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Université de la Réunion
14 et 15 mai 2009

Religions populaires
et nouveaux syncrétismes


Version provisoire d'un texte qui sera édité dans les actes du colloque ;
la citation est soumise à l'autorisation de l'auteur.

Valérie AUBOURG

valerie.aubourg@gmail.com
Université de la Réunion

Entre rupture et continuité :
Le Renouveau charismatique à l'Ile de la Réunion

Introduction
Après trois siècles d'hégémonie catholique, l'année 1966 marque le début de la pluralisation du paysage chrétien insulaire avec l'arrivée du pasteur pentecôtiste Aimé Cizeron. Envoyé depuis la France métropolitaine par les assemblées de Dieu, il fonde une œuvre prolifique : la « Mission Salut et Guérison » qui rassemble actuellement plus de 20 000 fidèles. Moins de dix ans après l'implantation de celle que l'on désigne habituellement sous l'unique terme de « Mission », le Renouveau charismatique (1) est introduit à la Réunion. La naissance, au sein du catholicisme, de cette mouvance souvent considérée de par le monde comme la « seconde vague pentecôtiste », vient contrebalancer l'offre protestante en matière religieuse : elle s'adresse à son tour à des réunionnais issus des couches sociales les plus modestes, voir les plus pauvres de l'île et son développement suit une courbe ascendante dans des proportions quasi similaires à celles de la dite Mission. D'autre part, ces deux formations religieuses apparaissent comme une même réponse au mouvement de modernisation rapide de la société insulaire et cette réponse, de manière contradictoire, se décline à la fois en termes de rupture et de continuité vis-à-vis de la religiosité populaire. En effet, le Renouveau et la Mission prennent largement appui sur le « système religieux créole » afin d'occasionner, paradoxalement, un réel abandon de certaines croyances et pratiques populaires.
Bernard Boutter, qui a tout particulièrement étudié la situation des assemblées de Dieu à la Réunion, note qu'« il serait intéressant de chercher à savoir avec précision si le Renouveau charismatique facilite, au même titre que le Pentecôtisme évangélique, l'adaptation de ses fidèles au nouveau contexte « post-traditionnel » en étant à l'origine de profondes ruptures par rapport aux appartenances antérieures » (2), ou si ce Renouveau charismatique « reste uniquement dans la continuité d'un univers traditionnelle en désagrégation, sans exiger de ruptures ? » Selon l'ethnologue, la réponse à ces questions nous permettrait de déterminer dans quelle mesure Renouveau charismatique et pentecôtisme évangélique peuvent être associés « au sein du même champ religieux, ou s'il existe, en qui concerne le degré de rupture avec l'univers traditionnel, des différences fondamentales qui permettrait de distinguer nettement l'un de l'autre » (3).
Nous nous saisirons ici de sa question, pour observer dans un premier temps comment le Renouveau, à l'instar de la Mission Salut et Guérison, permet à ses membres de s'adapter aux changements traversant la société réunionnaise en les amenant à rompre avec les traditions, sans pour autant les extraire du monde symbolique. Dans une seconde partie, nous verrons comment le Renouveau, en se réinsérant dans la matrice proprement catholique, ne peut être « associé purement et simplement » au pentecôtisme évangélique dans un champ religieux commun.

1. Naissance d'un « catholicisme populaire »
Comme aime à le dire l'évêque Gilbert Aubry : « l'Evangile n'est pas arrivé à la Réunion porté sur les ailes des anges… » (4). En dépit d'une représentation mythique de la chrétienté insulaire en ses premières heures, la réalité se doit en effet d'être nuancée. Dès le peuplement définitif de l'île, ce « paradis » est aussi un pays de « sacripants » réfractaires à l'évangélisation où les baptisés sont décrits par le préfet apostolique Criais comme de « mauvais chrétiens responsables de la dégradation des mœurs de la colonie » (5). Ils ont pour ministres du culte des capucins (6) à la réputation tout aussi douteuse. Les premiers missionnaires sont ensuite relayés par d'autres religieux : lazaristes (1714), spiritains (1816), qui réhabilitent l'image du clergé insulaire et gagnent progressivement la majorité des âmes réunionnaises. Ce succès comporte néanmoins des limites. Le clergé local est loin d'être exempt de toute critique, alors même qu'il continue à dénoncer les transgressions morales des habitants de l'île décrits comme réfractaires au mariage, peu enclins au travail et trop penchés sur la boisson. « La volonté de se concilier le tout puissant s'est manifestée par la conservation attentive des pratiques. L'obligation de respecter une morale dont certaines règles étaient en opposition avec les mœurs, ne leur est pas apparue essentielle. En cela ils restent fidèle à leur conception d'une religion ou l'accomplissement des rites prime celui de la loi morale chrétienne », explique Claude Prudhomme (7).
Face à la volonté missionnaire d'apporter l'Evangile comme « une lumière pour sortir grâce à lui beaucoup d'hommes des ténèbres » (8), une seconde « zone d'ombre » apparaît avec la persistance de manifestations religieuses souterraines. D'origine malgache, africaine, indienne, des rites survivent et de nouvelles pratiques sont élaborées. Prohibées par le clergé, ces pratiques sont condamnées à se rétracter dans l'univers domestique. Leur perpétuation témoigne néanmoins d'un mécanisme de juxtaposition des croyances traditionnelles au sein du catholicisme. Plus encore, elles relèvent d'un mouvement original de réappropriation du christianisme dans le contexte créole. C'est ainsi que ce processus aboutit au fait que si le catholicisme demeure actuellement la religion insulaire pratiquée par la majorité des Créoles (9), il s'agit essentiellement d'un « catholicisme populaire » ( Boutter), d'un « continuum religieux créole » (Nicaise) (10).

2. Implantation de la Mission Salut et Guérison
Dès son arrivée à la Réunion en 1966, Aimé Cizeron attribue au mouvement qu'il implante localement le nom de « Mission Salut et Guérison ». Trois termes qui définissent avec précision le contenu de son message et le situent en rupture par rapport à la situation religieuse locale.
En premier, celui qui n'hésite pas à s'attribuer le titre de missionnaire, se donne à son tour comme objectif de « faire lever la lumière sur ce peuple, assis dans les ténèbres » (11). Ignorant le travail des messagers de Dieu qui l'ont précédé, il se considère comme « pionnier dans l'océan indien » (12) et part à la conquête des âmes réunionnaise.
En second, il brandit avec certitude le terme de « salut » qui ne souffre pas à ses yeux, du même discrédit qu'au sein du catholicisme depuis les nuances qui lui furent apportées avec Vatican II. Pour lui, l'attribution du salut est simple : elle est réservée à ceux qui « confessent le nom de Jésus Christ » et « renoncent au péché ». Selon cette approche, les autres confessions chrétiennes et plus largement les autres religions apparaissent comme un obstacle à franchir pour acquérir le Salut. Loin d'être au rapprochement, la tendance dominante est plutôt à la diabolisation des dévotions catholiques jugées idolâtres. Il en va de même envers les autres pratiques religieuses, telles les cultes dédiés aux divinités hindoues ou aux ancêtres afro-malgaches qualifiés tour à tour de « sorcellerie ».
Enfin, le terme de « Guérison » lui permet de pénétrer en terre réunionnaise par le biais d'un marché « des biens de la santé » en plein bouleversement, puisque les guérisseurs traditionnels sont en passe d'être discrédités par une médecine moderne à laquelle la population locale n'accorde pas pour autant toute sa confiance. La nouvelle formation religieuse se présente à ses yeux comme un recours efficace sans délégitimer les représentations traditionnelles de la maladie dont la cause serait toujours d'origine surnaturelle. C'est ainsi, qu'aux premières heures de la mission insulaire d'Aimé Cizeron, comme le relate son fils : « la publicité s'est faite rapidement. On disait : - à côté la gare routière, Saint-Denis, néna un boug blanc, un zoreil y guérit demoune ! Et les gens affluaient jour après jour... » (13).

3. Développement du Renouveau charismatique
Lorsqu'en 1975, le Renouveau charismatique (14) démarre à la Réunion, ce n'est pas sur les ailes d'un ministre du culte de sexe masculin que ce mouvement atteint les côtes réunionnaises mais par l'entremise d'une franciscaine « missionnaire de Marie » du nom de Marie Lise Corzon. Au retour d'un séjour en métropole, la jeune femme commence un groupe de prière à Saint Denis, dans les locaux de l'hospice Saint François d'Assise, dans lequel sa communauté religieuse est installée. Le nombre de participants augmente rapidement et l'assemblée, qui prend le nom de l'Emmanuel, assiste à la naissance progressive d'autres groupes de prière du Renouveau. A partir de 1981, leur nombre se multiplie, et bientôt, la plupart des paroisses catholiques insulaires accueillent dans leurs locaux un groupe charismatique. Quels sont les éléments caractéristiques de ce Renouveau qui le rapprochent du champ pentecôtiste et quels sont ceux qui l'en distinguent ? C'est à ces deux questions que nous nous proposons de répondre.

3. 1 Convergences avec l'univers pentecôtiste
Miracles et délivrances
Très rapidement, Marie Lise Corzon, elle même issue d'un milieu social mauricien aisé s'entoure de cinq femmes qui ont en commun d'être jeunes, d'être nées dans l'Océan Indien, et d'appartenir à une classe sociale moyenne voire supérieure. A leur image, le Renouveau attire rapidement des adeptes du sexe féminin, essentiellement laïques, qui n'auraient pu prétendre à un tel rôle de leadership dans d'autres mouvements catholiques.
Qu'est ce que ces témoins des premières heures ont-elles trouvé de particulier dans ce Renouveau ? La réponse est invariablement identique :
« Je retiens de nos débuts une profusion de joie, de spontanéité, et de liberté » affirme Marie Claire (15). « J'ai pu découvrir dans ces assemblées la prière du corps.» raconte Marie-Madeleine (16), avant de poursuivre : « Je crois que c'est surtout un besoin de vivre la religion plutôt que (suivre) une religion idéologique.» (17) Selon elle, cette mouvance a notamment permis de réintroduire « la place de Dieu » et la possibilité d'une intervention divine dans l'existence du croyant. « C'est vrai qu'à la limite, à l'époque, avec la Théologie de la libération, on (les enseignantes) n'avait plus de droits en quelque sorte. Dieu était pour les pauvres et il fallait se rendre pauvre sans quoi on n'avait pas droit à Dieu ! » (18)
Tout en attirant ces femmes issues d'un milieu assez identique, qui continuera à pourvoir en cadres le Renouveau diocésain, ce dernier trouve une forte audience en milieu populaire, celui là même qui nourrit les rangs de la Mission Salut et Guérison. Lorsque nous prenons contact avec celle qui fut responsable du Renouveau pendant plus de vingt ans (19) pour lui demander ce qui attirait les participants au groupe de prière, elle nous répond : « le réveil des charismes ». D'où selon elle, une vive attraction pour le « merveilleux » : « venir pour un chant en langues, parce qu'il y aurait des guérisons. (Se dire) : je ne suis pas bien, je viens pour être guéri, et ne venir que pour ça… » (20)
Dans un contexte ecclésial travaillé par un mouvement de modernisation rapide de la société et d'aggiornamento post conciliaire, un certain catholicisme « éclairé » se laisse gagner par les fondements philosophiques de la modernité, séparant l'ordre de la raison et celui de la foi, admettant que l'Homme ne dépend plus d'un ordre extérieur que la raison critique ne saurait vérifier. Les entités surnaturelles : du bon dié, au diable en passant par les bébèt (21) et les saints divers (22), communément perçues comme pouvant avoir une action directe sur l'existence humaine, sont discréditées par les élites locales.
Pour leur part, la Mission Salut et Guérison et le Renouveau charismatique, sans épouser totalement les contours d'une vision traditionnelle d'un monde habité par des entités invisibles dotées de pouvoirs fastes et néfastes agissant sur l'existence des vivants, ne remplacent pas une interprétation des phénomènes en termes surnaturels par un raisonnement de type cartésien, mais elle la traduise sous un vocable qui lui est propre : maladie, possession, déconvenues de toutes sortes sont pour les fidèles pentecôtistes attribuées aux forces démoniaques, alors que les libérations, les réussites, les guérisons sont l'œuvre du Saint Esprit.
Cette convergence entre religiosité populaire et pentecôtisme -version évangélique et catholique-, constitue une raison majeure du succès rencontré par les deux formations religieuses. Elle s'accompagne d'un second point commun, à priori contradictoire : un processus « d'extirpation » de la religiosité populaire.

Abandon des doubles pratiques et « neutralisation » des morts
Comme la Mission, le Renouveau diocésain tente de répondre à une difficulté fréquente en milieu créole : celle « d'avoir pratiqué ailleurs ». Cette expression (23) désigne essentiellement les pratiques souterraines de sorcellerie, le recours aux tisaneurs, guérisseurs, et autres « techniciens du surnaturel », ainsi que les cultes rendus à d'autres Dieu que celui des chrétiens. Face à ces pratiques, le Renouveau poursuit le même objectif que le clergé réunionnais qui pendant tant d'années s'était évertué à condamner ces manifestations religieuses souterraines. Il réussit à les soustraire de l'univers domestique dans lesquelles elles s'étaient repliées. Josée d'expliquer :
« Il y a là beaucoup qui ont été délivrés et libérés. (…) Et ça c'est la grâce du Renouveau qui a dénoncé, qui a mis à jour ce qui était vécu dans l'ombre. … Ils vont venir pour être libérés, pour qu'on prie pour eux. … Et il y en a qui ont tellement peur, peur de lâcher pensant qu'on va leur faire du mal. On leur dit de continuer à prier et de lâcher (…)» (24)
Apparaît ici la crainte pour celui qui commence à fréquenter le Renouveau de manquer à la Tradition, et plus grave encore, de l'abandonner. En effet, les ancêtres considérés comme ses gardiens, ne manqueront pas de châtier celui qui les néglige et les rejette. Cette situation est réinterprétée au sein du Renouveau en termes de « combat spirituel ». Ce ne sont pas des entités invisibles qui s'en prennent à celui qui s'abandonne à Dieu mais le « mauvais », l'« Ennemi de la nature humaine », le « Malin ».
Le pentecôtisme met un terme à la perméabilité entre les deux mondes, visible et invisible. De la même manière, les charismatiques catholiques, rompent tout contact avec ces morts ambivalents. Les vivants n'entretiennent plus aucune dette à leur encontre. C'est ainsi que Corinne par exemple, une jeune femme d'origine afro-malgache, ne participe plus aux servis z'ancêtres organisés par sa famille depuis qu'elle fréquente ce mouvement.
« Là l'est pas bon, c'est ça l'est pas bon. Sak nous sava manger, sak nous sava boire, nous va dire : - ah, c'est not zancêtes l'a fait ça, prier ter là… Là même l'est pas bon ! » (25).
De même, les événements positifs intervenant dans la vie du croyant, ne sont dorénavant plus attribués à des ancêtres bien disposés mais au Saint Esprit. C'est également ce dernier qui se trouve à l'origine des charismes. Certes, ces expériences spirituelles ne sont pas étrangères à celles qui traversent l'univers créole peuplé d'agents du sacré communiquant avec les vivants sous forme de rêves, de visions, de messages. Mais là encore, ces signes auparavant considérés comme une production d'esprits quelconques sont réorientés vers l'unique Esprit du Dieu trois fois saint, rendu seul capable de les produire. Ce processus de réorientation procède tout à la fois d'une dynamique de rupture et de continuité : rupture, puisque les morts « désormais neutralisés » (26) comme l'écrit Bernard Boutter ne communiquent plus avec les vivants qui se sont affranchis de tout devoir à leur encontre, et continuité puisque la possibilité d'une intervention d'entités surnaturelles dans l'existence des vivants n'est pas contestée. Seulement, elle en est réduite à deux composantes : celle du Dieu Père, Fils et Saint Esprit d'une part et celle de Satan entouré de sa cohorte de démons d'autre part.

Moralisation des existences
Cette représentation du Saint Esprit comme puissance suprême apparaît, selon Bernard Boutter, comme le premier élément symbolique permettant au converti de rompre avec les traditions. L'ethnologue met en avant le fait que dans le mode de pensée traditionnel créole, les entités surnaturelles supposées protéger le croyant sont faillibles alors qu'en milieu pentecôtisant, le Saint Esprit est présenté comme une force insurpassable. Cependant, pour bénéficier en permanence de la suprématie de cette force invisible, l'individu doit « faire une rencontre avec Jésus », se placer sous sa Seigneurie, et se préserver du péché. Se trouve ici pointé un élément nouveau par rapport au mode de pensée traditionnel. Concernant ce dernier, Claude Prudhomme faisait remarquer que « l'individualisation de la faute reste une difficulté insurmontable pour des hommes dont la culture privilégie le sens de la responsabilité collective » (27). Bernard Boutter, pour sa part, constate que la notion de responsabilité personnelle n'y est pas inexistante mais qu'elle concerne essentiellement le fait d'observer ou non les rites requis envers les morts. Le sentiment de culpabilité ne peut alors disparaître qu'à partir du moment où celui qui a manqué à son devoir s'acquitte de sa dette envers son ancêtre en lui rendant le culte approprié.
Dans le pentecôtisme en revanche, la notion de péché concerne l'adéquation ou l'inadéquation entre l'agir du croyant et la morale prêchée par l'assemblée. Autrement dit, celui qui se convertit endosse la responsabilité de son comportement. « Par conséquent, le croyant devient responsable de ses actes dans le cadre de la définition du bien et du mal, donc en fonction d'une morale imposée par l'Eglise… Il sait désormais que s'il veut échapper aux infortunes qu'il subit, il dispose d'un mode opératoire qui passe par une morale, certes rigoureuse, mais qui prend en compte la conséquence du mal « perpétré » dans le tissage de son propre malheur et de celui des autres ». (28)
Pour B. Boutter, contre toute attente, cette reconnaissance individuelle du péché, n'est pas vecteur de culpabilisation. Au contraire, elle rend l'individu ayant succombé à ses faiblesses « responsable mais non coupable ».
Dans l'univers charismatique catholique, les propos de Josiane s'inscrivent dans une perspective semblable.
« Notre Dieu va nous laisser libre mais à aucun moment il va nous forcer à prendre son chemin qui n'est pas le chemin facile. … Si tu décides de le faire tu vas être vigilant à travers tout ce que tu vas vivre dans le courant de ta vie, tous les jours, et à la volonté de dire que je décide de suivre Jésus, je décide de rester dans sa lumière. Je vais peut-être tomber, lui il va me relever… ». (29)
A ce sujet, un des éléments qui paraît le plus révélateur à l'un de nos interlocuteurs, prêtre de surcroit, concerne le sacrement de réconciliation :
« Ce qui m'avait frappé en milieu populaire réunionnais, c'était qu'au bout de dix-quinze ans dans le Renouveau, les gens évoluent. Il y a notamment un indice, c'est la confession. Ce qui m'avait frappé en confessant les gens au Chaudron, c'était la profondeur spirituelle qui apparaissait en milieu populaire.
Je n'ai pas l'impression qu'il y ait eut de culpabilisation, la seule chose que j'avais pu remarquer c'est que lorsque les gens avaient des péchés graves à accuser, ils adoptaient un registre lexical de créole plus difficile… donc ça créait une distance par rapport au pauvre confesseur zoreil… ». (30)
Un diacre catholique confirme ce point de vue : « Même les prêtres les plus hostiles au mouvement charismatique changent d'avis lorsqu'ils viennent pour confesser lors des retraites que nous organisons ». (31)
Concrètement, outre le recours au pardon divin, en prenant conscience de sa responsabilité personnelle, le croyant réalise qu'il lui est nécessaire de changer sa manière d'être et sa façon d'agir. Comme le pentecôtisme, le Renouveau favorise une moralisation des existences dont la conséquence inéluctable se trouve être l'ascension sociale de ses participants. Retrouvant une stabilité conjugale et familiale, rejetant toute conduite addictive, cessant de confier leur avenir entre les mains des buralistes et autres marchands de jeux de hasard, les adeptes de ces assemblées voient leurs conditions de vie s'améliorer. Le mouvement charismatique catholique permet à nombre de ses membres d'échapper à des situations d'échec social et d'assistanat. Il leur permet de se réinsérer dans cette société réunionnaise en proie à de nombreux bouleversement, amortissant à sa manière le choc de la modernité.

Nouvelles affiliations
Suite aux changements intervenus dans la société réunionnaise, l'identité religieuse s'est vue contrariée par une mise à distance des structures traditionnelles d'encadrement desquelles les individus se sont inexorablement détachés. En ce sens, le pentecôtisme s'inscrit totalement dans un processus d'individualisation du croire puisque le converti rompt avec sa « lignée croyante » (32), refusant de continuer à suivre tout naturellement « la religion de sa nourrice » (selon l'expression de Descartes). Cependant, l'adhésion au protestantisme évangélique s'est également opérée en raison de la dimension communautaire que les Born again retrouvent dans les groupes fréquentés. C'est aussi parce que ces groupes leur permettent de rompre avec leur solitude et de tisser de nouveaux liens qu'ils qualifient eux même de « familiaux » qu'ils les rejoignent. Dans une île en proie à des mutations économiques et sociales, les Eglises pentecôtistes permettent à leurs membres de s'adapter. Elles attirent à elles ceux que la modernité n'a pas su intégrer mais également ceux qu'elle a propulsés dans une abondance matérielle asséchante qui ne les laisse pas moins seuls et amers. De la même manière, le Renouveau catholique offre à ses adeptes la même possibilité d'adaptation à ce nouveau contexte post traditionnel en leur offrant un réel soutien.
Un de ses membres l'affirme :
« Beaucoup de gens viennent de milieux modestes. C'est comme un plaisir de se retrouver tous ensemble. Le Renouveau, c'est plus d'attention portée les uns aux autres… Le Renouveau est plus proche, (alors que) l'Eglise catholique c'est quelque chose qui est loin… Le Renouveau, ce sont des gens de terrain, des gens du quartier qui visitent, qui viennent te voir, qui viennent prier avec vous. Pour moi le Renouveau c'est proximité et solidarité. » (33)
Ainsi, même s'il ne quitte pas les bancs de l'Eglise catholique, le fidèle charismatique passe par un processus d'individualisation du religieux similaire à celui qu'effectue les adeptes de la Mission Salut et Guérison. Certes, le croyant trouve dans ces groupes une dimension communautaire soutenue, mais il ne s'agit plus d'un réseau relationnel imposé de l'extérieur : il s'agit d'une affiliation volontaire.
Ce changement se manifeste dès les années quatre vingt par l'érection, au sein même de l'institution catholique, de « fraternités électives ». Celles-ci se mettent en place à travers des groupes de prière en premier lieu qui donnent eux même naissance à différentes communautés. (34) Ces nouvelles appartenances modifient les rapports entretenus par les fidèles avec leur entourage familial. Comme pour les chrétiens des assemblées de Dieu, l'association catholique offre à ses adeptes une nouvelle famille où chacun s'appelle « frère » et « sœur », et s'applique à vivre une certaine entraide en dehors des temps de rencontres « officiels ».
Magalie l'affirme : « On est une famille, quand on ne se voit pas, on peut s'appeler. Quand on a un problème, on partage. On n'est pas perdu. Souvent on n'est plus très proches de notre famille de sang, et on a quand même une grande famille ! ». (35)

Le Renouveau catholique comme les assemblées de Dieu prennent en charge une demande religieuse qui s'est pérennisée malgré les mutations sociales et les bouleversements enregistrés au sein du catholicisme. Et l'on comprend alors l'engouement de bon nombre de réunionnais, issus notamment des couches populaires de la population locale, pour ce christianisme qui ne vide pas les croyances traditionnelles de leur substance, tout en leur proposant une rupture grâce à un recours de loin supérieur.
Ce faisant, une différence notoire sépare le mouvement catholique du pentecôtisme : il ne conduit pas ses membres à rompre avec leur confession d'origine (le catholicisme). C'est ce que nous nous proposons d'étudier maintenant : comment ce « réveil » se réapproprie également la tradition catholique et tend à réintroduire ses membres dans cette matrice confessionnelle.

3.2 Héritage catholique
Alors que Jean Paul Willaime parle d'« individualisme religieux porteur d'une désacralisation des médiations institutionnelles et cléricales » (36) au sujet du pentecôtisme, ce qui le rattache immanquablement à l'univers protestant, il en va bien autrement du Renouveau réunionnais. Ce pentecôtisme version catholique ne s'est pas affranchit de son héritage confessionnel, ni émancipé de son cadre institutionnel, bien au contraire.

Revitalisation des traditions catholiques
Tout en ayant adopté des traits communs aux assemblées pentecôtistes, les charismatiques catholiques valorisent par ailleurs des pratiques caractéristiques de l'univers catholique, à commencer par la piété mariale. Cette dernière s'observe dans les groupes du Renouveau lorsque chaque année ils se consacrent à la sainte en chantant : « Je suis tout à toi, Marie, vierge Sainte, Tout ce que j'ai est tien, Marie, Vierge pure. Sois mon guide en tout, Marie, notre mère ». Ces invocations mariales ne sont pas les seuls éléments qui réintroduisent le Renouveau dans sa « matrice catholique. » Alors que plusieurs pratiques avaient fait les frais d'une certaine interprétation du Concile Vatican II reléguant rites et dévotions jugés optionnels voir obsolètes au profit d'une rationalisation « du croire», les groupes charismatiques contribuent à la revalorisation de plusieurs d'entre eux. C'est ainsi que les icônes par exemple, trouvent une place tout à fait centrale dans les assemblées qui vont jusqu'à porter leur nom : l'Emmanuel, Marie Porte du Ciel, le Cénacle. Concernant cette dernière, elle contribue également à réintroduire l'adoration eucharistique puisque ce groupe propose à ses membres de se réunir chaque semaine dans ce but.
Plus largement, les sacrements : de l'Eucharistie, des malades et de la réconciliation sont particulièrement remis en valeur. Leur réappropriation par les adeptes est lourde de conséquences. En effet ; si le Renouveau, favorise une remise en ordre des vies personnelles, la place accordée à l'orthopraxie paraît nettement moins centrale qu'aux assemblées de Dieu. Dans ces dernières, l'application d'une éthique de vie stricte, se présente comme un critère essentiel de réception de la grâce divine. L'expérience évangélique de la conversion doit se manifester concrètement par cette observance de nouvelles normes de conduites. Le born again a pour impératif de « témoigner » et le témoignage rendu est d'abord celui d'une existence sanctifiée. Comme l'écrit Jean Paul Willaime :
« Dans cette logique du croire chrétien, le Christ vivant n'est ni dans l'hostie de la messe (catholicisme), ni comme dans le protestantisme luthero-réformé, dans une Eglise où s'effectuent la prédication correcte de l'Evangile et l'administration correcte des sacrements (art.7 de la Confession d'Augsbourg). Il est dans des personnes croyantes qui l'attestent individuellement et collectivement. » (37)
Le protestantisme évangélique, qui privilégie de facto les signes visibles de l'agir divin, encourage ses adeptes à afficher les avantages matériels, financiers symboliques, dont ils ont bénéficié depuis leur conversion. De manière différente, par l'importance qu'il continue à accorder aux rites en général et au sacrement de réconciliation en particulier, le Renouveau ne limite pas la reconnaissance de la présence divine à ses manifestations dans la vie des convertis.
C'est ainsi que nous pouvons interpréter la différence entre ces deux messages. Le premier est prononcé par un pasteur des assemblées de Dieu (38) qui proclame : « s'il y a 36% de la population active au chômage (à la Réunion), il y a 2 ou 3% de la population active au chômage dans nos assemblées. Dieu bénit !»
Le second est prononcé par un prêtre, quelques mètres plus loin, au même moment, lors du rassemblement annuel du Renouveau :
«Il y a aussi parmi vous beaucoup de personnes qui n'ont pas de travail, qui n'arrivent pas à nourrir décemment leur famille, peut être par désespoir, elles gaspillent le peu d'argent dans le jeu ou la boisson. Toi qui cherche un travail, présente ton besoin au Seigneur… Merci Seigneur pour cette espérance nouvelle que tu mets dans le cœur… » (39)
Si la question de l'emploi est également évoquée ici, ce n'est plus la réussite sociale qui est mise en avant comme preuve de la bénédiction divine, mais l'échec de ceux qui n'ont pas accès au travail, auxquels une espérance nouvelle est promise s'ils s'en remettent à Dieu. Ce message inscrit l'attitude du croyant dans la tradition catholique d'abandon à l'œuvre divine, dont l'eucharistie proposée ensuite viendra récapituler toute la démarche. « Que l'Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire pour que nous obtenions les biens du monde à venir …» clame la troisième prière eucharistique. Nous pouvons dès lors nous demander dans quel mesure, ce message d'abandon à Dieu ne favorise pas une attitude plus passive chez les catholiques charismatiques et n'expliquerait pas, en partie, leur moindre réussite sur le plan matériel et économique ?

Soumission ecclésiale
Dés le départ, l'assemblée de l'Emmanuel tisse des liens privilégiés avec l'évêque du lieu en rendant régulièrement compte de ses pratiques et de son organisation. A partir de 1983, ce dernier demande à ce qu'une équipe diocésaine soit constituée, à laquelle il assigne pour but de « veiller à l'unité du Renouveau dans l'Eglise au service de la mission de l'Eglise. » (40) Cette injonction traduit sa volonté de soumettre le Renouveau à l'autorité de l'institution catholique. Elle le conduit ensuite à publier, ses « jalons pour le Renouveau.» (41) Après avoir rappelé combien cette mouvance catholique lui semble bénéfique pour l'ensemble de l'Eglise, il explique la nécessité qui lui incombe de « domestiquer » cette expérience :
« Dés le début, j'ai tenu à soutenir ces groupes en leur posant certaines conditions vu le contexte psychosociologique du diocèse. » En effet, ajoute-t-il, « les Réunionnais sont très friands de merveilleux et de gestes spectaculaires. Dans un tel contexte on aurait pu regarder les charismatiques comme des super chrétiens aspirant à parler en langues ou à opérer des guérisons miraculeuses. » (42) Afin d'éviter des dérapages, le document émet une série de recommandations dont celle de ne pas appeler groupes « charismatiques » ces assemblées. « La dénomination à prendre est groupes de prière ou groupes Renouveau. » (43)
C'est ainsi que sur l'île, le Renouveau a évolué vers un mouvement dont les rites, les pratiques et l'organisation se calquent toujours plus sur ceux d'une Eglise catholique qui s'est employée à canaliser son effervescence. Cependant, comme le souligne Bernard Boutter :
« Il faut bien voir que la réappropriation de ces pratiques s'effectue en leur insufflant massivement du sens. Les charismatiques ne s'adonnent pas à ces pratiques parce qu'elles seraient des « traditions » prescrites par l'Eglise, un ensemble de gestes routiniers, ils les effectuent parce qu'elles remplissent de ferveur le cadre de leur relation personnelle et intime avec Dieu. De ce fait, en conclut l'ethnologue, « dans le cas des charismatiques, la revitalisation des traditions catholiques n'est autre qu'un processus de résistance à la métaphorisation du religieux dans le champ catholique qui vise à redonner à ces croyance et pratiques toute leur efficacité. » (44)

Réappropriation de l'Histoire
Laurence, jeune trentenaire, fréquente un groupe issu du Renouveau. Ce faisant, elle a entrepris une recherche généalogique « pour avoir la matière pour mon identité » (45) confie -t-elle. Sa démarche n'est absolument pas comprise par son père, un membre de la Mission Salut et Guérison :
« Papa est contre la recherche généalogique. Il rejette les origines de maman et les siennes en fait … Il est blanc de peau et sa famille aussi, mais mon grand-père paternel, quand je l'ai vu sur son lit de mort, il n'était pas blanc de peau ! Ce métissage-là, sans doute est quelque chose qui n'est pas assumé. Ses origines malgaches, il ne veut pas (les) voir ».
L'attitude du père de Laurence illustre le désintérêt que manifestent les adeptes des assemblées de Dieu à l'égard de leurs origines ethnoculturelles, et, inversement, le surinvestissement de leur identité chrétienne. Bernard Boutter se demande « si les convertis n'échappent pas, par ce biais, au poids du passé historique très lourd dans cette île qui a connu l'esclavage. En effet chaque réunionnais est hanté par les douloureuses blessures de ce passé insulaire, par la honte ou la culpabilité enfouie dans les consciences. » (46)
Au sujet des antillais en région parisienne, Jean Claude Girondin fait un constat identique : leur « conversion au protestantisme est une conversion par opposition plus qu'une conversion par composition ne vue d'une construction de soi. La conversion est d'abord rupture avec les divers héritages de son passé esclavagiste et colonialiste sous toutes ses formes : sociale, culturelle et religieuse. »(47) Selon le sociologue, cette nouvelle appartenance fondée sur l'appartenance religieuse leur donne accès à une nouvelle identité, une « méta-ethnicité » comme il la nomme, qui leur permet de dépasser les configurations historiques et culturelles dans lesquelles ils se trouvaient enfermés.
Dans l'univers catholique, si toute communication avec les morts est désormais proscrite, la rupture avec le passé est loin d'être aussi franche. Certes, tous les membres du Renouveau ne procèdent pas, à des recherches généalogiques, mais de même que la découverte du mouvement charismatique les amène à se réapproprier les éléments de la foi catholique, ils sont aussi nombreux à se réapproprier les éléments de leur histoire humaine après leur conversion. « Ne rien nier et en même temps, être fidèle à ses ancêtres ce n'est pas les imiter mais inventer comme eux l'ont fait. Ça m'a ouvert l'avenir » (48), conclut Laurence.
La majoration de l'identité chrétienne au détriment de ses origines ethno-culturelles chez les adeptes de la Mission amenait Bernard Boutter à considérer « l'assemblée pentecôtiste comme un espace de réconciliation entre les communautés. » (49). Nous pouvons à sa suite nous demander, si d'une manière différente, la prise en considération de leur histoire et de celle de leurs ascendants chez les adeptes du Renouveau n'amène pas à considérer ces groupes catholiques comme « un espace de réconciliation » entre les générations ?
Avec cette troisième caractéristique propre à l'univers charismatique, nous retrouvons un des éléments de distinction majeur entre catholiques et protestants : le rapport à la médiation.
Avec la revitalisation de la tradition et la soumission aux instances ecclésiales, il s'agissait de la médiation des rites et des autorités. Là, avec cette réappropriation du passé, il s'agit de la médiation de l'histoire et du temps. Le rapport à la médiation constitue le concept cardinal autour duquel s'ordonnent les deux types de formations religieuses.


Conclusion
Le Renouveau catholique apporte à ses membres, un « christianisme émotionnel » avec la même possibilité pour ses sympathisants de recours à la force du Saint Esprit qu'à la Mission Salut et Guérison, sans les pousser pour autant à rompre avec leurs origines confessionnelles. Car, s'il amène lui aussi, ses adeptes à moraliser leurs existences et à rejeter les cultes et pratiques jugés idolâtres comme celles qui sont dédiées à des divinités hindoues ou à des ancêtres -en milieu afro-malgaches ou indien tamoul-, il n'implique pas l'abandon de la tradition catholique. Cette rupture avait pour effet en milieu pentecôtiste de séparer le fidèle converti de sa parenté « non convertie » et de le conduire à redéfinir son identité. Ceci ne se produit pas dans les mêmes termes pour le fervent charismatique. En un sens, son appartenance à la mouvance charismatique ne le marginalise pas puisqu'il continue à se rendre aux communions solennelles, à danser lors des mariages et à participer aux veillées mortuaires. Dans bien des cas, sa réputation de catholique fervent le conduit même à se voir particulièrement sollicité par tel ou tel membre de la famille pour animer les chants lors d'une messe de mariage, célébrer un office autour d'un mort, ou encore devenir le parrain d'un nouveau né (50). Difficile, dans cette configuration, d'associer dans un même champ religieux Renouveau charismatique et pentecôtisme évangélique. Les points communs sont certes nombreux mais leur développement respectif tend néanmoins à les éloigner l'un de l'autre. Au plus le Renouveau évolue dans le temps, au plus il s'institutionnalise en se réappropriant les traits caractéristiques de l'univers confessionnel dans lequel il est né. Lorsque, de « religion vécue », il devient « religion en conserve » (Bastide), il perd non seulement son effervescence initiale, mais il prend le goût de la « maison catholique » qui l'a « mis en boîte. »
Initialement, pentecôtisme évangélique et charismatisme catholique procèdent d'une même adaptation aux changements observés dans la société réunionnaise. De manière contradictoire, ces « nouveaux syncrétismes » se présentent tous deux comme une nouvelle expression populaire en rupture avec le « catholicisme populaire ». A travers la Mission Salut et Guérison d'une part et le Renouveau catholique d'autre part, ils prennent pourtant deux formes distinctes qui les rattachent aux deux univers confessionnels dans lesquelles ils se sont développés. Ainsi, la mouvance « pentecôtisme - charismatique » se décline-t-elle successivement en une nouvelle expression populaire du protestantisme et une nouvelle expression populaire du catholicisme.


1 - Le mouvement de Pentecôte naît à Topeka, dans le cadre du collège Bethel (Kansas) à l'initiative du pasteur méthodiste blanc Charles Fox Parham (1873-1929). Son développement se confirme ensuite avec le ministère du prédicateur baptiste noir William Joseph Seymour (1870 -1922) qui y introduit des éléments de la spiritualité afro américaine. Il se caractérise par son insistance sur le Saint Esprit et la pratique des charismes qui y est associée (chant en langues, guérison, prophéties). Rapidement, le courant pentecôtiste se répand aux Etats unis, avant de se diffuser ensuite sur tous les continents. Il donne naissance à différents mouvements dont celui des Assemblées de Dieu, qui représente 10% des pentecôtistes de par le monde et la principale famille pentecôtiste en France.
Au début des années 1960, la mouvance pénètre les églises protestantes établies, mais, sans que les nouveaux adeptes ne quittent leurs assemblées d'origine. A peine deux ans après la fin de Vatican II, quelques jeunes catholiques de l'université de Duquesne à Pittsburgh (USA) font une expérience religieuse similaire qui engendre ce que l'on nomma ensuite le Renouveau Charismatique Catholique. Au tout début, cette « seconde vague » pentecôtiste fut également désignée sous le terme de « néo-pentecôtisme ». Dorénavant, et à la Réunion en particulier, le terme de néo-pentecôtiste n'est plus attribué aux pentecôtistes catholiques mais aux Eglises dissidentes des ADD, nées dans les années 1980, dans le sillage de la « troisième vague ». Ces dernières assemblées sont également appelées « néo-charismatiques », ou « évangéliques charismatiques ».
2 - Bernard Boutter, « Le pentecôtisme à l'île de la Réunion : « Protestantisme émotionnel » ou nouvelle « religion populaire ? » Revue d'Histoire et de Philosophie Religieuse, 2001, t.1981, 1, p.45-61, p.57
3 - Ibidem
4 - C'est en ces termes que Mgr Aubry introduit sa conférence « la religiosité populaire à la Réunion » donnée à Saint Denis le 24 mars 2007 auprès des jeunes du Service Diocésain des Vocations.
5 - Lettre du préfet apostolique Criais, ALP. Vol 1504, 28 janvier 1742, cité par P. Eve, 1985, « La religion populaire à la Réunion », vol 1, Saint Leu, imprimé sur les Presses de Développement, Institut Linguistique et d'Anthropologique de la Réunion, p.44
6 - Les premiers prêtres sont des missionnaires de passage, avant que des capucins ne s'installent définitivement sur l'île en 1672
7 - C. Prudhomme, ibidem, p. 304
8 - Mgr Maupoint, A. Sp., Lettre pastorale pour l'Œuvre de la Propagation de la Foi n° 14, 3 décembre 1858, cité par C. Prudhomme, ibid, p. 204. Cet extrait de la lettre de Mgr Maupoint s'appuie sur l'évangile de Luc, 1,79
9 - Près de 90 % de la population insulaire est catholique
10 - S. Nicaise, « Le continuum religieux créole, une matrice du catholicisme de la Réunion ?», thèse de Doctorat d'Anthropologie, Université d'Aix - Marseille, Faculté de Droit, d'Economie et des Sciences, 1999, p.63
11 - C'est précisément cet extrait de l'évangile de Matthieu (Mat 4, 16) que choisit Aimé Cizeron pour illustrer l'extension des assemblées de Dieu à l'Ile Maurice. A l'occasion des 40 ans de la Mission, le DVD intitulé « le réveil spirituel de l'Ile Maurice » comporte cet unique verset biblique sur son boitier.
12 - A .Cizeron (avec P. Le Perru et A. Lebel), 1992, « Aimé Cizeron, pionnier dans l'Océan Indien », Deerfield, Vida
13 - David Cizeron, « 3 aout 1966… Il y eut un matin : ce fut le premier jour. », Mission Océan Indien, n° 40, mars 2006, pp 12-17, p.4
14 - Cette mouvance, née aux Etats unis dans les années soixante, correspond à l'introduction du pentecôtisme dans les Eglises historiques (protestante puis catholique). Elle se caractérise notamment par le fait que les nouveaux baptisés dans le Saint Esprit ne quittent pas leur Eglise d'origine, mais que tout en participant à des assemblées de prière en semaine, ces charismatiques demeurent fidèles au culte dominical et à leurs divers engagements ecclésiaux.
15 - Douze jeunes dans la « chambre haute », Eglise à la Réunion, juillet 2005, p.28
16 - Ibidem
17 - Entretien C 04
18 - Entretien C.04
19 - Du décès de Marie Lise Corzon en 1982 à 2004
20 - Entretien C 04
21 - Ames errantes
22 - Y compris les diverses figures mariales : la Vierge Noire, Notre Dame de la Salette, Notre Dame de la Délivrance, la Vierge au parasol, …
23 - Expression qui émane de la bouche de l'ancienne responsable du Renouveau.
24 - Entretien C 07
25 - Ibid.
26 - B. Boutter, 2001, ibid, p.54
27 - C. Prudhomme, op.cit, p.304
28 - B. Boutter, 2002, « Le pentecôtisme à l'île de la Réunion. Refuge de la religiosité populaire ou vecteur de modernité ? », Paris, L'Harmattan, p.210
29 - Entretien C 12
30 - Entretien C 28
31 - Le Tampon, conversation du 20. 01. 2009
32 - D. Hervieu - Léger, 1999, « Le Pèlerin et le Converti, la religion en mouvement », Paris, Flammarion/ Champs
33 - Entretien C 9
34 - Au tout début des années 1980, trois communautés insulaires se développent : Marie porte du ciel (Saint Denis), L'étoile radieuse du matin (Saint Pierre), Maranatha (Saint Leu). Par la suite, deux communautés métropolitaines s'implantent à la Réunion : le Chemin Neuf (1989) et les Béatitudes (2002). Enfin, en 1997, les Cellules de maisons démarrent et donnent à leur tour naissance à deux autres groupes : les Flambeaux (2003) et le Buisson ardent (2006).
35 -Entretien C 10
36 - J-P. Willaime, 1999, « le pentecôtisme, contours et paradoxes d'un protestantisme émotionnel » p.13
37 - J-P. Willaime, 2004, « Le statut et les effets de la conversion dans le protestantisme évangélique » in Le protestantisme évangélique un christianisme de conversion, (Sébastien Fath éd.), Turnhout, Brepols, pp 167-178, p.171
38 - Saint Denis, stade de l'est, rassemblement de pentecôte 2008
39 - Saint Denis, église du Chaudron, rassemblement de pentecôte 2008
40 - R. Mussard, J. Rivière, « Les débuts du Renouveau avec Sœur Marie Lise Corson »,1988.p.16
41 - G. Aubry, 1988, « Jalons pour les groupes du Renouveau dans la prière de l'Eglise de notre temps », dans Pour Dieu et pour l'Homme réunionnais, Ile de la Réunion, Océan Editions, pp.103-111. L'évêque rédige une première version en 1986, qu'il viendra étoffer par une seconde version en 2 000.
42 _ G. Aubry, 1988, Ibid, p.104
43 - Ibid.
44 - B. Boutter, 2002, ibid, p.228
45 - Entretien C 22
46 - . Boutter, 2001, ibid, p.52
47 - J.C Girondin, « Conversion et ethnicité parmi les protestants antillais en région parisienne », in Le protestantisme évangélique un christianisme de conversion, (Sébastien Fath éd.), Turnhout, Brepols, pp 147-165, p.164
48 - Entretien C 22
49 - B. Boutter, 2001, ibid, p. 53