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anthropologie du droit
ethnographie malgache

présentation
3 Éléments d'Ethnographie Réunionnaise
Mots clés : Créolité Ancestralité Citoyenneté Départementalisation Patrimoine
Champs : Anthropologie du développement Anthropologie de l'image Patrimoine
Sociétés créoles Histoire postcoloniale Sociologie des institutions


1- Vingt ans après

2- Barreaux (en construction)
architecture créole

3- "Types de la Réunion" (en construction)
(don à la Société de Géographie du 6 novembre 1885)

4- Ancestralité, communauté, citoyenneté :
les sociétés créoles dans la mondialisation (dossier pédagogique)

5- Madagascar-Réunion :
l'ancestralité (dossier pédagogique)

6- Ethnographie d'une institution postcoloniale...


introduction : éléments d'analyse
présentation thématique
liste chronologique
Une réponse à un appel d'offres... distinguée par le Doyen [N3]


le 8 mars 1994


B. C.

à

M. [N4]
Vice-Président
du Conseil Scientifique
de l’Université de la Réunion


Cher Collègue,

Dans un acte dont je ne sais s’il a bien mesuré la gravité, le Doyen [N3] vient de saisir une correspondance scientifique que j’adressais à un collègue mauricien, correspondance d’une urgence signalée puisqu’elle concerne un projet de recherche partagée qui doit être parvenu à Montréal le 15 mars.

Dès que j’ai eu connaissance de ce fait, je suis allé m’assurer auprès du Président de l’Université que, professeur à l’Université de la Réunion, je pouvais en utiliser le papier à lettre, que la destination naturelle des services de la Faculté des Lettres - qui prélève d’ailleurs à cet effet une dîme sur les budgets de recherche, notamment sur ceux que notre laboratoire apporte à l’université - était d’acheminer de telles correspondances et, qu’enfin, le fait que la Coopération laisse en déshérence l’enseignement de la langue française qu’assurait notre Faculté à Maurice ne constituait nullement un empêchement à la recherche partagée - bien au contraire.

La saisie d’une correspondance sur laquelle on n’a pas autorité est un acte administratif grave. Les politiques, qui ont les mots faciles, parleraient de “forfaiture”, soit du crime commis par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions. Je préfère parler d’une ridicule prétention et n’y attacher aucune importance. Ce qui m’importe, en revanche, c’est le destin du projet visé et la réalité que cette pantalonnade révèle.

S’il s’avérait que, dans l’urgence en cause, l’échec du projet soit imputable à ce dysfonctionnement administratif, je résilierais immédiatement, ainsi que je l’ai annoncé au Président N1, tous les programmes de recherche dont j’ai la responsabilité et restituerais aux Ministères concernés les sommes allouées à ce titre, dont la dernière attribution en date, ci-jointe, émise le 7 février 1994 par le Ministre des Départements et Territoires d’Outre-Mer. Je remets donc entre tes mains le sort de ce dossier puisqu’aussi bien, il devrait normalement passer devant le Conseil Scientifique, ce qui serait toutefois une première, m’a appris le Président. Le destinataire, à Maurice, des télécopies retenues par le Doyen faisant partie du Comité de sélection à Montréal - son nom ne figure donc pas dans le projet - se chargerait, pour Maurice, d’expédier les signatures et l’engagement requis au dossier.

J’en viens maintenant au problème de fond qui est - et je m’en excuse, comme dit l’autre - un problème de conscience. Il se trouve que je suis aujourd’hui professeur à l’université de la Réunion alors que je devrais être maître de conférences dans une université [métropolitaine]. Je n’aurais vraisemblablement pas été coopté dans le corps des professeurs, en effet, n’étant pas déjà maître de conférences, si le poste sur lequel je présentais ma candidature n’avait été un poste périphérique - bien qu’occupé précédemment par un nom prestigieux dans la discipline, mais aussi dépourvu d’esprit de carrière, et convoité par un professeur de première classe et deux maîtres de conférences en poste en métropole. Je considère que cet avantage, loin de me conférer un droit, me fait un devoir supplémentaire. J’ai par ailleurs trop souvent été en butte à la brigue, au favoritisme et à la suffisance des parvenus pour ne pas être sensible aux injustices. [..]. Je livre à ta méditation [de militant] cette phrase sans illusion de Tito sur la réalité des idéologies : “Si j’étais né aux Etats-Unis, j’aurais été milliardaire...” Ce n’est pas le son creux des grands mots, ces certificats de bonne conscience, qui font la différence, c’est d’abord l’examen objectif de nos privilèges et des ambitions que nous pouvons réaliser ici, à la Réunion, et pas ailleurs. Quand l’injustice se légitime, de surcroît, par l’incompétence - “syndrome de l’armée coloniale des Indes” - cela donne, comme dans cette affaire qui serait dérisoire si elle ne concernait que le fonctionnement interne de notre Faculté (mais c’est notre image, à Montréal et avec les partenaires de ce programme, qui est en jeu) un caractère grotesque à des positions deux fois usurpées, sur le classement national, une première fois, par leur situation néo-coloniale, une deuxième fois. - Mais il faut fréquenter les cases en tôle et les cités pour l’apercevoir.

Tu comprendras donc que je ne sois pas candidat au passage à la première classe au titre du contingent accordé à l’université de la Réunion. Rejoignant un avis de mon collègue [X] , consigné dans le procès-verbal du Conseil Scientifique du 23 septembre 1992 – le Ministère avait d’ailleurs été saisi d’irrégularités à ce propos – j’estime que cette auto-promotion est contraire à la dignité du chercheur, que c’est devant les professionnels de la discipline que se juge la pertinence scientifique et j’aurais scrupule, si d’aventure je venais à bénéficier de cette promotion, à rentrer en métropole avec ce titre usurpé. Je te demande de faire état, avec discrétion, car il n’est évidemment pas dans mes intentions de blesser qui que ce soit – je ne fais ici que défendre les intérêts du département auquel j’appartiens, comme chaque fois où j’ai eu à prendre position – de ce désistement auprès de mes collègues.

Avec mes sentiments dévoués.


B. C.





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