation indépendante des travaux de centres de recherche de la Faculté (comme cela se passe dans la majorité des universités et dans tous les laboratoires) : Tu viens de Paris ! Tu nous prends pour des c... !. Il y a évidemment un monde entre ce droit du premier occupant et la légitimité morale ou scientifique.
Peut-on dire que ce mode de formation de luniversité de la Réunion - sans doute inévitable - soit sans rapport avec la crise daujourdhui ? Laffaire du Tampon me paraît être le révélateur dune crise beaucoup plus profonde. Rien nest possible sans réforme. Il me paraît ainsi indispensable dintéresser à la gestion de la Faculté les maîtres de conférences arrivés après les premières couches de peuplement qui bloquent aujourdhui linstitution. Rien nest possible, les mêmes causes continuant nécessairement de produire les mêmes effets, sil ny a pas démission du Conseil de Faculté, afin de permettre à ceux-là dêtre élus. Je propose de faire le test, extrêmement simple, suivant. Il ny a (officiellement) aucun candidat au poste de Doyen. Soit. Quon demande donc aux collègues combien sont décidés à sengager si de nouvelles élections au Conseil de Faculté sont organisées. Je ne doute pas que la différence soit spectaculaire...
Je te prie de croire, Cher Collègue, à lexpression de mes sentiments cordiaux.
B. C.
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